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18/12/2021

Du "Traité de la Foudre et du Vent" de Henry Montaigu:

 

Résultat d’image pour Henry Montaigu. Taille: 122 x 159. Source: www.oocities.org

Luc-Olivier d'Algange

A propos du Traité de la Foudre et du Vent de Henry Montaigu.

 

«  L’avenir est à une chevalerie inconnue.

Attendre tout bonnement le retour du Roi Arthur.

Etoiles ensevelies, quel vent vous délivrera ?»

Henry Montaigu

 

De rendre à la parole humaine sa dignité, infiniment bafouée et profanée par les temps modernes, en éveillant la divine vertu des mots, leur sens qui toujours se situe au-delà des significations, dans une région aurorale et secrète, - l'œuvre de Henry Montaigu, dans sa magnifique solitude, fut aussi pour nous, attentifs au génie humain, non moins qu'à la vérité qui dépasse toute humanité, cette ardente promesse, cet orient, dont la seule existence suffit à donner au monde une plus grande légèreté.

Le style de Henry Montaigu était la légèreté même, non certes qu'il feignît la désinvolture, comme tant d'autres aujourd'hui, par l'usage immodéré de la litote; la vie fulgurante, la vie prophétique, tenait, pour lui, à la fidélité qui, de ses nuées, de ses éclairs, précède, en solennité légère, la chose dite. Sans la mémoire de cette solennité, tout rire n'est que ricanement, toute désinvolture n'est qu'impardonnable futilité.

Un titre résume à lui seul cette fidélité au silence qui précède et engendre toute manifestation: Traité de la Foudre et du Vent. La coïncidence des contraires, dont la vérité scintille dans les hautes œuvres rubescentes de l'Alchimie, s'anime dans ce titre, allusif, car il suscite la pensée sans forcer la conviction.

Alors que le terme de Traité implique l'ordonnance du Verbe selon une raison prévisible, voire selon une méthode, la Foudre, qui est la soudaineté même, et le Vent, qui souffle où il veut, sont des instances supérieures à tout enchaînement rationnel. Cette apparente contradiction est l'œuvre même, - flamboiement du heurt qui s'apaise et triomphe dans la clarté qui l'environne. Le Traité, entre des puissances que l'intelligence humaine juge contradictoires, unit, dans l'instant apocalyptique et la création d'une forme nouvelle, ce qui, de toute éternité, dans l'Intellect divin, n'a jamais été séparé.

Lorsque la parole rejoint, pour en témoigner, le silence qui la précède, comme la Foudre est précédé par le grondement du tonnerre, que le Vent devance, tout est dit. Et la prophétie du Vent, et la fulgurance qui stylise, peuvent, en effet, faire l'objet d'un Traité, - autrement dit d'une traduction, directement impliquée par ce registre de lumière dont la lecture nous est offerte comme un don à ce moment de notre existence où la présence des êtres et des choses frappe d'inconsistance le leurre du temps et l'illusion de la mort.

Nous comprenons alors que la Foudre et le Vent ont conclu, dans ce Traité, le pacte que la plume de Henry Montaigu paraphe, en nous laissant la responsabilité de répondre à l'appel de « l'amour du lointain » (selon la formule de Dostoïevski, reprise par Nietzsche). Car le plus lointain est aussi le plus proche et toute réponse juste à cette extrême et ardente proximité du lointain légitime le « répons » dont le vaste jeu est le loisir et l'infinie munificence de Dieu.

La verdoyante sagesse de la langue française est dans son étymologie. La réponse est de notre responsabilité, de même que la pensée est la juste pesée sur la balance d'or de l'Analogie qui laisse les choses correspondre les unes avec les autres dans la subtile harmonie des astres et des saisons. Car Henry Montaigu ne fut pas seulement poète et métaphysicien, il fut aussi romancier, dramaturge, historien, embrasant ainsi de poésie, le roman, le théâtre et l'Histoire, dans cette belle tradition de la littérature française qui sait dévouer à l'immanence une attention théologique, afin d'en élever le sens dans ses nuances et ses éclats.

L'Auteur du Traité de la Foudre et du Vent, fut ainsi le contraire d'un « spécialiste », c'est-à-dire un homme d'intelligence libre, avec ce sens du défi qui procède à la fois d'un tempérament audacieux et d'un détachement supérieur. Et par ce détachement, son œuvre fut, non point le panthéon d'une subjectivité despotique, mais le hiéroglyphe unique d'un discours plus vaste, celui de la France.

Lorsque les styles par trop se ressemblent, lorsque l'œuvre ne porte plus le sceau de l'Unique, ce discours devient bredouillement de syllabes mortes. Toujours l'uniformité fut, pour la France, une plus grande menace que le disparate. Or en ces temps journalistiques, l'œuvre de Henry Montaigu fut l'une des biens rares à manifester avec alacrité et ferveur, la persistance de la mémoire française, sans cesse insultée.

