28/02/2013
Journal désinvolte 28/02/2013
Le sort réservé aux meilleurs de nos écrivains ne plaide guère en faveur de la société qui s'est emparée de ce pays. Du dix-neuvième siècle, il semblerait que nous eussions hérité plus particulièrement des "ligues de vertu" (pseudo-féministes, -anti-racistes,- hygiénistes, - démocratiques, - religieuses etc...) qui surveillent les esprits, donnent et refusent l'imprimatur pour des "raisons" dont Théophile Gautier se moquait déjà dans son exquise et virevoltante (et redevenue, dans son propos, contemporaine au suprême) préface à Mademoiselle de Maupin.
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Les esprit qui tombent sous ce joug puritain, et n'ont pas assez de coeur ou d'étoffe pour le défier ou l'ignorer, voient leur langue réduite à un idiome étrange, où certains mots sont proscrits, où d'autres acquièrent un sens fallacieux et figé. Ce n'est plus la langue de bois, qui sonnait creux, mais une langue de plastique, - mais sans plasticité, lisse et dure comme un monde parfaitement imperméable au réel.
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Lorsqu'il y a trop de raisons de se tirer une balle dans la tête, l'acte n'en vaut plus la peine.
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Nos ennemis nous veulent à leur ressemblance, plein de rancoeurs, rongés par cet "ulcère de l'âme", l'envie. Ils nous taquinent en espérant susciter en nous le même sentiment de grief qu'ils éprouvent à notre égard, et qui les ronge. La fascination que nous exerçons sur ceux qui nous haïssent voudrait une réciprocité, une contre-partie. Ceux qui n'ont presque plus de raison voudraient nous la faire perdre: prosélytisme du toxicomane, - ce qui rend tout prosélytisme suspect. Veut-on nous faire partager un bienfait, ou une tare ?
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Dans la prosélytisme idéologique, la pression morale s'exerce presque toujours pour nous faire renoncer à un plaisir des sens ou de l'intelligence, et perdre notre désinvolture. La joie est chez ces gens-là, un argument contre. Plus honnêtes hommes sont les écrivains qui racontent, pensent, poétisent, suspendent leurs jugements et font de leurs tristesses mêmes le principe d'intenses joies artistiques.
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L'époque moderne, prétendument "éclatée", festive, libérée, est la mieux étouffée par un prosélytisme maniaque, lancinant et sinistre dont les saturnale elles-mêmes ne sont plus que l'expression commerciale et bien-pensante.
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Entre la fête dionysiaque, antique ou médiévale, et la fête moderne, la différence est que l'une était en contrepartie de l'ordre apollinien ou théologique, un suspens, alors que l'autre est l'expression bruyante de l'ordre établi.
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Le totalitarisme advient lorsque les saturnales ne sont plus le retournement de l'ordre établi, mais son prolongement, lorsque l'ordre est plat, pure planification, sans avers ni envers. Idéologie dominatrice, sous des aspects divers en apparence contradictoires; extraordinaire puissance des sucs gastriques pour dissoudre et digérer les subversions, et qui ne trouvera en face d'elle que de calmes adeptes des causes perdues... Nous soulignons le calme car tout énervement nous prive de notre nerf, de notre force nerveuse, et nous fait glisser en tous sens sur des surfaces planes disposées à cet escient: faire de nous des êtres de nulle part, dans un relativisme général. Le plan, au demeurant, est incliné. Il nous verse dans une indistinction semblable à la mort.
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Les merveilleuses croyances où les hommes continuent à être distingués après leur mort apparaissent comme une riposte à la toujours menaçante indifférentiation des vivants. Si nous ne sommes pas interchangeables après la mort, l'honneur de la vie est sauf.
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Derniers livres parus:
Entretiens avec des Hommes remarquables (collectif), préface d'Alain de Benoist, éditions Alexipharmaque
Propos réfractaires, éditions Arma Artis.
Lux umbra dei, éditions Arma Artis.
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27/02/2013
Deux lettres de Raymond Abellio
Vence, le 5 février 1986
Cher Luc-Olivier d'Algange,
La revue Pictura et votre lettre m'ont été retransmises à Vence, où je passe durant l'hiver, la majeure partie de mon temps. Merci pour l'une et l'autre et tous mes compliments pour votre article sur les néoplatoniciens: vous y abordez de grands et multiples sujets, dans une parfaite clarté, ce qui n'est pas si simple, et j'y ai retrouvé avec bonheur nombre de thèmes qui me passionnent et dont je serais heureux de parler avec vous. Car nous pouvons, si vous le désirez, nous rencontrer, soit ici, soit à Paris, soit à Toulouse où je serai, en principe, au début du mois de mai.
