27/08/2013
Uniformité, unité, unificence, notes sur l'au-delà et l'en-deçà de l'individualisme.
A propos de l'au-delà et de l'en-deça de l'individualisme, des néoplatoniciens et de la pensée de Sohravardî:
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26/08/2013
Le "Traité de la Foudre et du Vent" d'Henry Montaigu.
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23/08/2013
De la théodicée poétique d'Ernst Jünger (extrait)
(...) Mais on ne saurait ébaucher un hommage à Ernst Jünger sans évoquer l'idéogramme clair et léger de la cicindèle.
La cicindèle qui danse dans l'air, dont on ne sait tout d'abord si elle est un éclat de lumière ou un insecte, est sans doute le signe le plus immédiatement perceptible de l'éveil du Logos. Les "chasses subtiles", qu'elle relèvent de l'intelligence entomologique, ou bien de l'audace de ceux que Jünger nomme les "psychonautes", sont toujours une herméneutique du monde.
Ce qui distingue l'œuvre de Jünger, c'est d'abord la puissante originalité de son art de l'interprétation. Alors que tant d'autres s'en tiennent à une théorie du signe arbitraire ou de l'évolution des espèces, Jünger bouleverse ces certitudes scientistes par la considération de l'infime et du subtil. La cicindèle est un symbole. Mais, entendons-nous, elle est un symbole issu de la trame du monde, un signe, délivré par la terre, d'un message dont la complétude n'est jamais que devinée, induite par reflets, par miroitements, par éclats. La splendeur du monde n'emprisonne pas la vérité du monde mais la délivre dans la multiplicité des signes, des hiéroglyphes dont est composée la nature. Le tout est davantage que la somme des parties. L'immanence n'est pas close sur elle-même. La solaire cicindèle scinde de son aile l'emprise de la nature sur elle-même qui est l'illusion foncière des matérialistes.
Pour Ernst Jünger, comme pour Novalis, la matière n'existe pas. Le monde est blasonné, et les créatures qui le peuplent, les configurations de lumière et de nuit qui rendent discernables nos approches, participent d'une grammaire que l'on ne peut comprendre que par la contemplation. Le monde est constitué comme un langage. Tous les arbres, toutes les pierres, tous les papillons, tous les paysages et toutes les circonstances de notre vie sont hiéroglyphiques: "Les hiéroglyphes, écrit Jünger, font plus qu'égratigner la surface des choses, les époques et les conjonctions d'astres, ils se décrivent pas seulement la vêture mais ce qui, en elle, se métamorphose avec elle." La cicindèle est la pointe virevoltante dans la tapisserie de l'air, d'une vérité qui montre l'au-delà de l'entrecroisement des fils: l'espace libre.
Nous qui sommes des amis des livres, des contemplations et des songes, nous éprouvons à l'égard de Jünger de la gratitude pour tant d'invitations faites à la rencontre et au passage entre les mondes. Le chasseur subtil, nous dit Jünger, est "l'hôte du pays des merveilles". Le merveilleux surgit à l'improviste. Apparition-disparition où la conscience atteint à l'incandescence métaphysique: "La rencontre ne dura qu'un instant, mais l'étincelle avait mis le feu. Cette vision disparut de façon aussi surprenante qu'elle était apparue; dans ces deux mouvements la légèreté s'unissait à la force..."
Force et légèreté, vitesse qui révèle le secret de l'intemporel, explosion de couleurs qui délivrent le secret alchimique du noyau de toutes les teintes, l'œuvre de Jünger fut toute entière une quête ardente. L'attention portée aux créatures infimes et scintillantes qui s'échappent de la fixité du temps est bien une inquiétude métaphysique, car ces créatures visibles et mesurables, "nous pouvons aussi les prendre pour exemples des forces qui croisent nos voies, qui même nous traversent sans que ayons conscience d'elles, un peu à la manière des ondes qui, de très loin projettent une image sur un écran." Dans ces ondes lumineuses, qui sont l'écriture du monde depuis la création, Ernst Jünger nous initie à ce qu'il nomme "la vie magnifique".
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A propos de Jünger et d'Hölderlin: La perspective hölderlinienne (in Lux Umbra Dei, éditions Arma Artis)
et aussi: Cicindèles, notes sur l'œuvre d'Ernst Jünger (in Fin Mars. Les hirondelles, éditions Arma Artis)
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12/08/2013
L'hédonisme, les mythes et les dieux.
Nous sommes, dans le monde moderne, au régime sans sel, - sans saveur, sans savoir, sans sapience. Rien de poreux, le déni des influences; une acculturation policée accelère le processus qui nous conduit au "dernier des hommes" dont parlait Nietzsche. Face à cette fatalité, ou qui semble telle, nos défauts et nos vices viendront à notre rescousse tout autant que nos qualités et nos vertus. Nos intempérances et nos paresses immémoriales seront, presque à l'égal de l'héroïsme de l'intelligence et de la générosité, une résistance au monde planifié. Le vice cependant n'est qu'un exotérisme, la paresse doit s'approfondir en non-agir (wu wei, disaient les taoïstes) et l'intempérance doit aller jusqu'à son secret léger: l'ivresse sacrée. Le puritain croit éradiquer le vice ou le défaut, et arrache la possibilité des plus hautes vertus.
