26/04/2025
Au ressouvenir d'Empédocle, poème:
Au ressouvenir d'Empédocle
Ce labyrinthe est léger
et ses teintes profondes et douces
comme de pures pensées.
Le regard sait
la hauteur qui s'incline
où l'ombre aborde avec la mémoire des sables.
Nous savons cette antistrophe de limpidité
dont le heurt resplendit sur nos lèvres.
Terrestre voyageur, tu viens avec la pluie.
Ta force fut cette âme nommée,
cette heure très-ancienne sur le rivage.
Ou bien lorsque les déesses
parent de leurs tristes reflets les âmes mélodieuses,
tu te souviens des contrées blanches et fécondes…
Cette beauté te fut une halte
où flamboyait l'ivresse du jour qui s'achève,
cette beauté longeant la rive
des pins et des genévriers,
songeant comme une ondulation du vent
à la ténèbre apparue,
dans le bronze frappé,
au saphir moissonné par l'azur
lorsque les flammes de Perséphone
sont les fleurs d'une autre patrie…
Nous éveillerons ce silence
comme une torche,
nous raviverons la bataille.
Nous préciserons les périls
dans la nudité constellée des Cyclades,
sous l'attentive nuée,
dans l'accord des voiles qui se tendent,
nous nous éveillerons…
Hymnes et lyres de clartés !
Quelle victoire sera dite ?
Ce printemps, le vol dévoile le dédale de l'air.
Ce printemps, la victoire est le ciel.
L'essor fut un long ondoiement du Chœur.
Les astres sifflaient près de nos tempes
dans l'invisible et le désir donnait
à notre hardiesse le don de l'accalmie.
Que de tempêtes courbées, dociles,
assagies dans nos têtes !
S'il faut un Nom pour cette victoire,
nous la dirons élue pour l'Empire du monde !
Celui qui fut nommé s'éveilla
dans notre âme dormante,
son ombre sous le ciel d'Agrigente
de lumière nous inonda.
La sagesse à grande gorgée nous enivrait.
Et de toutes nos fautes nous renaquîmes,
de toutes nos fautes et de toutes nos espérances,
du vertige immense de nos cruautés
et de nos douceurs portant l'effigie tardive,
du vertige vermeil,
dont l'infini recueille le faste et le néfaste,
nous renaquîmes,
inexprimés et véridiques,
semblables aux hommes aventureux
sculptés par la fièvre et des grandeurs lointaines !
De quel souvenir de races odysséennes,
notre nostalgie s'emporta,
et de quel emportement
nous renaquîmes à la fierté d'être ?
Souvenir d'audaces aux ailes de métal azuré,
souvenir de promptitudes aimées…
Quel nom donnerai-je à vos crinières abstraites ?
Quelles ombres pusillanimes éloignerai-je du seuil sacré ?
De quelles épouvantes et de quelles hontes bues
trouverai-je la force experte qui,
dans le déclin même du soleil,
suivant du regard son parcours
descendant sur les contrées abandonnées,
élève encore comme un pressentiment d'ivresse
dans la vendange refusée,
les belles nervures des feuilles,
les entrelacs des abeilles d'or ?
Ai-je nommé l'essor ?
La parole me fut elle arrachée à la lisière de la pensée ?
Qu'entendre dans nos entendements vides,
sinon l'infini et la totalité du monde ?
Se perdre et renaître, la terre danse !
Telle moins lourde qu'un phalène,
son or et sa rougeur de sables…
Telle, moins lourde que nos âmes, le cœur des roches !
Ce printemps en vérité fut lave et guirlandes de volcan,
aigle dédoublé au fronton d'un temple bleu !
Mais quelle tristesse nous menace ?
Je dis: le nom du dieu engendre son silence
et tout est sauvé.
Nous suffoquons
de la beauté reconnue sous les constellations rougeoyantes !
Que notre oubli même nous sauve,
fol espoir, et rien n'est perdu !
Qu'entendre dans nos entendements vides,
sinon la lente mélopée du roi
subjugué par son désir d'être ?
Rien n'est perdu, ce n'était qu'un ensorcellement noir,
un fétu d'obscurité que roulent les vagues de l'aurore !