N'ayant reçu Pictura qu'hier soir, je n'ai pu lire que votre article dont je ne vois pas encore comment il s'intègre au reste de la revue, mais peut-être cet éclectisme est-il voulu. Dites-moi ce qu'est Pictura.
Vous donner un texte m'est plus difficile que vous rencontrer; je travaille en ce moment à un essai qui me prend tout mon temps et me fatigue beaucoup. A mon âge, il est à peu près impossible de mener deux choses de front. Mais j'ai avec moi un petit groupe d'amis bien plus compétent en matière de Kabbale et de Yi-king, par exemple. Je pourrais les mettre en rapport avec vous.
Soyez assuré en tous cas du vif plaisir que j'ai à vous lire, et, en attendant de faire votre connaissance, croyez-moi, je vous prie, bien sympathiquement vôtre.
Raymond Abellio.
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Vence, le 27 février 1986
Cher Luc-Olivier d'Algange
Un grand merci pour votre envoi (lettre et article destiné à Question de). Question de est une revue que je connais bien et qui, en gros, m'a toujours soutenu. Robert Amadou, qui y écrit, est mon ami. Je n'en dirai pas autant de l'Université en général, à l'exception de non-conformistes comme François George, qui dirige la revue Liberté de l'Esprit, fort éclectique, il est vrai, - mais il faut être agrégé de philosophie pour être admis dans le milieu professoral, et le groupe d'influence qui s'est créé autour de Foucault, Barthes, Derrida, Lyotard, est encore tout puissant, et l'accès à la collection La Bibliothèque des Idées, chez Gallimard, est devenu impossible, je pense, à qui n'est pas "du métier". La parution de la "Structure Absolue" n'y fut possible que grâce aux efforts d'un ami politique, Robert Carlier, qui sut convaincre Michel Deguy. Il y fallut quand même des mois de palabres.
Je serai à Toulouse le 29 avril pour une conférence à l'Hôtel d'Assezat, sous l'égide de l'Académie des Jeux Floraux et resterai dans ma bonne ville natale (qui m'a remarquablement ignorée jusqu'ici) jusqu'au 3 mai. Nous pouvons nous rencontrer avant, à Paris ou à Vence, si vous le désirez, mais ce séjour à Toulouse nous donnera toute liberté.
A bientôt donc, et toujours bien sympathiquement vôtre
Raymond Abellio.
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25/02/2013
Note sur l'Art métaphysique (en langue espagnole)
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Entretien
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Witkacy
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24/02/2013
Léon BLOY
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23/02/2013
Journal désinvolte de Luc-Olivier d'Algange 23/02/2013
Etre équamine est parfois, pour la pensée et pour l'âme, une simple question de survie.
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Lorsque le dévergondage du pathos et de l'outrance envahissent le monde, les temps sont venus de rejoindre "l'ermitage aux buissons blancs" dont parlait Ernst Jünger. Le désengagement s'avère être un engagement supérieur. L'intelligence, le calme, la beauté disposent l'âme à des noces plus ardentes.
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Deux pôles politiques se dégagent peu à peu du chaos. L'un va vers la société anonyme, l'autre vers le Royaume. Le choix nous appartient. Ne cédons pas à la ruse la plus éventée des idéologues qui consiste à nous faire croire que ce qu'ils souhaitent est déterminé, et qu'il ne nous reste plus qu'à suivre, bon gré mal gré, le courant "comme un chien mort au fil de l'eau" (selon l'expressive formule de Léon Bloy).
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Le déterminisme est une conquecigrue d'irresponsable.
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Le monde moderne est entièrement voulu. Ce qui fait sa force et sa faiblesse. Rien, en lui, ne correspond à l'ordre des êtres et des choses. La discordance ne domine l'harmonie qu'un temps donné.
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Le pathos agrège, abolit les distances et les déférences. Or, toute civilisation se mesure aux distances qu'elle instaure entre les individus. La "communication" qui abolit les distances est une barbarie. Intrusion, promiscuité, grégarismes, meutes, pogroms. Les hommes partagent plus communément leurs haines et leurs craintes que leurs bonheurs. Quant à l'intelligence et à la sapience, elles ne se communiquent pas, elles se transmettent.
