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30/06/2013

Un article de Pierre Le Vigan sur les "Propos réfractaires" (Métamag)

Un article de Pierre Le Vigan:

A être doctrinaire, la critique des modernes serait vite aussi ennuyeuse que la modernité elle-même. Mais le contraire de l'ennuyeux n'est pas le superficiel, c'est le vif, c'est ce qui est allègre. Ce sont les qualités que l'on trouvera aux Propos réfractaires de Luc-Olivier d'Algange. Il y défend l'aristocratie comme projet et non comme pièce de musée, le droit à la désinvolture et à une pointe de folie. Il y critique la grande solderie de tout, le Progrès comme progression du lourd, du triste et du laid. Le règne de la quantité du moche. Ce qui est moderne a exterminé la diversité, note-il. "Le Moderne croit devenir en cessant d'être ce qu'il fut. Mais alors qu'est ce qu'il devient ?"

On a fait de la raison une idole, explique encore L.O. d'Algange, et c'est une folie. On a immergé l'homme dans le culte de la réalité du moment, en oubliant que l'important est d'être présent au monde et à soi. On a fait un impératif de "vivre avec son temps", en oubliant que les hommes les plus vrais sont de tous les temps. On a cru que les paysages de banlieues étaient une banalité qui devait être contrebalancée par de l'imaginatif et du ludique, alors que leurs formes relèvent bien souvent du hideux et du démoniaque, et doivent trouver remède dans un classicisme.

On a oublié que tout grand roman est métaphysique, que toute esthétique est une métaphysique en mineur. On a oublié que le libéralisme est une caricature de l'exaltation du risque et de la liberté, que la Mégamachine veut des êtres qui lui ressemblent, et que les vrais écrivains ne peuvent écrire que dans le bruissement du monde, qui est la forme supérieure du silence. Nous avons oublié que la puissance est en amont du pouvoir, et qu'il n'y a que des pouvoirs impuissants s'ils ne sont pas inspirés par une puissance qui relève des forces de l'esprit.

D'Algange délivre une leçon de jeunesse contre le jeunisme de notre époque. La plupart des êtres ferment tôt le couvercle de leur vocation ultime. Ils demeurent désespérément raisonnables. Or, nous ne sommes pas la somme des moments de notre carrière professionnelle, ni la somme de nos actes d'achats. Nous nous devons d'être ouvert à un plus essentiel des choses, à un plus essentiel dans le monde. " Simplifier nos âmes afin de mieux percevoir la complexité du monde". Nous devons être attentifs à ce qui se transmet, à ce qui n'a pas de prix car il n'est que gratuité. " A tant se révolter contre ce qui est donné, on finit par ne plus avoir la moindre résistance contre ce qui nous est vendu (...)".

Pierre Le Vigan

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Propos réfractaires, éditions Arma Artis

www.arma-artis.com

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29/06/2013

Journal désinvolte (intempestiva sapientia) 30/O6/2013

 La joie est sacrée, la tristesse profane. Ces grands renforts de psychologie qui viennent, en marées noires, sur les rivages des consciences désemparées, auront pour conséquence d'accorder une plus grande vérité à la souffrance, à la tristesse, au ressentiment qu'aux impondérables ressources de la joie. Or ce que nous sommes, notre vérité, n'est pas notre souffrance mais l'aile qui nous en dégage.

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La véritable injustice est rare. Elle est faite à ces quelques-uns qui, n'ayant jamais cédés à la compulsion du contrôle et au goût du lucre, doivent cependant en subir les conséquences. les autres, qui font en petit ce qu'ils subissent en grand, sont les moteurs de leur propre oppression.

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Le discours bourdieusien contre les dénommés "héritiers" oublie, ou feint d'oublier, que les héritages, lorsqu'ils ont une dimension spirituelle, sont à peu près les seuls remparts contre l'asservissement à la Tyrannie totale et globale qui est en train de se construire et qui nous veut égaux dans la servitude.

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La compassion du Moderne est abstraite: publiciste des "causes humanitaires", mais sans regard pour le malheur sous ses yeux, indifférent à la souffrance qu'il côtoie, - et même ricaneur.

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Au soir qui tombe soudain une couleur irradie: elle entre en accord avec un état de l'être attendu et lointain. Nous disparaissons dans cet augure pour nous retrouver dans un autre côté qui est le doux rayonnement d'un ici-même délivré de ses représentations. Ce qui apparaît alors est sauvé par l'au-delà de l'être.

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L'ontologie n'est le "dépassement de la métaphysique" que si l'on se tient à une définition de la métaphysique étrangère à la gnosis, c'est-à-dire écorce morte, exotérique. Dans un tout autre sens, on doit renommer métaphysique le dépassement de l'ontologie, la pensée qui se receuille dans l'au-delà de l'être, dans la toute-possibilité, avant d'advenir à l'entendement humain, et de se redéployer.

