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01/12/2023

Olivier François. D'où parle luc-Olivier d'Algange ?

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Olivier François

Eléments N° 205, décembre 2023

 

D'où parle Luc-Olivier d'Algange ?

 

Certaines révoltes contre le monde moderne, certaines charges contre le désordre établi viennent parfois moins d'une aspiration au vrai, au beau et au juste que d'un ressentiment ou du désir de s'anéantir dans la défense d'une bonne cause. Il ne s'y entend pas un chant profond, mais des grincements de dents, la clameur des slogans scandés par les militants ou les trémolos de tribuns qui cherchent à rallier la foule des humiliés. Cela est sinistre et vindicatif. Cela est gros déjà de futurs conformismes, de servitudes inédites, de nouvelles formes d'abaissement et de dégradation. Il n'y a rien à espérer de ces révoltes d'esclaves qui se rêvent tyrans. Je suis assuré que Luc-Olivier d'Algange n'a jamais été un esclave et qu'il ne se rêve pas tyran. Il suffit s'ouvrir son dernier livre pour s'en convaincre. Propos réfractaires, recueil de discours et d'aphorismes que viennent de publier les éditions de l'Harmattan, signale encore une fois que cet écrivain a su se préserver des atteintes de l'époque et incarner une dissidence qui ne cède jamais à cet esprit de lourdeur qu'évoque Nietzsche dans Ainsi parlait Zarathoustra. C'est hélas aujourd'hui une chose bien rare quand se multiplient les espèces les plus invasives de culs-de-plomb et d'imbéciles plombés.

 

Les réfractions d'un réfractaire

On en voit désormais qui agitent des drapeaux, qui revendiquent et qui protestent, comme dit la chanson, et qui se font une estrade de la poutre qu'ils ont trouvée dans l'oeil de leurs adversaires. Agités par les passions les plus tristes, ils arborent des faces vengeresses et se saoulent de rages impuissantes. Et ils nomment cela "lutter pour un monde plus juste et plus humain" . Luc-Olivier d'Algange, lui, n'est pas un entrepreneur en bonheur public et en simplification sociale. Il émane de ses livres un air d'altitude . On ne s'y sent jamais confiné. Pour ma part, en lisant d'Algange, il me semble toujours être un peu en promenade, en promenade quelque part en montagne, loin, très-loin des zones soumises au règne de la quantité où s'entassent les ruines, « ruines des choses, ruines des dogmes, ruines des institutions ». je chemine, je m'arrête un instant pour contempler le paysage ou pour méditer sur les joies et les mystères que nous offre l'univers. Je respire.

 

«  D'où parle Luc-Olivier d'Algange ? » me demande un ami qui aime à employer ironiquement le vocabulaire des anciens gauchistes. C'est là une excellente question, cher camarade ! A rebours de beaucoup de nos contemporains, disons que l'auteur de Propos réfractaires sait cultiver ces anciennes vertus que sont la piété et la ferveur. Il ne pratique pas cette mélancolie morbide et cette nostalgie incapacitante qui précède souvent les redditions. Il n'a pas renié les dieux. «  Contre le pouvoir qui nous avilit, que nous le subissions ou que nous l'exercions, les deux occurrences étant parfaitement interchangeables, des alliés nous sont donnés, qu'il faut apprendre à discerner dans la confusion des apparences. Ces alliés infimes ou immenses, dans l'extrême proximité ou le plus grand lointain, les hommes, jadis, les nommaient les dieux. » écrit-il. Et, plus loin loin, ces phrases qui peuvent servir de viatique : « Tant que, dans l'aventure, les dieux et les déesses veillent, rien n'est dit. Les circonstances les plus hostiles ou les plus favorables peuvent tourner et se retourner. Ce toujours possible est la puissance même, celle qui nous porte à échapper au monde des planificateurs et des statisticiens ».

 

Nos temps sont hostiles à toutes les formes de méditation, et le silence est violé ou calomnié . Le découragement nous guette et nous colle à l'âme comme une mauvaise graisse. Nous sommes encombrés par des êtres aussi que par des choses surnuméraires. Et nous évoluons dans un grand fatras d'événements qui se succèdent pour nous désorienter, nous désorbiter, nous énerver c'est-à-dire nous priver de ces nerfs qui nous permettraient de nos ressaisir. Le livre de Luc-Olivier d'Algange vient justement à point. Il faut en savourer toutes les pages. Peut-être aurez-vous soudain l'envie, en achevant la lecture, d'emprunter certains chemins peu défrichés, de quitter la zone ou d'aller au large.

Olivier François

Luc-Olivier d'Algange, Propos réfractaires, éditions de L'Harmattan, collection Théôria. 178 pages. 21 euros.

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Commentaires

En lisant ceci, je suis de retour à Athènes, à la porte de bronze du mausolée d'Heinrich Schliemann, frappée par le soleil. Et " Je respire"; il ne se couchera plus, les dieux ne sont pas reniés.

Écrit par : luc boivin | 04/12/2023

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