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Etre distant: condition de la dignité réciproquement reconnue. En-deçà d'une certaine distance, le regard ne s'ajuste plus, autrui ne nous apparaît plus que d'une façon troublée, partielle, dans un "gros plan" monstrueux.
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S'éloigner, rendre hommage au lointain du monde en nous-mêmes qui vient à la rencontre. L'échange des regards, des lointains qui se croisent... Intersections d'infini, ténèbres antérieures de la pupille qui se souvient d'un "avant" de la lumière, d'un fiat lux en amont de toutes les temporalités.
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Etre présent, c'est venir, advenir du lointain infini de la présence. Adsum, me voici, dans le moment présent, comme un éclat d'écume, une promesse.
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Venir de loin, apporter une provende scintillante, et repartir avant d'être remercié.
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L'optimiste croit que le monde de l'avenir vaudra mieux que ceux du passé, ou du présent qu'il fera disparaître. Le pessimiste croit que les mondes disparus valent mieux que ne vaudront les mondes futurs, - mais avec cet avantage logique, en faveur du pessismiste, que ce qui existe, ne fût-ce que dans la mémoire, vaut mieux que ce qui n'existe pas, et mérite davantage notre déférence. L'un et l'autre cependant, n'en demeurent pas moins des nihilistes, et non des fondateurs.
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La raison d'être du Politique, au sens noble du terme, est de disposer le monde en faveur de la poésie. Les règles politiques, lorsque la politique n'est pas subjuguée par l'économie, sont de l'ordre de la prosodie. Il appartient ensuite au génie des peuples et des individus d'exalter cette prosodie en poésie. Les subtiles règles du sonnet, certes, valent ce qu'en font les poètes, - mais ce qu'ils en font est irrigué par les puissances de la langue elle-même dont la trame se révèle dans la poétique transmise. La beauté créée est un tout supérieur aux parties qui la composent. L'auteur, la langue, le monde conjurent au resplendissement d'une vérité qui les dépasse.
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Derniers livres parus:
Lux umbra dei, éditions Arma Artis
Propos réfractaires, éditions Arma Artis
Lectures pour Frédéric II, éditions Alexipharmaque
Entretiens avec des Hommes remarquables (collectif), préface d'Alain de Benoist, éditions Alexipharmaque
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22/02/2013
Journal désinvolte 22/02/2013
Un pays: une réalité historique, sensible et intelligible, une poétique de l'espace, des légendes, une tradition. La société: une abstraction anonyme, aux agissements obscurs. La société conduit désormais une guerre civile impitoyable contre le pays. Tout pays est un royaume.
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L'utilitarisme économique est le siphon où disparaissent toutes les formes élémentaires de la dignité, de l'honneur, de la grandeur d'âme, et avec elles, la nature elle-même; comme il est parfaitement logique que la nature soit souillée à la suite de la spoliation de la Surnature.
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Lorsque l'on considère, en logique sociale, que certains hommes sont plus utiles morts que vivants, on les tue. Dans les sociétés moins ingénues, plus retorses, on commence par les réduire à la misère et leur ôter la parole. Donner comme horizon d'espérance la "croissance économique", c'est non seulement ôter toute espérance, c'est le faire d'une façon particulièrement insultante.
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Une société soumise à l'utilitarisme économique s'évertue non à s'enrichir mais à créer les conditions où chacun se trouvera contraint et forcé à ne penser qu'à s'enrichir. Ce qui implique la réduction de tous les espaces, d'autarcie, de luxe, de liberté et de bonheur. L'intelligence humaine s'en trouve extraordinairement rétrécie.
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La disparition de certaines facultés de l'entendement humain a ceci de fatal, qu'une fois disparues, nul ne se souvient qu'elles furent naguère exercées. Nous assistons à l'installation progressive d'une infirmité normative. La logique décline en même temps que la perception sensible. Tout se ramasse en des émotions primaires (peur, convoitise) dont les publicitaires et les politiciens indistincts usent à loisir. La réduction du spectre du sensible et de l'intelligible rapproche l'homme de la machine dont il convoite les pouvoirs.
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La haine des nuances est au principe de l'utilitarisme: haine des nuances qui ralentissent l'action, ouvrent à la contemplation "des nuages, là-las, là-bas, les merveilleux nuages" qu'évoquait Baudelaire. Dans le monde moderne, tout homme de nuance est un "extraordinaire étranger". On peut encore différencier quelque peu les sociétés selon l'acceuil qu'elles réservent à cette sorte d'étrangers, dont l'étrangeté est d'autant plus radicale qu'ils n'ont pas quitté leur pays; c'est leur pays qui est chassé autour d'eux, et ils en demeurent les ultimes témoins.