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A se vouloir trop malin, et dans la crainte d'être dupe, la plupart des intellectuels se résolvent à n'être que médiocres.

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La plupart des "incroyants" croient surtout, et fort naïvement, que leur incroyance ostensible est une marque d'intelligence.

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Le rationalisme des Modernes, loin d'évoquer l'audace spéculative, la logique au plus loin de ses prémisses, se réduit à une morale ménagère qui consiste à bien ranger ses ustensiles: monde bourgeois protégé du Réel peuplé de mystères, de dieux, de tragédies et de joies.

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Le rationalisme est une croyance où l'usage de la raison se grippe et périclite.

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Nos pensées correspondent à notre "être-là", elle sont la pesée, en correspondances et analogies, du rapport qui s'établit en nous (à la faveur de nos actes et de nos destinées) entre le visible et l'invisible. Sans la présence de l'invisible, il n'y a plus rien à penser, mais seulement à accumuler et "gérer" des informations: les Machines le font mieux que nous.

 

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Derniers livres parus:

Propos réfractaires, éditions Arma Artis

Lux Umbra Dei, éditions Arma Artis

Lectures pour Frédéric II, éditions Alexipharmaque

www.arma-artis.com

www.alexipharmaque.net

 

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24/06/2013

Car les temps sont venus de rendre grâce, poème

 

Car les temps venus de rendre grâce.

Toute chose nous fut donnée pour le partage de l'ombre

Dont les yeux vers le sommeil composent la neuve ivresse

Et le murmure des preuves que nous n'entendons pas !

 

Là-bas un autre monde prend naissance

Dans le Songe que redit la pénombre des formes,

Un autre monde frissonne dans le visible

Telle une vérité oisive encore

Dans la sûre conscience de son lointain...

Qu'être dans ce Moi dont le rêve est la désespérance de la pensée ?

Peut-être ce consentement profond à l'incertitude

Dans l'unisson de toutes les essences et de toutes les apparences,

J'en devinais le ressouvenir à l'orée de l'éveil:

Universelle beauté des vagues, écumes rieuses, nostalgies...

 

Ce que nous sommes, croyant l'être,

Est notre manteau royal. Les labyrinthes

Sont nos communes demeures en vérité.

Car la justesse éminente tombe comme une poussière

Sur le déchiffrement du Beau et Vrai... Nos paroles

Sont telles des silhouettes égyptiennes pour celui

Dont la mémoire est l'auguste sentiment de son art.

 

Et c'est ainsi que l'obscurité drape en majesté

Le toucher subtil de l'être à sa naissance;

Et l'obscurité défaille dans sa vaste célébration

Ne sachant si l'objet est cette pensée du soleil

Ou la pure présence de l'impression.

 

Ainsi nous formulions le désir de la légende la plus ancienne...

Doucement ordonnée aux racines, aux rythmes

Qui nous frôlent de leur bonheur, comme, jusqu'à la fin,

L'ivresse d'une louange vibrante !

Car les temps sont venus de rendre grâce.

Notre persévérance est le bonheur de notre exil,

Ce flambeau dans la main tremblante...

 

Passer d'un trait sur le paysage... J'interroge

Le matin de la légèreté. L'humain est cet Adieu

Que la forme enchante pour les dieux qui débutent

Sous nos pas et dans la sainte solitude.

Les secondes sont les stèles des millénaires.

J'avoue que l'être s'évanouit dans le pressentiment de la beauté.

Les temps sont venus, les temps sont venus

De nous déshabituer de cet âge terrestre, -

Et nous en rendons grâce à la Bien Aimée.

 

Luc-Olivier d'Algange

 

Le Chant de l'Ame du monde, poèmes, éditions Arma Artis.

www.arma-artis.com

 

 

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23/06/2013

Journal désinvolte, 23/O6/2013

Le nouveau dieu, celui auquel l'humanité accorde désormais sa confiance, le fiduciaire par excellence, l'argent, avec ses superstitions répugnantes, son universalité uniformisatrice, sera parvenu, en quelques décennies, à nous arracher à toutes les fidélités et tous les honneurs, - nos entendement étrécis ne recevant plus, de la profonde estime du monde, qu'une estimation quantitative, un leurre, une illusion torve et amoindissante. L'homme qui calcule est inférieur à l'homme qui médite, guerroie ou s'aventure, c'est-à-dire qu'il est inférieur à lui-même, à ce qu'il pourrait être. La possibilité cependant demeure, comme l'éclat dans la prunelle; dans l'onde, l'insaisissable clarté; la paix profonde dans le bruissement des feuillages, seconde mémoire.

