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18/02/2024

Luc-Olivier d'Algange, le "Nocturne" de Gabriele D'Annunzio, version française suivie de la version italienne

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Luc-Olivier d'Algange

D'Annunzio entre les contrées de l'Aigle et le territoire du Serpent 

 

Il était inévitable que le poète qui tant laissa transparaître dans ses œuvres la vision d'un paradis terrestre, - l'absolu non dans l'indéfini, mais dans une finitude resplendissante, incarnée, dans une âme qui fait frémir le corps et porte l'esprit à l'aventure et à la gloire, - sortît enfin du purgatoire où des esprits mesquins prétendirent l'enfermer à jamais.

D'Annunzio fut magnifiquement tout ce que notre temps nous prescrit de n'être plus. Il n'est pas une de ses vertus, ou de ses vices, qui ne fussent mises au ban, - et surtout ses vertus, qu'il faut prendre ici au sens originel, comme on parlait jadis de la virtu du condottière. Sa gloire en son temps fut immense, mais peu lui demeurèrent fidèles, excepté Montherlant, et cet autre condottière, auteur du plus beau voyage en Italie qui soit, André Suarès qui, mieux que quiconque, pouvait le comprendre, jusque dans son équipée de FiumeOn a beaucoup glosé sur le “Comandante” et le “Comediante”, sur ses audaces et sur ses éclats, sur son italianité qui ne l'éloigne pas tant de notre francité, telle qu'elle fut incarnée par Cyrano de Bergerac, qui fut non seulement le personnage coruscant de la pièce d'Edmond Rostand, mais aussi, on l'oublie parfois, l'auteur génial du Voyage aux pays de la Lune et du Soleil, qui hausse la prose française à l'un de ses plus ardents zéniths.

Sous ces belles augures, - où figurent aussi, d'entre les contemporaines, la magistrale biographie de Mauricio Serra et la fidélité active, au coeur du Vittoriale degli Italiani, l'ultime demeure de d'Annunzio, de Giordano Bruno Guerri, auteur de plusieurs livres consacrés au Vate - D'Annunzio revient et le moment est venu de se souvenir du poète qu'il fut avant tout. Les rabat-joie, les Lugubres et les puritains ont ricanés, amers, mais leur nature est de ne rien comprendre à rien, et de se tenir, bien serrés, sur la ligne défensive de leur médiocrité ; les idéologues nous ont mis en garde contre l'esprit libre, mais c'est leur fonction que de trier administrativement les bons et les mauvais sujets. Ces dénigrements cependant suintent l'envie, qui est de tous les péchés le plus stupide car aucune joie, même fugace ou coupable, ne l'accompagne. Les gloires, le luxe, avec cependant les soucis de l'endetté perpétuel, mais dans la désinvolture et le panache, la plus grande gloire littéraire de son temps, un foisonnement de présences féminines, tout cela jeté dans la balance du risque et de l'audace, - D'Annunzio reprenant à son compte la fameuse phrase Pompée citée par Plutarque, Naviguer est nécessaire mais il n'est pas nécessaire de vivre, - il y avait là sans doute de quoi tordre les entrailles de ceux qui ont, avant l'heure, étranglés leurs songes !

Qu'une telle vie eût été possible, et aimée, devrait cependant nous donner à nous interroger sur les pouvoirs de la poésie même, - pouvoirs magiques qui remontent haut dans le temps, jusqu'aux Mystères de Delphes et d'Epidaure, jusqu'à Empédocle et jusqu'aux premiers songes orphiques, et plus haut encore, dans la communion immémoriale des hommes avec la terre des Abruzze, avec le ciel, avec la mer.

Pour D'Annunzio, la poésie n'est pas une représentation mais une présence réelle, qui prolonge la nature et le monde, qui en émane et témoigne de son secret, de ce feu central de l’être, lequel, sans l'intercession du poète, demeurerait méconnu, - “un pays sans légendes condamné à mourir de froid " selon les mots de Patrice de la Tour du Pin. Il a été beaucoup reproché à D'Annunzio de n'avoir été que le poète des sensations, et, de préférence, des sensations fortes, mais c'est méconnaître que la sensation, lorsqu'un poème s'en saisit et la chante n'est pas seulement la sensation, de même que la vie n'est pas seulement la vie, mais un signe, une annonciation, - celle de son propre nom : " la vie était belle par ce que je vivais et parce qu'elle m'avait créé semblable à l'image voilée de l'Ange de mon nom". Pour D'Annunzio, la vie est signe et intersigne, analogie créatrice ; la rumeur qu'elle laisse en nous est semblable à celle dont elle naquit, ses objets les plus précis, les plus familiers viennent de la nuit des temps, telle la cigale talismanique aimée des Félibres, qui, à tant d'égards, furent proches de D'Annunzio, la cigale "noire mais couverte d'un duvet cendré qui luisait comme un vêtement de soie".