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Toute la difficulté consiste alors à ne pas dramatiser la situation, à garder sa désinvolture comme l'un de ses biens impondérables.
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Dernier livre paru (collectif)
Entretiens avec des Hommes remarquables, préface d'Alain de Benoist, éditions Alexipharmaque
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Malcolm de Chazal.
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20/02/2013
Journal désinvolte 20/02/2013
Les êtres et les choses ont pour point commun d'être uniques. Les jours se ressemblent par leur diversité. Il en va de même des heures, des minutes et des secondes. Si vous vous ennuyez, n'accusez que vous-mêmes, ou le monde ennuyeux auquel vous collaborez.
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Seuls sont à l'honneur de Dieu, et de l'infini de sa Création les actes gratuits. L'immense gratuité de la Création inquiète et scandalise les calculateurs, les impies. Une religiosité utilitaire obture sa source. Le reproche moralisateur adressé à l'inutilité est une négation du bien, de la bonté même qui agit sans contreparties; sans quoi elle ne serait que calcul. L'inutile est l'Essentiel.
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L'efficacité à court terme est au détriment du rayonnement. Les oeuvres qui trouvent immédiatement leur place dans leur temps disparaissent avec lui. Le rayonnement d'une pensée, d'un acte, d'une oeuvre, d'un moment, tient à la conception du temps, non plus linéaire mais sphérique. Ce qui rayonne ne poursuit pas un but mais va d'un point central vers tous les points proches ou lointains dans une communion essentielle, pour la seule gloire. La logique, si dénigrée en ces temps d'émotions faciles, opère, elle aussi, en mode rayonnant. Au coeur est le silence du Logos, du Verbe, que l'on rejoint en partant d'une quelconque périphérie.
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On distinguera deux façons de voyager. L'une moderne, touristique, fuyante, qui va de la périphérie vers le lointain, l'exotique et l'exotérique. L'autre initiatique, qui va, quittant la périphérie, vers le centre.
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Les humains, en proie à leurs ressentiments utilitaires, passent à côté les uns des autres comme ils passent à côté des paysages et des oeuvres. On comprendrait que les misérables fussent accablés par la "gestion" de leur quotidien, on le comprend moins de la part des repus.
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Nous ne cherchons pas à convaincre. Nous allons en paix. Il est trop tard pour nous faire taire. Nous vivons dans l'amitié de la lumière changeante. Ce sont les changements de la lumière qui écrivent à travers nous.
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Je n'aime pas le passé; j'aime le présent du passé; vertus claires, immémoriales, fidélités, droitures, mais aussi ombrages et secrets.
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Prendre chaque jour un moment pour prendre le diapason - c'est-à-dire la mesure de sa fragilité et de la fragilité de tout. La valeur des êtres tient à ce qu'ils peuvent succomber à tout moment.
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La frugalité est un principe hédoniste. La quantité est toujours restrictive. Le bourrage moderne (d'informations, de biens de consommation) suscite non seulement le dégoût mais exerce une action directement privative. Exemple: plus il y a d'êtres humains réunis dans un seul lieu et moins ils échangent. Plus nombreux sont nos interlocuteurs et moins nous reçevons d'eux, et inversement, moins ils reçoivent de nous. Communication de masse: assommoir.
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Dernier livre paru (collectif)
Entretiens avec des Hommes remarquables, préface Alain de Benoist, éditions Alexipharmaque.
23:11 | Lien permanent | Commentaires (0) | | Facebook
18/02/2013
Journal désinvolte, 18/02/2013
La méthode commerciale, style "force de vente" appliquée à l'art, l'amour, la pensée, est une façon de se "libérer" de l'art, de l'amour et de la pensée pour se donner tout entier à l'avilissement, là où plus rien ne se distingue. La confusion générale est l'antipode de l'Inconditionné. Entre les deux, des nuances, des destinées humaines, des défaites et des victoires. La mystique de la confusion est pouvoir. La métaphysique de l'Inconditionné est autorité.
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Toutes les idéologies sont de table rase; les unes avec plus d'hypocrisie que les autres, la muséologie y remplace la destruction, le gel s'y substitue au ravage. La création poétique est mémoire, présence du passé, - présence, éternité, flèche du temps, mais verticale. Ce qui est au centre est en haut.