*

N'est-il pas d'une commodité excessive que d'arguer de la vanité de toute oeuvre humaine pour consentir à l'oubli et au dédain collectif de toute gloire et de tout honneur ?

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Dans un monde fondé sur l'idéal de la croissance économique, le "réussite" consiste à faire des choses rebutantes pour un résultat décevant. Le résultat de cette réussite est un monde partiellement cossu et d'une tristesse hargneuse.

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Les barbares de l'intérieur qui travaillent à l'effondrement du sol sous nos pieds sont plus néfastes que les barbares de l'extérieur. C'est pourquoi les talons ailés sont préférables aux armes lourdes.

*

L'absolu, la pureté, - il n'est pas un intellectuel moderne qui ne se fût insurgé contre ces notions, sans lesquelles, cependant, toute pensée graduée est impossible. Le Moderne est absolument  hostile à l'absolu et purement opposé à la pureté. A dire vrai, il n'entend plus le sens des mots: le pur, c'est le feu, - ce feu mêlé d'aromates dont parlait Héraclite, - sans lequel tout n'est que cendre et mort; et l'absolu est cet en-dehors sans lequel tout en-dedans n'est qu'une prison.

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La véritable puissance est attention, non volonté.

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Certains sont, se rendent malheureux, par volonté. Cette subjectivité souffrante à laquelle ils s'identifient, ils croient qu'elle est plus profondément eux-mêmes que la joie. Ils affirment leur malheur avec âpreté, s'y tiennent, y ajoutent ce qu'ils peuvent de griefs imaginaires ou réels, et le proclament et le répandent. La disparition de la civilité et de la civilisation, favorise cet horrible travail. Or toute joie naît d'un oubli de soi-même.

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Nous devons à la fameuse "démystification" de l'honneur, du sacrifice et de toutes les vertus chevaleresques, d'avoir été livrés, sans armes et sans ressources, à la plus grande entreprise d'asservissement et de contrôle qui jamais ne s'exerça dans l'histoire humaine. Aux hommes corvéables ou quémandeurs, controlés, aux hommes satisfaits du sort sinistre qui leur est fait, rien ne s'opposera plus qu'un sens intime de la tragédie et de la joie, et la fidélité éperdue à des causes ou des vertus décriées.

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A la très-morose servitude volontaire, opposer une obéissance fière à des principes incompréhensibles.

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Par la réduction, le saccage, le nivellement par le bas de la langue française, ce n'est pas seulement la beauté formelle qui est niée, - cette beauté que les Modernes affectent de croire "relative" ou superficielle, au regard de leur morale puritaine, c'est encore tous les aspects du monde, toutes les nuances de l'âme, tous les frémissements du sensible et toutes les hiérarchies de l'Intelligible qui deviennent hors d'atteinte , nous laissant dans un outre-monde dont la prétention à être la "réalité concrète" n'a d'égale que la funeste soumission à quelques abstractions vengeresses.

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Le Moderne ne semble connaître que cette alternative: l'ignorance crasse ou l'accumulation, en amas, d'informations nuisibles à la vie de l'esprit.

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Faute de pouvoir nous dominer, et au demeurant trop timorés pour le faire, car la domination implique un risque et une générosité, nos contemporains cherchent à nous engluer. Cela vaut tout autant pour les systèmes en usage que pour les individus. Avec certaines personnes, dix minutes de conversation laissent une impression poisseuse. S'en tenir rigoureusement à une diététique des fréquentations. Certains donnent de la force, de l'espace, d'autres nous prennent dans leur faiblesse, abaissent les plafonds et nous contraignent au confinement. L'intuition que nous en avons est immédiate; la première impression est la bonne. Nous devinons à d'infimes détails qui va abonder en nos forces et qui va s'emparer de nous par nos faiblesses.

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A quel point les phrases peuvent être des véhicules, - favorables aux transports les plus exquis, les plus vertigineux, les plus lointains, ceux qui ne lisent que pour s'instruire sont condamnés à n'en rien savoir. La poésie est relation magique avec l'Ame du monde; la sapience est ensoleillement intérieur, "clef de l'amour", disait Rimbaud.

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Dans une phrase, - des enfances, des clairières, des torrents, la mémoire et l'oubli, le soleil et la nuit, ce qui est et ce qui n'est pas.

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Derniers livres parus:

Lectures pour frédéric II, éditions Alexipharmaque

Lux Umbra Dei, éditions Arma Artis

Propos réfractaires, éditions Arma Artis

www.alexipharmaque.net

www.arma-artis.com

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