Nous trouble
ce brin de la désinvolture amie
dans le soir où l'ivresse vert-bleu des regards
s'accorde avec la ténébreuse pupille du dieu
dont le nom attire les soleils, les raisins,
et les cieux entre nos paumes.
Telle est la limite, telle est notre conquête…
Le Temps n'est plus qu'une vague amie
dont le murmure accompagne
la Sapience consolatrice des fleurs.
Telle est la limite: notre prière est plus haute.
Nous scrutons sur la mer
les mille figures ingénues
que le sommeil de la nature
laisse à sa surnaturelle lumière.
Car de cet entendement aux lames profondes
nous fûmes les Servants.
En témoignent nos houleuses Destinées !
L'enfance fut l'eau, le pain, la terre et la lumière
et l'infini situé dans les groseilles fraîches de rosée.
Par quel obscurcissement du langage
notre âme s'est-elle éloignée de ce Jour ?
Les métaphores existent:
elles ne sont point de notre pensée.
Elles vivent au-dehors, entre les mondes,
et le sensible s'en émerveille.
L'intelligible beauté est aujourd'hui
la recouvrance du langage,
et ce monde me parle comme à l'esprit
des secrètes valeurs de la prière !
Un sentiment d'être défaille dans une connaissance plus haute,
comme entre le zénith et le nadir
le sillage silencieux de l'instant,
sa poussière de pluie lumineuse…
Cette autre région nous saisissait
et dans son vide parfait se déploie
l'enchantement du monde !
Gloire non soumise, son nom s'irise dans le silence…
Ai-je nommé, ai-je oublié ?
L'évidence souveraine s'empare de l'horizon
que le bonheur
voile de ses champs de pluie.
Pâques amoureuses,
l'âme surgit comme un corps dans le petit matin.
Il va sous les nuées éloquentes,
s'en revient vers sa patrie,
toute capitulation s'est effacée de son empreinte !
L'invisible sceau interroge la proximité extrême,
à portée d'un visage en miroir d'eau,
à portée d'un nom dont la distance aimée est l'hôte,
et l'intuition s'avive dans la saveur de l'air.
Dans l'assomption marine ,
cette farouche et calme
dont le début du monde éclabousse notre bonheur d'être.
Rien n'est perdu.
Il suffit de s'attarder comme un dieu
dans l'heure du matin…
Luc-Olivier d'Algange
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22/04/2025
L'Ange de la Face, poème, in memoriam Ezra Pound, suivi de sa traduction en espagnol :
L'ANGE DE LA FACE
Et comme jamais, la syzygie de la lumière;
elle chantera de nouveau
regardant la mer inoubliable de la cinquième dynastie
et dans le souvenir de la forme dorienne d'Hélios
ou encore au coeur du nocturne végétal....
Alors ils arrivèrent à Oxalhunca,
mais ce furent eux qui donnèrent les noms aux districts, aux puits, aux villes...
Dépouillés des insignes, nous errions
sous les aspects ténébreux, les surplis de la flamme noire
car les temps sont venus de tout dire !
" Anna Livia ! je veux tout savoir d'Anna Livia !"
Et de la liturgie astrale des Sabéens,
et d'Amon-Ré
et des prêtres de Hiéropolis...
Issus du labyrinthe des clartés et des fraîcheurs du deuxième crépuscule avant la fin,
nous souvenant
des hommes-lumière de la Sveta-dvipa, l'Ile blanche dont l'éclat ressemble à la
splendeur manifestée du soleil lorsqu'approche le moment
de la dissolution de l'univers.
Et plus loin de nous encore, de quelque obscure superstition,
la fragile cosmogonie de notre amour.
Alors les Anges sont venus
posant sur nos fronts l'aube de leurs ailes...
en d'autres temps.
Dans l'île de Chio, il y avait autrefois un visage de Diane qui paraissait triste à ceux qui
entraient et joyeux à ceux qui sortaient...
Il y avait un laurier planté sur le tombeau de Bribia roi du Pont.
Les morts sont plus nombreux et nos souvenirs sont plus anciens.
Ils passent au-dessus des ruines de notre mémoire.