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Les hommes qui ne se hiérarchisent pas s'épuisent dans l'idolâtrie et dans la haine. Ils sont à plat. Rien n'y peut fleurir en beauté et en bonté. Ces prétendus philanthropes, optimistes déçus, finissent dans la haine du genre humain, ou, pire encore, dans la haine de tel ou tel sous-ensemble du genre humain.
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L'idée royale fut longtemps, et bien-au-delà de son institution politique, la sauvegarde pour chacun, d'une souveraineté intérieure. Il en demeure, ici et là, des place royales: celles de nos sagesses, de nos amours, - irrécusables épiphanies qui s'enracinent dans le ciel comme les branches d'un éclair.
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La seule égalité souhaitable est l'égalité d'humeur. L'équanimité et la politesse suscitent dans l'enfer social, d'inexpugnables places pour le colloque paradisiaque des âmes heureuses. Ici et là, une rencontre, une conversation, suffisent à sauver le monde, ou, mieux encore, à le justifier.
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Dans la comédie sociale, seuls se font entendre les singes hurleurs. Une page écrite est laissée à la voix de celui qui la lit: préséance accordée à l'hôte.
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Vouloir se faire entendre, c'est déjà consentir au malentendu. S'éloigner peu à peu du désir de convaincre, se délester du pouvoir que l'on a de persuader: long chemin de solitude qui va de la conviction à la pensée, et de celle-ci, à l'impondérable de la "montagne vide".
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La plupart des gens qui apprennent que vous avez publié un livre, avant même de vous demander de quoi il parle, vous demandent sous la couverture de quel éditeur il a été publié. Pour ceux là, qui, au demeurant, ne comprendront jamais rien au dessein ou à la vocation d'un éditeur digne de ce nom, il y a primauté de l'emballage sur le contenu. Difficile alors de leur parler d'ésotérisme.
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Nous ne reprochons pas à la vulgarité d'être vulgaire, mais d'être totalitaire, désormais: de répandre partout "un vacarme silencieux comme la mort". Une vulgarité à sa place serait presque rafraichissante. On en viendrait à l'aimer de ne s'exercer que dans l'espace qui lui est dévolu. Elle se laisserait visiter avec un léger plaisir, comme une contrée exotique. Hypothèses, rêveries... La réalité est une armée noire qui marche sur nous, dotée de toutes les puissances modernes; et ne trouvera en face d'elle que des rêveurs, armés de fleurets, disposés à mourir pour la beauté du geste.
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Toutes les causes sont historiquement perdues, sauf celle de l'avilissement. Mais la plus perdue de toutes les causes perdues est aussi celle qui se rapproche le plus de la victoire surnaturelle. Victoire essentielle et immédiate: lorsque la fin ne justifie plus les moyens. Les causes perdues sont un peu moins perdues qu'on nous le voudrait faire croire.
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Le fabuleux, le mystérieux, l'enchanteur, l'extraordinaire sont dans le regard, bien davantage que dans les choses regardées. A certains, tout est ennuyeux et banal. Ils traversent le monde de long en large, en touristes blasés. Leurs sens sont émoussés en conséquence de l'inertie de leur pensée.
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Vie moderne: chercher des réponses à des questions ineptes ou mal posées et trouver des solutions à des problèmes qui n'existent pas. Le Moderne se gargarise de "problématiques" précisément parce qu'il est le moins apte à saisir la nature problématique de la vie (jadis figurée par les épopées, les mythes, les tragédies).
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Chaque jour me propose des raisons de vivre, absolues et particulières. Je n'attends pas d'une abstraction ou d'une nécessité la force de me mouvoir.
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Dernier livre paru (collectif)
Entretiens avec des Hommes remarquables, éditions Alexipharmaque
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16/02/2013
Quoi de neuf ? Corneille.
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15/02/2013
Une lettre de Jean Parvulesco.
Paris, le 9 juin 1996
Cher Luc-Olivier d'Algange,
comment vous remercier pour l'envoi que vous m'avez assez mystérieusement fait de votre méditation poétique Car les temps sont venus de rendre grâce ?
Mais cette illumination voilée, dont vous avez tenu à me faire le don prémonitoire, n'est-elle pas aussi, un signe confidentiel en sa transparence même, une annonce chuchotée sur la ligne de passage vers le coeur ardent de l'été, du plus grand été gnostique vers où se dirigent - sont occultement attirés - les nôtres, tous les nôtres ? A votre insu, avez-vous donc été pressenti pour cela, invité à donner cours ? Faire passer la consigne ?