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Ce qui surprenait chez ce philosophe "hédoniste" très à la mode, c'était son âpreté à l'accusation, son acharnement à accumuler des pièces à conviction contre ses ennemis, en un mot cette austérité, cette raideur de Savonarole traduite en discours diserts, à la manière des hommes politiques soucieux de convaincre au plus vite.
L'hédonisme n'en demande pas tant, et peut-être des qualités (ou des défauts) inverses: une bonhomie, un abandon dont les hommes crispés sur leurs convictions ne peuvent avoir la moindre idée. Le plaisir s'effarouche aux trop fortes résolutions. Son royaume est plus léger, plus indifférent aux opinions, attentif aux choses lointaines et très-proches. Il se fiche bien de Sartre, de Beauvoir ou de Freud.
Le véritable hédoniste sait bien que le temps passé à démontrer et à éreinter est autant de temps perdu pour éprouver et pour louer. Ces regards et ces corps aimés, nous nous perdons en leurs profondeurs, nous les embrassons dans notre louange. Voici l'envers des feuilles dans le vent lumineux, le bruissement qui scintille; l'été coule sur la nuque de cette jeune femme, si près, que je respire; cette nuit qui s'approche n'est pas une nuit, mais une saveur...
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Etre pleinement dans une matinée d'été, c'est entrer en relation avec tout ce qui, en nous, se souvient des gloires les plus incandescentes et mystérieuses, - de ce qui fut au monde et n'y subsiste qu'à l'état de traces symboliques, mais que l'esprit ravive, faisant de ces traces des pays surgis d'un horizon bleu profond; pays qui nous invitent à les rejoindre pour que nous retrouvions en eux la puissance et la joie perdue avec les temps historiques.
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Les mythologies anciennes ne mériteraient pas une seule seconde d'attention si elles ne disaient exactement les recours de notre âme contre le monde profané, nos aventures intérieures, nos sagesses voilées, entrevues, nues parfois comme l'Aphrodite anadyomène, advenue de l'écume légère et dont l'apparition nous saisit dans l'instant qu'elle éternise.
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Les mythes ne nous renseignent pas sur des civilisations disparues, vestiges devenus incompréhensibles d'une cohérence détruite; il nous parlent de ce que nous sommes et plus encore qu'une expérience, ils sont une recouvrance, un pacte renouvelé entre le visible et l'invisible.
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Le dieu de la mer, par exemple, n'est pas seulement la mer; il est ce qu'elle nous donne, ce dont elle nous menace; il est notre ravissement et notre effroi, non point une personnification de ce que l'on ne peut nommer ni comprendre mais la relation qui s'établit entre elle et nous par l'entremise de l'imagination créatrice. Dans un monde sacralisé, mythologique, les choses ne sont pas des choses seulement quantifiables ou analysables, mais des choses entières, pleines et incommensurables dans leurs nuances et variations.
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Dans le suspens de nos prières aux dieux, certains dieux, les plus secrets, continuent de prier pour nous. Pour les entendre à travers les bruissement de la mer, des feuillages, il suffit de faire taire, en nous, et si possible autour de nous, le fastidieux bavardage des craintes et des supputations qui tourne, en disque rayé, dans nos entendements désenchantés.
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Derniers livres parus:
Lectures pour Frédéric II, éditions Alexipharmaque
Lux Umbra Dei, éditions Arma Artis
Propos réfractaires, éditions Arma Artis.
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04/08/2013
Le bruissement secret du sang
Ce monde fait pire que nous exploiter: il nous intime à déserter notre existence, à céder ontologiquement. Réducteur, démoralisateur, il promeut ce mélange d'hébétude et de mesquinerie constitutif d'un nouveau type humain, dont le propre est de passer à côté de tout par stupeur et vilénie.
Attendons les "révoltes logiques" rimbaldiennes, surgies des matinées d'ivresses. Le néant de l'être ne peut triompher; les plus funestes planifications cèderont devant la toute-possibilité refleurie. Elles cèdent déjà, à chaque fois que, par des mots, nous pouvons la dire. Ce n'est pas tant la volonté de résister qui est requise que la reconnaissance d'une beauté abandonnée, ressaisie, aimée, un bruissement secret du sang, - le coeur battant par la soudaine fraîcheur de l'eau qui nous saisit lorsque nous plongeons du pont, un soir de canicule, sous le ciel violet.
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Ce moment intense qui précède la victoire, - comme l'ivresse du visage perdu dans une chevelure soleilleuse, - nous dit que notre victoire sera l'abandon suprême. Victoire non sur d'autres, mais victoire en soi, sur le "moi" toujours fautif, toujours défaillant, toujours accusé, - comme le sont toutes les illusions.
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Si mon coeur devient le coeur du monde, l'oubli est boréale de la mémoire.
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Derniers ouvrages parus:
Lux Umbra Dei, éditions Arma Artis
Propos réfractaires, éditions Arma Artis
Lectures pour Fredéric II, éditions Alexipharmaque
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