Le refus de l'existence plate, soumise, utilitaire n'est pas seulement pour D'Annunzio une pose, ni même une éthique, - ce qui serait déjà honorable, mais, plus profondément, une métaphysique expérimentale. Celui qui envisage de sacrifier sa vie dans un combat juge une idée plus haute que la vie, non comme une abstraction, mais comme sa fine pointe. Pour D'Annunzio, la vie n'est pas seulement la vie, la raison n'est pas seulement la raison, la patrie n'est pas seulement la patrie mais ils sont les empreintes d'une vérité plus haute, - divine, - qu'il appartient au poète d'éprouver et de louer. Cet idéalisme n'a rien d'anémique ou de falot, il est puissance en acte, non dépourvu de ce pragmatisme supérieur qui caractérise le héros homérique, - et puis, toute vie n'est-elle pas un sacrifice, ce "feu mêlé d'aromates" dont parlait Héraclite ? Mieux valent les flammes hautes, crépitantes de parfums que le feu crapoteux et puant de la sécurité et du confort. Le don reçu à la naissance est immense, indiciblement immense. Le dessein de D'Annunzio fut, durant toute sa vie fervente et inquiète, de n'en pas démériter.

L'équipée de Fiume qui succéda au Nocturne n'est pas sans faire songer au voyage des Argonautes. Avant cette aventure, qui évoque la conquête de la Toison d'Or, le Nocturne, dans son paradoxe temporel, est préfiguration. Pour reconquérir, et hausser la beauté conquise par-delà la beauté perdue, il faut avoir été laissé, abandonné sur des rivages de nuit ; il faut avoir été presque vaincu, trahi ; il faut qu'une légitimité ait été bafouée et niée. Dans certaines circonstances, qui appartiennent alors au Mythe, le destin individuel rejoint le destin collectif. Le ressouvenir devient alors pressentiment. L'honneur rendu aux héros passés dans le Nocturne annonce, par "l'Ange du nom" ceux qui se dresseront contre la "victoire mutilée".

Toute vie pleinement vécue est mythologique. Pour D'Annunzio, les mythes ne sont pas les témoins d'une civilisation antique disparue mais les clefs de déchiffrement de son propre destin, exactement comme ils le furent pour un Grec contemporain d'Homère ou d'Empédocle. Loin, très loin, de n'être que les ornements métaphoriques d'un homme de Lettres, ils sont la substance vive de ses actes et de ses pensées. Il est une façon mythologique de voir le monde, de s'y inscrire et une façon ratiocinant, bourgeoise, au sens flaubertien de "celui qui pense bas". D'Annunzio qui est à la fois paysan des Abruzze et esthète à la manière d'un Des Esseintes, ne laissera pas la pensée calculante et planifiante ordonner sa vie ; il rejoindra les dieux, leurs légendes et leurs mystères. On pourrait y voir simplement le panache d'un artifice majeur, d'un défi à l'époque, si par exemple l'œuvre de Jung ne nous avait appris que les mythes sont notre trame secrète, le filigrane de la plage blanche sur laquelle nous écrivons nos jours et nos nuits, les racines de notre conscience que les abstractions du monde moderne voudraient trancher.

Tout ce qu'il y eut d'aventureux dans l'existence de D'Annunzio apparaît ainsi comme une suite d'actes rituels destinés à délivrer la part mythologique, orphique, et à lui donner ce resplendissement, cette vérité dont la beauté miroite, comme au matin, le soleil sur la surface des eaux. Le grand péril n'est pas celui que l'on croit, mais, comme disait Ernst Jünger celui de "laisser la vie nous devenir quotidienne", - non que les choses les plus simples ne suffisent à notre joie, mais précisément parce que dans l'abstraction moderne, elles risquent de devenir hors d'atteinte. C'est ainsi que D'Annunzio ne se lassera pas de chanter les feuillages, la pluie, les animaux, les saveurs, les saisons, les labeurs et les combats de ses semblables, " le miel que la bouche arrache à la cire tenace", la diversité heureuse des apparences, et bien sûr, les femmes étreintes ou seulement désirées. Son inquiétude naît d'un constat auquel il ne se résignera jamais : les hommes, et surtout ceux de son temps, passent à côté de la vie magnifique. Tout est offert et rien n'est pris. Par quelque noir ensorcellement, - qui pose à la rationalité, - le don magnifique du dieu est sans cesse refusé dans les circonstances les plus infimes comme les plus grandioses.