De toutes les façons, à présent on le sait que les temps sont venus, et que nous sommes appelés à procéder en conséquence, chacun dans le lieu de sa prédestination propre et suivant le pari halluciné de sa dernière chance, du suprême péril.
Cependant, qu'importe notre propre mouvement de remontée existentielle vers l'être, si l'être lui-même n'est pas en venue vers nous ? L'épreuve ultime ne sera jamais la nôtre, mais toujours celle de l'être en marche vers lui-même.
Or, n'est-ce pas, de quoi peut-on rendre grâce, et à qui, si ce n'est à l'être lui-même, et pour le seul mouvement secret de sa remontée vers lui-même en nous, de l'abyssale décision en lui de nous revenir, de s'établir révolutionnairement en un recommencement autre ?
Tel aura été, à ce qu'il me semble, le pressentiment, l'inspiration élective pour lesquels vous avez été amené à témoigner. Voyez ce qui se loge en votre blessure.
Nous sommes en première ligne, c'est dans les ténèbres mêmes de la défaillance qui nous est imposée en ces temps que se dissimulent la stratégie subversive et les très hautes armes de la victoire finale. Nous l'emporterons sur tout: c'est bien ce qui s'était irrémédiablement fermé qui s'entrouvrira, et qui déjà nous entraîne vers le nouvel ouvert dans son incandescence si terrible.
Je reste votre
Jean Parvulesco
Que Infra Nos Nihil Ad Nos
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Stances diluviennes, 1978.
19:30 | Lien permanent | Commentaires (0) | | Facebook
14/02/2013
Journal désinvolte 14/02/2013
On dit que l'enfer est pavé de bonnes intentions, mais, en réalité, une seule seconde d'attention suffit à nous démonter que ces intentions étaient déjà mauvaises au départ. L'égalitarisme engendre le conflit, non seulement avec les hiérarchies (qui, en génnéral cèdent la place avec une facilité déconcertante) mais surtout, une fois installé, entre les plus ou moins nivelés, qui auront toujours les dents découvertes, non pour rire, mais pour mordre. La hiérarchie est seule également pacificatrice et bienveillante pour le supérieur et l'inférieur. Il y a dans l'égalitarisme un mauvais infini qui demeure toujours altéré d'un pouvoir qu'il n'a pas. Soif inextinguible: d'où les extrêmes disparités de fortune et de pouvoir que l'on constate dans les démocraties libérales ou, naguère "populaires" dont la vocation fut d'empécher le bonheur de l'intelligence et les formes de vie supérieure qui sont, ontologiquement, offertes à chacun.
*
La plupart des sceptiques modernes qui déclarent ne croire en rien, en réalité croient à n'importe quoi, selon la mode, et ce n'importe quoi est, finalement, toujours la même chose.
*
Pensée la plus courte: je crois en l'Homme.
*
Tant de croyances interchangeables dans le monde comme il va, que l'on commence à comprendre à quel point le scepticisme est un art difficile et probablement réservé aux théologiens apophatiques. Celui qui ne croit pas, c'est toujours au nom de quelque chose. Qu'est-ce qui nous permet de ne pas croire, sinon Dieu ?
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Hommage à Henry MONTAIGU
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13/02/2013
La gnose romane de NOVALIS;
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12/02/2013
Maurice MAGRE, fidèle de MELUSINE
22:00 | Lien permanent | Commentaires (0) | | Facebook
Journal désinvolte, 12/02/2013
On trouve moins de vérité dans l'exégèse du malheur que dans celle du bonheur, d'autant que l'exégèse tourne souvent à l'éloge, sinon à l'apologie.
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Si pleine de vertus incalculables, calmes, vives, iridescentes, voyantes, chaque heure se propose et nous en disposons pour le pire ou le meilleur. On se pose, le monde s'anime. On s'agite, le monde se fige. Les plus agités ont la vue du monde la plus figée, la plus schématique. Les contemplatifs voient tourner le monde, orbes entre l'intérieur et l'extérieur, le visible et l'invisible. L'illusion néfaste d'agir sur le monde alors que c'est toujours le monde qui agit sur lui-même, avec toutes sortes d'intercessions, dont la nôtre. L'action unilatérale sur le monde et sur autrui ne peut être que de destruction. Les plus ivres de pouvoir le savent: détruire est leur seul pouvoir; ils s'y acharnent jusqu'à leur propre destruction. Le nihilisme ne serait ainsi qu'une mauvaise volonté de puissance, une subjectivité outrée, un refus de recevoir des influences.