S'insurgeant contre la méconnaissance générale et systématique de ce que fut la France d'avant la Révolution, - c'est-à-dire non pas la « vieille France » mais la France juvénile et courtoise, amoureuse des fêtes et des Symboles, des amours et des combats, l'œuvre de Henry Montaigu eut ainsi pour mission de disposer l'âme de ses lecteurs à recevoir l'Héritage, non de dérisoires « valeurs » mais de Principes d'autant plus précieux qu'ils ne donnent aucune règle, aucune orthopraxie, mais nous exigent à la hauteur de ce « faire » et de ce « dire » qu'est la poésie, et que sans cesse il nous faut opposer au défaire et au dédire.

De même qu'il y a une façon d'affirmer son identité qui n'est que narcissisme collectif, impie, de même il existe une façon de s'appliquer à la coutume qui, dans l'oubli de la primordialité de la Tradition, est peut-être pire qu'une ostensible subversion. Dans cette guerre sainte pour la plus haute mémoire, s'inscrivent des œuvres telles que René Guénon ou la mise-en-demeure, et Culture d'Apocalypse:

« C'est parce que l'homme a le don de Voir qu'il a la possibilité de se régénérer. Le poète est cet œil ouvert sur la conscience la plus intérieure, centre des choses et du monde.

Déserteurs: ceux qui feignent de tout comprendre pour n'avoir rien à faire, - et ceux qui feignent d'avoir tant à faire pour ne rien comprendre. »

Dans cette élévation du Chant, Henry Montaigu nous laisse un espoir de quitter les marges où vagabondent les déserteurs, activistes ou théoriciens, pour pénétrer au cœur d'une réalité dont la densité est celle du Symbole. Il n'est rien de plus réel qu'un Symbole. Le Symbole est, par lui-même, essence de la contemplation et de l'action, et l'œuvre qui sait le servir, loin d'être abstraite, se tient au cœur du réel en vertu d'une immémoriale maintenance des Principes.

Si, un matin, le bonheur nous était offert, d'assister à la fin du règne des Abstracteurs (dont le travail est d'abstraire la vie et de soustraire le monde à son principe), ce bonheur nous le devrions à l'élévation du Chant, comme une flamme issue de l'ardeur de l'être, et dont l'œuvre de Henry Montaigu sut nommer et servir l'unique souveraineté.

C'est ainsi que les réactionnaires ne s'y reconnaissent pas, et c'est heureux, car il n'est pas souhaitable de recueillir les suffrages de ceux qui rêvent de couronner l'imposture bourgeoise. C'est ainsi qu'il n'est point d'œuvre moins passéiste, toute attentive à ce qui advient, telle une révélation de l'être, jusque dans la nostalgie : « à travers ce qui demeure, afin de saisir ce qui est ». C'est pourquoi tout se joue dans l'immédiat, dans l'éveil de cette morale héroïque qui embrasse le plus vaste présent, car son présent, son don, est la présence même, telle qu'en l'imagerie médiévale se figure Notre-Dame, du haut du ciel.

Dans ses éditoriaux de La Place Royale, dans son Journal de Galère, Henry Montaigu n'aura cessé de lutter contre les forces qui réduisent la Tradition à la primauté du politique, étouffent l'amande vive sous les écorces mortes, débusquant l'esprit bourgeois, sous toutes ses formes, fussent-elles « royalistes » : « L'erreur répercute l'erreur jusqu'à la monstruosité », - de même que la Contre-révolution répercute la Révolution. D’où l’importance du détachement qui nous laisse entrevoir la duperie de l’Histoire profane, et l’importance du survol, sans quoi le travail de l’historien se réduirait à une compilation journalistique. Toute méditation sur le Royaume débute par le Chœur des Anges.

Mise-en-demeure à cette juste orée des ténèbres et des clartés, de l’Action et de la Connaissance, à cet instant précis dont nous tenons la certitude de l’Eclair, l’œuvre de Henry Montaigu convoque en nous ces vertus de promptitude et d’aventure qui donnent à la poésie la force d’échapper à son objet et au destin celui de se vaincre lui-même par la connaissance.

La connaissance requiert le caractère, dont le style témoigne. L’approche du Graal suppose le courage de rompre avec les conditions du monde, l’audace de n’en plus subir les lois. L’approche de la Coupe exige l’éloignement. Qui n’a connu, aux confins de son existence, cette brusque levée des intersignes, comme si le tissu de la réalité se resserrait pour mieux laisser voir entre les feuillages et les ombrages, les fées et les licornes ? Ces silhouettes légendaires qui préexistent à la réalité, y surgissent pour peu que la trame des apparences, rendue soudain visible par une plus grande acuité de l’entendement, nous consentions au Merveilleux, qui n’est autre que le réel le plus intense et le mieux ordonné.

 

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