Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

01/02/2023

Un article d'Olivier François, paru dans le magazine "Eléments", n° 200, février 2023, à propos de "Terre Lucide" de Luc-Olivier d'Algange et Philippe Barthelet, éditions de L'Harmattan:

 

Terre Lucide couv (2).jpg

Luc-Olivier d'Algange et Philippe Barthelet

Deux hommes en quête de l'âme du monde

Par Olivier François

 

Les dialogues de Philippe Barthelet avec Luc-Olivier d'Algange, réunis dans Terre lucide, ne sont pas des colloques d'intellectuels, Ils nous offrent cette chose presque unique aujourd'hui, un art de vivre, et quelques indices et pistes pour retrouver des chemins trop longtemps abandonnés ou simplement oubliés.

Notre époque est assourdissante. La musique du monde et ses rythmes sont recouverts par la mitraille incessante des fausses paroles et des slogans. Les voix essentielles ne trouvent aujourd'hui qu'un très faible écho, brouillé par le bavardage des sectes intellectuelles, les novlangues idéologiques et le vacarme des industries culturelles. Et nous avons parfois le sentiment accablant que tout est  tout est vain, que tout est joué, et que c'est à la fin la "panmuflerie sans limites" ( Charles Péguy) qui l'emportera dans le tintamarre et le brouhaha. 

C'est dire que j'ai lu avec bonheur et soulagement Terre lucide, une conversation en onze entretiens entre Luc-Olivier d'Algange et Philippe Barthelet que publie aux éditions de L'Harmattan et dans son excellente collection Théôria notre ami Pierre-Marie Sigaud. Je me suis en effet promené dans ce livre comme dans un vaste jardin isolé en bord de mer. Une brise rafraîchissante y souffle, qui nous tient en éveil, et l'on y cueille des fleurs des fruits rares ou trop négligés. D'Algange et Barthelet sont aimables, courtois et érudits, d'une amabilité et d'une courtoisie qui m'ont semblé presque médiévales, et d'une érudition qui vient toujours à point nommé, dont ils n'usent jamais pour flatter ou épater leurs lecteurs. Les deux auteurs de ces denses et libres propos sur la littérature, la politique, la poésie, l'histoire, les rois, les peuples, les dieux, Dieu et le monde, feront fuir les "ennuyés, les grincheux, les puritains, les commères, les censeurs, les faiseurs de système et les accusateurs" et toutes les légions d'assommeurs et d'abrutisseurs. Les autres, en arpentant cette Terre lucide et en écoutant attentivement les deux amis, trouveront de quoi se ragaillardir et se remettre en selle. 

Philippe Barthelet et Luc-Olivier d'Algange sont-ils des antimodernes, m'a demandé un amateur de définitions qui a lu le manuel d'Antoine Compagnon. Ils sont assurément les sujets de cette France souterraine dont parle Nicolas Berdiaev dans son autobiographie spirituelle, de ce pays secret qui compte parmi ses paladins Joseph de Maistre, Charles Baudelaire, Barbey d'Aurevilly, Villiers de l'Isle-Adam et Léon Bloy. Et ce n'est pas pour eux une posture littéraire. Barthelet et d'Algange mènent le combat pour ce royaume contre les idoles et les impostures de l'immonde moderne, contre ses cliques, ses nations et ses sociétés anonymes. On trouve dans les pages de ces entretiens sur les météores et les signes des temps des charges et des assauts. Les misères et les ridicules du temps y sont bien nommés, et les agents du néant et du désastres, et les plus tristes et les plus dangereux, y sont justement fustigés. Luc-Olivier d'Algange écrit par exemple ces phrases: " Les hommes de ce temps sont abaissés, humiliés, ratiboisés selon une méthode procustéenne si efficace qu'elle donne à leurs revendications hédonistes, profiteuses ou festives, un ridicule frôlant sans cesse le pathétique. La société est-elle en proie aux individus ? Mais quelle société ? Quels individus ? Je vois, plutôt qu'un éclatement, une concentration de laideur, un monde concentrationnaire, comme une parodie théocratique de laquelle on ne peu s'échapper que par une sorte de ruse animale" Voilà qui touche au coeur, n'est-ce pas ? 

Mais les beautés de Terre lucide ne sont pas seulement des beautés d'offensive et de contestation. J'ai dit plus haut qu'on pouvait y cueillir des fruits rares ou trop négligés. Parmi ceux-là, et c'est au fond l'essentiel, la seule chose nécessaire, j'y ai découvert une invitation à renouer avec les oeuvres, les paysages et les Muses. Ces oeuvres, ces paysages et ces Muses sont aujourd'hui aussi bien ensevelis sous des tonnes de béton que sous des montagnes de gloses et de commentaires. Ils attendent leur libération. Il suffirait sans doute que nous nous prêtions à nouveau à leurs jeux et à leurs entretiens.

 

Luc-Olivier d'Algange et Philippe Barthelet, Terre lucide, Entretiens sur les météores et les signes des temps. L'Harmattan, 302 p., 30 euros. 

 

18:17 | Lien permanent | Commentaires (1) | |  Facebook

Commentaires

Bonjour.
Le texte dit : Luc-Olivier d'Algange écrit par exemple ces phrases : « Les hommes de ce temps sont abaissés, humiliés, ratiboisés selon une méthode procustéenne si efficace qu'elle donne à leurs revendications hédonistes, profiteuses ou festives, un ridicule frôlant sans cesse le pathétique. »
Telles sont les conséquences de la démocratie moderne.
Toute élévation du type humain demande un régime aristocratique. La démocratie avilit en abaissant les bons, c'est une tyrannie qui s'exerce par un mouvement de traction morale, de bas en haut ; elle fait descendre, elle empêche les meilleurs de s'élever, elle abat les têtes qui dépassent le niveau des médiocres, empêchant ainsi l'éclosion des types supérieurs.

Écrit par : Annwn | 07/02/2023

Les commentaires sont fermés.