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L'utilitarisme obtus et parcellaire du religieux (son fondamentalisme) est certes odieux mais il n'est jamais qu'un aspect de l'utilitarisme global du monde profané qui donne à chacun cette mauvaise foi et ce bon droit usurpé. Aux uns le narcissisme collectif. Aux autres, la devise: " je ne lègue rien, je consomme". Aux uns et aux autres, l'impiété.
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Rendre à la fidélité, à l'honneur, à la ferveur, à la piété, puissances invisibles, leur solennité légère.
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Mot à la mode: "respect". Dans respect, il y a crainte. Plus que jamais les hommes ne respectent que ce qu'ils craignent, ou dont ils attendent des faveurs, dont la principale est l'argent. La force même s'est entièrement liquidifiée. Argent, force liquide. La civilisation dégouline. Sentiments dégoulinants, flaques répandues de la puissance financière. Le monde moderne s'étale. Règne des étalages.
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Entre les bredouillis et la vocifération, de nouvelles générations tentent l'impossible retour à l'animalité sous l'oeil bienveillant des clercs qui discernent là une nouvelle "culture urbaine". Tout cela est immédiatement commercialisé avec l'aval des démagogues, les dates de péremption jouxtant au plus près celles de la production.
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L'érotique de la belle phrase, chez Gautier, Pierre Louÿs, les Parnassiens, certes, mais aussi, bien en amont, dans l'histoire de la littérature française. Vivacités, suavités, forces, - toute une beauté qui semble superflue à la communication, comme sont inutiles à la reproduction la plupart des gestes érotiques. D'où cette puritaine méfiance pour la beauté de la phrase que l'on trouve chez les idéologues: en littérature, ils sont adeptes exclusifs de la position du missionnaire. Surtout pas d'extravagances. Réduction du vocabulaire, restriction de la syntaxe. La plupart des critiques littéraires, dans l'esprit ce ces temps puritains, sont devenus gardes-chiourme. Pour eux les écrivains sont trop écrivains, la littérature trop littéraire, les phrases sont trop des phrases. Tout cela devrait être réduit à des "messages" qui s'abolissent dans ce qu'ils communiquent. Mais qu'en est-il alors du vent qui souffle sous les étoiles ?
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Dernier livre paru (collectif)
Entretiens avec des Hommes remarquables, préface d'Alain de Benoist, éditions Alexipharmaque
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10/02/2013
Journal désinvolte de Luc-Oivier d'Algange, 11/02/2013
En ces temps utilitaires, chacun considère autrui exactement selon l'utilité qu'il peut avoir pour lui. S'ensuit un régime d'exploitation, de bétaillisation et d'extermination.
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Les humains qui pensent qu'être humain est la vertu suprême me semblent frôler un certain ridicule dans le narcissisme.
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L'hybris à modifier son environnement, à changer les choses de place, avant précisément qu'elles prennent leur place, voici la planification contre l'harmonie, le néant qui outrecuide au détriment de l'être
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Ma chance est étroitement liée à mon risque. Tout ce qui me fut offert d'heureux , jusqu'aux degrés où le bonheur semble presque irréel, que nous n'y pouvons croire, me fut toujours donné à mes risques et périls.
C'est aussi une question d'instinct: prendre la tangente sitôt qu'on voudra vous installer dans un de ces contextes propices au suicide que le monde moderne s'ingénie à multiplier au grand bénéfice de la communication générale. Au regard des conditions qui sont faites à la vie, on s'étonne que les gens ne se suicident pas davantage. Un nerf les tient, un vice, une habitude. Tout être doué d'une minimale compassion devrait rendre au vice, qui tient en vie ses frères humains, un sincère hommage. Les moralisateurs s'exposent à être jugés moralement comme des êtres sans compassion ni bonté. Ce qu'ils sont de toute évidence; envieux par surcroît, jusqu'à la folie, des plaisirs qu'ils se refusent.
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Les démons arpentent désormais le monde en tout sens, et à grande vitesse, en "messageries instantanées". Plus de temps pour les voir venir, comme dans un roman de Buzzati ou de Gracq, ni de frontières sacrées pour les contenir. De même pour les barbares, - l'arme du barbare moderne étant la haute technologie: la technique comme vecteur de magie noire, de l'obscurantisme, de la destruction de la raison.