Son immense poème Laus Vitae, - d'une hauteur, d'une vigueur et d'une inspiration comparables, aux XXème siècle, aux Cinq grandes odes de Claudel ou aux Amers de Saint-John Perse,- est ce contre-sort, cette opération théurgique dont la vocation est, par l'éloge, de délivrer la vie de la triste incarcération où elle se trouve, de la hausser à la hauteur idéale du chant et de faire ainsi de son lecteur le contemporain de Virgile, De Dante et du "plus grand avenir", celui "des aurores védiques" selon la citation que Nietzsche porta en exergue à son Gai Savoir. Ce contre-sort n'est pas sans évoquer le “contre-monde” de Stephan George qui, au demeurant, traduisit D’Annunzio et le publia dans son anthologie des poètes emblématiques de son temps. Ce contre-sort et ce contre-monde par ces temps d'uniformisation globale sont plus nécessaires encore qu'ils ne le furent aux temps de Stefan George et de D'Annunzio. Ce que ces poètes altiers craignirent nous advient avec une force d'arasement sans pareille. D'où l'importance de prendre leur conseil et de passer outre aux jugements partiaux de ceux qui les jugent obsolètes ou dangereux. Dangereux, certes, ils le sont, mais pour les garde-chiourmes, les hommes sans visages, les Lugubres. Dangereux, certes, pour les discours qui nous enjoignent à la servitude volontaire, pour l'humanité satisfaite d'être QRcodée ou réduite au rôle de rats de laboratoire, avec pour toute ambition, dans un labyrinthe absurde, de trouver la manette qui active la distribution de nourriture, le fameux “pouvoir d'achat”.

Dans la nuit, D'Annunzio se souvient de l'axe, de l'arcane de tous les soleils. Cette nuit n'est pas une pure et simple absence de lumière. Elle est peuplée de phosphènes, de réminiscences et d'annonciations. Cette plongée dans le globe oculaire, dans un réseau des nerfs, dans un cerveau, un corps, est d'une précision extraordinaire : elle réalise exactement ce que toute écrivain devrait faire : écrire à partir de l'être-là physique et métaphysique. Ce fut la règle d'or des plus grands, Proust, Faulkner, Conrad, Artaud, Jünger, et bien sûr, en amont, Nietzsche que D'Annunzio considéra à juste titre non comme un guide (“ Il me répugne de suivre autant que de guider” est-il dit dans le Zarathoustra) mais comme un frère blessé. On peut considérer, après tant d'études savantes qui, depuis, furent consacrée au Solitaire d'Engadine que D'Annunzio fut un nietzschéen approximatif ; il n'en demeure pas moins que sa vie fut sans doute de celles que Nietzsche eût aimées, méditerranéenne, solaire, guerrière, mue par une volonté de puissance qu'il ne confondit jamais avec les atermoiements et les servitudes du pouvoir.

Lorsqu'il fut le maître de Fiume, ce fut en Vate bien plus qu'en dictateur, sinon pour relever, chez chacun l'exercice de la liberté. La Constitution de Fiume, au demeurant, rédigée par Alceste de Ambris fut proche de l'idéal libertaire, et, en Europe, à l'avant-garde de toutes les libertés conquises sur le puritanisme et l'esprit bourgeois. Dans la vie, et la vie politique en particulier, il faut choisir ce que l'on sert, l'individualisme absolu étant un leurre, ou du moins un horizon hors d'atteinte, sinon dans une œuvre de jeunesse de Julius Evola. Les plus grandes querelles idéologiques se jouent autour de la notion d'individu, les uns tenant pour un individualisme abstrait, interchangeable, et les autres pour diverses formes de collectivisme. Or le génie de D'Annunzio échappe d'emblée à cette alternative qui ressemble fort à un traquenard. Fiume fut, mais dans la logique de l'œuvre tout entière, - une tentative de desserrer la tenaille, d'ouvrir à une possibilité d'être qui ne soit pas exclusivement soumise à l'intérêt des notables ou d'un Etat hypertrophié sous le seul règne de l'Economie et de la technique. Cette possibilité d'être définit une notion de l'individu étrangère au règne de la quantité qui nous soumet à la statistique. L'individu pour D'Annunzio est incarné ; il est, dans un esprit, une âme et un corps, une chose irremplaçable, indivise, forgée ou sculptée par ces influences que sont sa langue, son paysage de prédilection, ses amours, son imagination en mouvement, sa fidélité aux heures profondes et heureuses, son oraison la plus secrète. Chaque individu diffère de l'autre précisément par l'organisation variable de ses influences, par lesquelles cependant il est relié aux autres, relié mais non agrégé.