Et voici, dit Corneille-Agrippa,
les 72 Anges porteurs du nom de Dieu,
Schemhamphoras
et leur Table.
" Tout ce que j'avais vu jusqu'ici n'était rien en comparaison de ce que l'on
promettait de me faire voir".
Et de plus loin encore, les Anges sont venus sur l'horizon doré
au-dessus des villes de Toulouse et de Bordeaux
ce 12 Janvier 1986, en prophétie
des chevaleries de l'Aurore
et dans la profonde mélancolie échue de la couleur verte
à notre destin,
couleur de la juste doctrine...
Venus de l'orée miroitant, ils nous entourèrent
tandis que, vers la place Gemme de Dioscure,
je marchais dans la rue paramnésique
reconnaissant, je le jure, chaque visage.
Et, lentement, dans nos habits de fête, avec le pressentiment
d'une Loi incompréhensible, nous devenions inoubliables
sauvés par l'aurore boréale de la Mémoire !
Car n'est-il point venu, clair, d'une déconcertante clarté
le temps des derniers empires
dont les chants nous accompagnent avec le déclin
du derniers dieu souffrant ?
Où donc, l'interstice des mondes ?
A Göttingen, où je suis né, dans l'heure blanche qui précède
Aurora Consurgens, je relisais la Götzen Dämmerung
et les Dionysos dithyramben
dans l'Alfred Krönx Verlag,
en me souvenant des liturgies zoroastriennes de Sohravardî
"suspendu au tabernacle de l'Exaltation et de la Gloire",
et j'entendais bruire
au dessus de moi
dans l'heure bleue sombre
les Ailes de Gabriel
n'y pouvant rien.
Mais l'été à son tour disparaît à une puissance nouvelle
et les eaux claires sont le pardon.
Tout est vrai, rien n'est permis.
Nous arrivions en des Pays qui portaient déjà
les noms de notre pressentiment...
Les horloges se dissolvèrent en une écume noire sous les phases lunaires et les rêves
inquiétants. Mais pour conjurer
le Sort,
j'offris à Vénus, la verveine, à Mercure, le quintefeuille
et à Saturne, l'asphodèle.
Nous vivions dans l'inquiétude, la lucidité et l'espoir.
Etait-ce le "commencement perpétuel"
dont parle Jacob Böhme (Mystérium Pansophicum)
ou bien la toute dernière chance des épithalames ?
Qui saurait le dire ?
" L'esprit de profondeur ne meurt point".
Nous eussions aimé que les idées devinssent des icônes;
non plus des fins
mais des aurores
comme la Maison-Dieu ou l'Impératrice des Tarots.
Hommage à vous, cathédrales, obscurités, symboles -
en ce non-pays aux terrasses d'or,
belles comme l'affabulation spectrale d'un paon nocturne,
sur la soleilleuse tragédie de l'horizon...
Et la resplendissante chorégraphie des nuages...
Tu me regardes encore à l'angle du dyptique de la nature
et de la Surnature, belle comme l'Eurydice platonicienne
dont parle Ange Politien.
La Magie Naturelle précise qu'entre les pierres
dépendent de Vénus,
le béril, la chrisolithe, l'émeraude, le saphir, le jaspe vert, la cornaline, "et toutes celles
qui ont une couleur belle, changeante, blanche ou verte".
Ainsi, Fluvia d'Eliasem me reçut dans sa mémoire,
vaste palais ardent disjoignant le songe du sommeil...
Venus de l'autre côté de l'horizon avec les tendres feuillages de l'enfance, nos yeux se heurtèrent aux fenêtres inhabitées...
Les Pâques du silence vivaient dans la pierre de nos mains.
O Agathe au démon, une ombre bleue sur ton front
présageait la terreur
de la grande nuit de l'été.
Au dessous de Tiphéreth, l'Eclair étincelant allumait
les piliers de la Miséricorde et de la Rigueur,
entre Netsach l'Eternité, et
Hod, la Réverbération.
Tout cela se passait à Toulouse pour une heure
il punto a cui tutti li tempi son presenti.