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A la magie noire s'oppose la magie blanche. Blancheur frémissante de toutes les couleurs. Couleurs de la "République Larbaud", je vous aime. Jaune, bleu, blanc, plages parfaites, terres tournées vers la mer ou l'océan. Portugal, visage de l'Europe découpé sur l'infini et recevant la puissance du Grand Large. D'un "rien qui est le tout", comme disait Pessoa, nous saisissons soudain qu'il est impossible d'être plus heureux que nous le sommes à cet instant.
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Derniers livres parus:
Propos réfractaires, éditions Arma Artis. www.arma-artis.com
Lectures pour Frédéric II, éditions Alexipharmaque. www.alexipharmaque.net
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09/02/2013
Journal désinvolte de Luc-Olivier d'Algange, 10/02/2013
Les grands livres, eux aussi, creusent en nous un vide enchanté, ne fût-ce qu'en nous vidant de nos ressassements infirmes, en poussant aux périphéries de l'attention ce qui occupe la pensée sinistrée de nos contemporains. L'attention soudain délivrée du subalterne, du morbide, de l'obsession, s'ouvre à l'infinité de l'infime, à la simplicité du grandiose. Le Logos, alors, nous honore de ses vertus et une souveraine liberté nous vient à le servir.
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Se défier des philosophes, des ésotéristes qui, tout en parlant de sagesse, semblent crispés sur le dû et se perdent en polémiques hargneuses, personnelles. La sagesse est équanime et légère, ou point du tout.
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L'indignation est le talon d'Achille des grands esprits et la tourmente des petits.
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Chaque heure paradisiaque peut être gachée par la considération excessive d'un détail. "Ce qui ne va pas". Quotidienne propagande médiatique reproduite, à l'identique, dans chaque individu qui croit ainsi faire preuve d'esprit critique alors qu'il se laisse hypnotiser par le plus petit aspect du réel qui lui permettra de dénigrer tout le reste. Le nihilisme n'est pas le propre des "penseurs". Il est ce mouvement de fond auquel, par démagogie ou inclination personnelle, certains intellectuels se raccrochent, - et s'offrent ainsi à bon compte le plaisir d'avoir l'air malin.
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Les meilleurs écrivains sont des héros. Tant d'efforts pour perdre la considération sociale, pour se déclasser, devenir pauvre, se faire insulter par les cuistres et les bien-pensants. Le monde moderne est ordonné de telle sorte à récompenser l'incompétence, la vilénie, - et par dessus tout, l'ennui et la soumission. Rien d'étonnant à ce qu'une civilisation périclite en accéléré.
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La Monarchie était sensiblement mieux une république que ne le sont nos démocraties. Plus nos démocraties liquident l'héritage royal et plus elles s'éloignent de la res publica: on s'afflige d'avoir à énoncer, contre l'opinion générale, de telles évidences.
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Ce qu'il est presque devenu impossible d'être, dans la disparition de la Geste française: Athos, Porthos, Aramis et d'Artagnan. Alexandre Dumas, de nos jours, serait interviouvé, à longueur d'émissions "culturelles" sur ses origines ethniques, sur sa difficulté à "s'intégrer", sur son "droit à la différence". En perdant la France, nous ne perdons pas seulement une nation, une subjectivité collective, mais l'espace d'une façon d'être illustrée par ces héros de roman. Rabougrissement de l'entendement humain lorsque l'argent, le chiffre, la quantité prennent la place des Saints, des héros et des légendes. La raison s'étiole en même temps que le merveilleux. Entendre aussi, derrière la France, la Gaule mythologique de L'Astrée d'Honoré d'Urfé.
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Les Modernes dépeuplent les lieux qu'ils s'approprient, en expropriant leurs hôtes légitimes. Tout ce qui tombe en leur pouvoir devient fantomatique, anonyme, désorienté. Le reste est laissé à sa fonction de décor pour touristes, monuments historiques ravalés, tristes muséologies. Il n'est pas dit cependant que nous serons submergés par ce nulle part. Nous reprendrons tout au début, à l'instant de l'arc-en-ciel, de l'apparition; nous inventerons n'importe où l'espace à notre mesure. Ce que le monde désacralise, rien, sinon une mauvaise timidité, ne nous interdit de le sanctifier.
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Derniers livres parus:
Propos réfractaires, éditions Arma Artis. www.arma-artis.com
Lectures pour Frédéric II, éditions Alexipharmaque. www.alexipharmaque.net
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