18/02/2013
Journal désinvolte, 18/02/2013
La méthode commerciale, style "force de vente" appliquée à l'art, l'amour, la pensée, est une façon de se "libérer" de l'art, de l'amour et de la pensée pour se donner tout entier à l'avilissement, là où plus rien ne se distingue. La confusion générale est l'antipode de l'Inconditionné. Entre les deux, des nuances, des destinées humaines, des défaites et des victoires. La mystique de la confusion est pouvoir. La métaphysique de l'Inconditionné est autorité.
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Toutes les idéologies sont de table rase; les unes avec plus d'hypocrisie que les autres, la muséologie y remplace la destruction, le gel s'y substitue au ravage. La création poétique est mémoire, présence du passé, - présence, éternité, flèche du temps, mais verticale. Ce qui est au centre est en haut.
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Les hommes qui ne se hiérarchisent pas s'épuisent dans l'idolâtrie et dans la haine. Ils sont à plat. Rien n'y peut fleurir en beauté et en bonté. Ces prétendus philanthropes, optimistes déçus, finissent dans la haine du genre humain, ou, pire encore, dans la haine de tel ou tel sous-ensemble du genre humain.
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L'idée royale fut longtemps, et bien-au-delà de son institution politique, la sauvegarde pour chacun, d'une souveraineté intérieure. Il en demeure, ici et là, des place royales: celles de nos sagesses, de nos amours, - irrécusables épiphanies qui s'enracinent dans le ciel comme les branches d'un éclair.
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La seule égalité souhaitable est l'égalité d'humeur. L'équanimité et la politesse suscitent dans l'enfer social, d'inexpugnables places pour le colloque paradisiaque des âmes heureuses. Ici et là, une rencontre, une conversation, suffisent à sauver le monde, ou, mieux encore, à le justifier.
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Dans la comédie sociale, seuls se font entendre les singes hurleurs. Une page écrite est laissée à la voix de celui qui la lit: préséance accordée à l'hôte.
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Vouloir se faire entendre, c'est déjà consentir au malentendu. S'éloigner peu à peu du désir de convaincre, se délester du pouvoir que l'on a de persuader: long chemin de solitude qui va de la conviction à la pensée, et de celle-ci, à l'impondérable de la "montagne vide".
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La plupart des gens qui apprennent que vous avez publié un livre, avant même de vous demander de quoi il parle, vous demandent sous la couverture de quel éditeur il a été publié. Pour ceux là, qui, au demeurant, ne comprendront jamais rien au dessein ou à la vocation d'un éditeur digne de ce nom, il y a primauté de l'emballage sur le contenu. Difficile alors de leur parler d'ésotérisme.
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Nous ne reprochons pas à la vulgarité d'être vulgaire, mais d'être totalitaire, désormais: de répandre partout "un vacarme silencieux comme la mort". Une vulgarité à sa place serait presque rafraichissante. On en viendrait à l'aimer de ne s'exercer que dans l'espace qui lui est dévolu. Elle se laisserait visiter avec un léger plaisir, comme une contrée exotique. Hypothèses, rêveries... La réalité est une armée noire qui marche sur nous, dotée de toutes les puissances modernes; et ne trouvera en face d'elle que des rêveurs, armés de fleurets, disposés à mourir pour la beauté du geste.
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Toutes les causes sont historiquement perdues, sauf celle de l'avilissement. Mais la plus perdue de toutes les causes perdues est aussi celle qui se rapproche le plus de la victoire surnaturelle. Victoire essentielle et immédiate: lorsque la fin ne justifie plus les moyens. Les causes perdues sont un peu moins perdues qu'on nous le voudrait faire croire.
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Le fabuleux, le mystérieux, l'enchanteur, l'extraordinaire sont dans le regard, bien davantage que dans les choses regardées. A certains, tout est ennuyeux et banal. Ils traversent le monde de long en large, en touristes blasés. Leurs sens sont émoussés en conséquence de l'inertie de leur pensée.
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Vie moderne: chercher des réponses à des questions ineptes ou mal posées et trouver des solutions à des problèmes qui n'existent pas. Le Moderne se gargarise de "problématiques" précisément parce qu'il est le moins apte à saisir la nature problématique de la vie (jadis figurée par les épopées, les mythes, les tragédies).
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Chaque jour me propose des raisons de vivre, absolues et particulières. Je n'attends pas d'une abstraction ou d'une nécessité la force de me mouvoir.
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Dernier livre paru (collectif)
Entretiens avec des Hommes remarquables, éditions Alexipharmaque
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