Un cercle de feu tournait autour de nous, Ariel me souriait, et dans la ténébreuse
béance de ses pupilles, mon image pour la première fois délivrée de ses miroirs parjures
montrait
un visage d'éternité.
Et l'ombre bleue sur mon front présageait les temps venus de tout dire
et la grande nuit polaire
et la fragile cosmogonie de notre amour.
O lîlâ, jeu des nesciences dont nous fûmes délivrés -
et le souvenir d'Amon-Râ, au-delà des appartenances
de l'espace et du temps
dove s'appunta ogni ubi ed ogni quando
car Il dit: "ne vous souciez pas du lendemain" - par les labyrinthes d'air d'un feuillage.
Il dit: "laissez les morts enterrer les morts" - et l'aube diadémée exile
au front noir des roses de sel l'ultime apparence des plus nombreux....
tandis que les rares marchent à légers pas de fantômes
vers l'Etoile Flamboyante.
Nous nous souvenions de la Loi des Ages dont parlait Hésiode.
" Et plût au ciel que je n'eusse pas à mon tour à vivre au milieu de ceux de la
cinquième race... Alors,
quittant pour l'Olympe la terre aux larges routes, cachant leurs beaux corps sous des
voiles blancs, Conscience et Vergogne, délaissant les hommes, monteront vers les
Eternels".
Le bondissement cadencé
des lignes télégraphiques
me rapprochait des bleuissantes seigneuries de la mer.
En ces temps lointains - l'Age d'Or dont parlait Hésiode...
Car je suis né avant la victoire des Titans
in Héliopolis Magna
Et comme Hermès-Thoth-Mercure, sous le signe Gemme de Dioscure,
je fus le scribe de l'Ennéade divine,
créateur de langues,
Grand Magicien des Sphères au côté de Ptah
et Maître des cycles du Temps, il me souvient...
" Dans les espaces éternels
Se voient de toutes parts les traces
de l'écroulement des mondes".
Ainsi vivions-nous dans le siècle de l'arc-en-ciel,
gardant mémoire d'elles de pluies claires maudites...
De hautes ombres précédaient notre déroute. Au coeur de la nuit
s'ouvrait l'Aigle des transparences.
Et la blancheur d'or dans la cartographie des songes...
fenêtres boréales ouvertes sur le front du ciel -
Le sommeil nous fut un jardin prophétique,
une arborescence de lumière....
car il était dit, enfin,
que nous allions tomber hors du Temps.
" Dans l'étendue infinie des planes de Saturne...",
soudain je me souviens du poème d'Hermann Broch,
les longues phrases du Feu ( la Descente) et de la beauté,
une fois atteinte la limite du Temps...
Et Virgile soudain
éclaire la mémoire, après l'Alighieri,
dans ce train, entre deux villes natales
entre deux mondes - où vers les bleuissantes seigneuries d'Annabel Lee.
" l'épaule penchée contre son genou, et il avait lu l'Egloge de la Magicienne..."
Au-dehors, des champs de tournesol se glorifiaient dans le bleu crépusculaire
et ma compagne souriait dans son sommeil.
O Geilissa, des noms de dieux appris dans l'enfance venaient à ma rencontre
peuplant le grand espace désert de notre espoir...
Atrée, Camira, Astypalaea...
Nous cheminions avec douceur, et sans crainte vers l'ancienne cité.
1986.
EL ÁNGEL DEL ROSTRO
Y como nunca antes, la sizigia de la luz;
volverá a cantar
mirando el mar inolvidable de la quinta dinastía
y en el recuerdo de la forma dórica de Helios
o hasta en lo hondo del nocturno vegetal…
Entonces llegaron a Oxalhunca,
pero fueron ellos quienes dieron nombre a los distritos, a los pozos, a las ciudades…
Despojados de las insignias, errábamos
bajo los tenebrosos aspectos, las sobrepellices de la llama oscura,
¡porque ha llegado el tiempo de decirlo todo!
“¡Anna Livia, quiero saberlo todo de Anna Livia!”
