11/12/2021
Luc-Olivier d'Algange: le Chant de l'heure la plus claire:
Le Chant de l'heure la plus claire
Que savions-nous de l'heure la plus claire ?
Elle vivait dans le présent comme une étrangère
Et nous frissonnions devant cette menace exaltante.
L'Aube et le crépuscule refleurissaient les couleurs
et l'heure claire y trouvait sa demeure,
comme dans la nuit
ou le grand midi
car sa patrie vivait en le secret de toute chose...
Les forêts étaient émues à son approche,
- et la terre et les abîmes et les oiseaux.
Dans nos poitrines, nos coeurs battaient plus fort
d'entendre ce langage céleste qui nous délivrait
de la tutelle des Titans.
Car dans le secret du cœur nous avions gardé le souci de l'immortalité
et l'espérance de l'éther silencieux.
Et cette espérance
nous ennoblissait dans l'approche des prairies désirées
où veille la jeune raison d'être
de toute chose graciée et souveraine.
A cette heure,
nous devions notre destinée, notre véritable prière
qu'ignorent les rites et les religions
tels qu'ils s'assombrissent
dans l'irréversible histoire du monde
- en apparence ! Mais n'était-ce point
contre toutes les apparences, que l'heure la plus claire
nous sauvait ?
Et nous retrouvions en elle
toutes les splendeurs perdues de la nuit des temps,
scintillement d'éternité
à la crête des vagues
regards sombres et brillants
de la jeune amante.
Que le monde soit remercié,- et Dieu !
de nous avoir privilégié de cette haute sagesse lumineuse,
flamme dansante,
qui fut notre prière et notre mémoire,
alors que la pénombre gagnait l'histoire
et ses détresses !
En moi si vaste est le sentiment de la gratitude
qu'un chant seul en peut témoigner... Lueurs
matinales, destins, rivages,
divinités impressenties,
naissent de mes phrases qui vont à la rencontre
de l'Heure
entre toutes
la plus claire.
Et pourtant,
nous avions le pressentiment du sans-fond,
des nuées
et de l'émerveillement de la lumière.
Une vaste incertitude dominait le monde
mais au-delà du regard, nous pressentions la ressemblance
et l'humilité
longtemps étrangère
s'éveillait en notre âme à une force plus haute.
Sans doute la fallait-il nommer Joie
oeuvrant à son accroissement
dans l'empire dont elle servait le mystérieux dessein.
L'être du monde,
sa vision
précédait notre route,
car nous longions la périlleuse galerie des souffles
vers cette vérité de la mémoire et de la vie
alors que la sainte unité tombait
avec le ressouvenir du plus haut vol
sur la terre aimée
où tout ce qui fut au monde renaît
et même ce regret
que le bonheur épuise dans l'étourdissement
d'une destinée à nulle autre pareille. J'accepte
d'en témoigner.
Etait-ce le silence des augures, ou le vent du large
favorisant nos efforts
vers cette ivresse brûlante ?
Autour de nous s'accomplissait le miracle d'azur
et sa perfection chantait la permanence
des couleurs et des saisons.
Telles étaient en nous les preuves
de la profusion du bonheur,
notre privilège.
Les heures sont lentes en le triomphe du plus grand amour
et le génie enclos en toute chose avivait
notre reconnaissance
comme une terrasse illuminée, peuplée de silhouettes gracieuses
face à la mer devineresse,
dans cette plus profonde nuit où nous fûmes saisis
par la gloire secrète du Songe...
Car nous fûmes saisis,
et transportés
dans une sérénité que d'autres eussent confondus avec la tristesse
tant elle faisait trembler en nous des feuillages inconnus
où passait
comme un apaisement paradoxal
les révélations fraîches de l'air...
Alors le Temps
se divisait
en deux parts égales
que nous partagions en sacrifice
entre le désir de vaincre
et la peur de mourir.
Est-il un songe de plus belle envergure
que cette maîtrise inventive
et ce consentement au sacre de l'Instant ?
Quel futur désolé délaisse
l'accomplissement adoré alors
qu'ici même une étoile nous guide,-
et même dans les exaltations vermeilles,
assourdies
de l'automne, à travers cette insouciance caressante qui habite l'âme
de ceux qui se redisent en eux-mêmes: " Ne vous souciez pas
du lendemain"... J'étais
depuis ma fougueuse jeunesse
amoureux de cette connaissance,
en cette inquiétude créatrice
où le monde tumultueux se reposait en nous.
C'était l'Idée,- l'ardente vision !-
de parcourir le monde
alors même que notre sentiment d'être
disparaissait dans la hauteur.
Quel poète, loin déjà sur la sente périlleuse qui l'éloigne de ses semblables
n'eut cette certitude
de n'être plus
l'auteur de son Chant ?
Mais nul autre
ne fut aussi proche de son unificence
qu'à cet instant
où seul
il pouvait dire cette vérité
qui authentifie son destin et le dépasse.
Jamais il ne fut aussi bien lui-même
et avec tant de beauté et d'intensité que dans le coeur
de la seconde salvatrice qui l'arrache à lui-même.
Par sa bouche alors parlent les dieux.
Car je fus le témoin de ce mystère,
j'accepte d'en témoigner. Ainsi
passe la flamme
de mains en mains, invisible
dans le grand jour qui la dissimule.
Luc-Olivier d'Algange
Extrait de Le Chant de l'Ame du monde, éditions Arma Artis.
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un article d'André Murcie:
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