Y de la liturgia astral de los sabeos,
y de Amón-Ra
y de los sacerdotes de Hierópolis…
Salimos del laberinto de las claridades y del aire fresco del segundo crepúsculo antes del fin,
acordándonos
de los hombres-luz de la Shveta-dvipa, la isla blanca cuyo fulgor semeja al
esplendor manifestado del sol cuando se acerca el momento
de la disolución del universo.
Y más lejos de nosotros aún, de alguna oscura superstición,
la frágil cosmogonía de nuestro amor.
Entonces los ángeles llegaron
y posaron en nuestras frentes el amanecer de sus alas…
en otros tiempos.
En la isla de Quíos había antaño un rostro de Diana que les parecía triste a los que entraban y alegre a los que salían…
Había un laurel plantado en la tumba de Bribia, rey del Ponto.
Los muertos son más numerosos y nuestros recuerdos más antiguos.
Pasan por encima de las ruinas de nuestra memoria.
Y aquí están, dice Cornelio Agripa,
los 72 Ángeles que portan el nombre de Dios,
Shemhamphoras
y su Tabla.
“Todo lo que yo había visto hasta aquí no era nada comparado con lo que prometían hacerme ver.”
Y desde más lejos aún, los Ángeles llegaron al horizonte dorado
por encima de las ciudades de Tolosa y Burdeos
este 12 de enero de 1986, en profecía
de las caballerías de la Aurora
y en la profunda melancolía que cae del color verde
en nuestro destino,
color de la justa doctrina…
Llegados del linde, refulgentes, nos rodearon
mientras que, hacia la plaza Gema de Dioscuro,
yo caminaba por la calle paramnésica,
reconociendo, lo juro, cada rostro.
Y, lentamente, con nuestros trajes de fiesta, presintiendo una ley incomprensible nos volvíamos inolvidables,
¡salvados por la aurora boreal de la Memoria!
Ya que, ¿acaso no ha llegado, claro, con una desconcertante claridad
el tiempo de los últimos imperios
cuyos cantos nos acompañan con el ocaso
del último dios doliente?
¿Dónde está, pues, el intersticio de los mundos?
En Göttingen, donde nací, en la hora blanca que precede
a Aurora Consurgens, yo releía la Götzen Dämmerung
y los Dionysos dithyramben
en el Alfred Krönx Verlag,
recordando las liturgias zoroastrianas de Sohravardî
“suspendido del tabernáculo de la Exaltación y de la Gloria”,
y oía el murmullo
por encima de mí
en la hora azul oscura
de las Alas de Gabriel,
sin poder hacer nada.
Pero el verano desaparece, a su vez, ante un nuevo poder
y las aguas claras son el perdón.
Todo es verdadero, nada está permitido.
Llegábamos a países que ya llevaban
los nombres de nuestro presentimiento…
Los relojes se disolvieron en una espuma negra bajo las faces lunares y los sueños inquietantes. Pero para conjurar
la Suerte,
le ofrecí a Venus la verbena, a Mercurio el quinquefolio
y a Saturno el asfódelo.
Vivíamos en la inquietud, la lucidez y la esperanza.
¿Era el “comienzo perpetuo”
del que habla Jacob Böhme (Mysterium Pansophicum)
o bien la última posibilidad de los epitalamios?
¿Quién podría decirlo?
“El espíritu de profundidad nunca muere.”
Nos habría gustado que las ideas se transformaran en íconos;
no finales
sino auroras
como la Torre o la Emperatriz del Tarot.
Que mi homenaje vaya a las catedrales, a las oscuridades, a los símbolos—
en este no-país de terrazas de oro,
hermosas como la fabulación espectral de un pavo real nocturno,
sobre la soleada tragedia del horizonte…
Y la resplandeciente coreografía de las nubes…
Tú me me miras de nuevo en el ángulo del díptico de la naturaleza
y de la Sobrenaturaleza, bella como la Eurídice platónica
de la que habla Angelo Poliziano.
La Magia Natural establece que de las piedras
las que dependen de Venus son
el berilo, el crisólito, la esmeralda, el zafiro, el jaspe verde, la cornalina, “y todas aquellas
que tienen un color bello, cambiante, blanco o verde”.
Fue así como Fluvia de Eliasem me acogió en su memoria,
vasto palacio ardiente que separaba la ensoñación del sueño…
Llegamos desde el otro lado del horizonte con los tiernos follajes de la infancia y nuestra mirada chocó con las ventanas deshabitadas…
Las Pascuas del silencio vivían en la piedra de nuestras manos.
¡Oh Ágata endemoniada, una sombra azul en tu frente
presagiaba el terror
de la gran noche del estío.
Debajo de Tipheret, el Relámpago brillante alumbraba
los pilares de la Misericordia y del Rigor,
entre Netsach, la Eternidad, y
Hod, la Reverberación.
Todo eso ocurría en Tolosa durante una hora
il punto a cui tutti li tempi son presenti.
Un círculo de fuego daba vueltas en torno a nosotros, Ariel me sonreía, y en la tenebrosa
apertura de sus pupilas mi imagen, por primera vez librada de sus espejos perjuros,
mostraba
un rostro de eternidad.
Y la sombra azul en mi frente presagiaba que había llegado el tiempo de decirlo todo:
la gran noche polar
y la frágil cosmogonía de nuestro amor.
Oh Lîlâ, juego de nesciencias del que se nos ha librado—
y el recuerdo de Amón-Ra, más allá de la dependencia
del espacio y del tiempo
dove s’appunta ogni ubi ed ogni quando
ya que Él dijo: “no os preocupéis por el mañana” —por los laberintos de aire de un follaje.
Él dijo: “dejad que los muertos entierren a sus muertos” —y el alba con diademas destierra
en la frente negra de las rosas de sal la última apariencia de los más numerosos…
mientras que los menos caminan con ligeros pasos de fantasma
hacia la Estrella Flamígera.
Nos acordábamos de la Ley de las Edades de la que hablaba Hesíodo.
“Y quiera el cielo que no tenga yo a mi vez que vivir en medio de los de la quinta raza… Entonces,
Dejando por el Olimpo la tierra de las anchos caminos, ocultando sus hermosos cuerpos bajo velos blancos, Consciencia y Vergüenza, abandonando a los hombres, subirán hacia los dioses eternos”.
Los brincos acompasados
de las líneas telegráficas
me acercaban a los azulados señoríos del mar.
En esos tiempos lejanos —la Edad de Oro de la que hablaba Hesíodo…
Porque nací antes de la victoria de los Titanes
en Heliópolis Magna,
y como Hermes-Thoth-Mercurio, bajo el signo Gema de Dioscuro,
yo fui el escriba de la Enéada divina,
creador de lenguas,
Gran Mago de las Esferas al lado de Ptah
y Maestre de los ciclos del Tiempo, según recuerdo…
“En los espacios eternos
por todas partes se ven las huellas
del hundimiento de los mundos”.
Así vivíamos en el siglo del arco iris,
conservando la memoria de ellas, de claras lluvias malditas…
Altas sombras precedían nuestra huida. En lo hondo de la noche
se abría el Águila de las transparencias.
Y la blancura de oro en la cartografía de los sueños…
ventanas boreales abiertas en la frente del cielo—
El sueño fue para nosotros un jardín profético,
una arborescencia de luz…
ya que había sido dicho, en fin,
que íbamos a caer fuera del Tiempo.
“En la superficie infinita de los arces de Saturno…”,
me acuerdo de pronto del poema de Hermann Broch,
las largas frases del fuego (el Descenso) y de la belleza,
una vez alcanzado el límite del Tiempo…
Y Virgilio de pronto
ilumina la memoria, después del Alighieri,
en este tren, entre dos ciudades natales
entre dos mundos o hacia los azulados señoríos de Annabel Lee.
”Con los hombros inclinados hasta las rodillas, y él había leído el Eglogio de la Maga…”
Afuera, campos de girasoles se exaltaban en el azul crepuscular
y mi compañera sonreía dormida.
Oh Geilissa, nombres de dioses aprendidos en la infancia me salían al encuentro
llenando el gran espacio desierto de nuestra esperanza…
Atreo, Camira, Astypalaea…
Avanzábamos despacio y sin temor hacia la antigua ciudad.
Traducción, autorizada por el autor, de Carlos Cámara y Miguel Ángel Frontán
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