Le génie de D'Annunzio fut ainsi d'inventer un élan commun à partir du refus du grégarisme. Les grandes libertés que la Constitution de Fiume accorde aux individus sont destinées non à un hédonisme de masse mais à libérer des puissances, - celles -là même qui gisent, en ressouvenirs, en pressentiments, en mythologies vivantes aux tréfonds du Nocturne. Fiume, certes, fut écrasée par la force mécanique des gens “sérieux”, mais son exemplarité demeure. Les hommes ont d'autres destins possibles que d'être des insectes, des rouages d'une mécanique sociale. Tout ce qui vibre et chante, la singularité irréductible de chacun où s'accorde la multiplicité de ses influences, demeure face à nous-même et face au néant, à la fois tragique et joyeuse. Tragique précisément car irremplaçable et joyeuse car sa flamme irremplaçable éclaire nos dissemblables et nos amis, et notre ferveur commune. Contre la société anonyme, D'Annunzio nous donne celle du “nom qui annonce” ? Contre la pensée calculante, celle du Don, - “J'ai ce que j'ai donné”. Contre la servitude volontaire, un horizon homérique et virgilien : la poésie première servie.

On se souvient de la bibliographie de Cocteau qui répartissait des œuvres en poésie de roman, poésie de théâtre, poésie d'essais etc… La méthode eût été tout aussi pertinente pour D'Annunzio, sinon qu'il eût été nécessaire d'y ajouter la poésie de l'action. Nocturne est une méditation sur l'action, fondée, certes sur le ressouvenir mais aussi, nous l'avons vu, sur la préfiguration, l'annonce. “La poésie ne rythmera plus l'action, elle sera en avant” écrivait Rimbaud. Le poème précède l'action, celle-ci n'est plus ce qui est chanté après, mais le chant dont l'action sera la fine pointe, - et cette action elle-même ne vaudra que par l'intensité de la poésie qu'elle éveille, à jamais, comme une flamme que rien, pas même la défaite historique, ne pourra éteindre.

Sur le papier où D'Annunzio écrivait ses éloges, ses joies, ses mélancolies, son courage, figurait ce filigrane : “Per non dormire”, pour ne pas dormir, même et surtout dans la nuit phosphorescente, même et surtout au coeur du Songe. Comment expliquer que celui qui passait pour un poète décadent, un Des Esseintes pris de vertige par les synesthésies, sut avec un tel bonheur conquérir le coeur des Arditi, - qui n'étaient pas particulièrement de délicats érudits en chambres ou en salons ? C'est qu'il apportait la preuve, (selon la formule de Cocteau “ la preuve par neuf des neufs Muses”), que la poésie, comme le savait Hamann est bien la langue originelle de l'humanité. De ce rappel, en dépit de l'échec apparent de Fiume, demeure la réjuvénation de l'âme, sa possibilité inaltérée. Ce grain, couleur de cinabre qui, au contact du plomb, transmute, par un effet d'ensoleillement intérieur, la matière opaque. Le secret du soleil est dans la nuit, et le secret de la nuit dans le soleil noir alchimique. Nulle mieux que l'œuvre de D'Annunzio ne montre que le recours au passé, à la plus lointaine mémoire, est au principe de l'élan, de la force qui va, de la conquête. La nostalgie est chose mal comprise. On la croit une déperdition de la puissance, elle en est la ressource, le viatique. On présume que le nostalgique s'abandonne à des images révolues, alors qu'il les invente. Tel ces philosophes, peintres et sculpteurs de la Renaissance qui se tournent vers le monde antique pour mieux fonder leur pensée et leur art et leur donner des audaces impressenties, D'Annunzio œuvre avec ce double regard, cette virtuosité de Janus.

Pour faire de son langage la proue du vaisseau qui avance dans le futur, D'Annunzio sait qu'il faut revenir à la vérité du Logos, sa vérité héliaque, impériale, virgilienne, - celle dont il nous dira qu'elle vole, qu'elle dépasse le Grand Cap, “au-delà de toute misère, au-delà de cette vie, au-delà de nous nous-mêmes”. Et remotissima prope. Par le Logos, les choses les plus lointaines nous deviendront au plus proche. Dans le soleil noir du Nocturne D'Annunzio retrouve, nous dit-il, la sapience de l'Indien, du l'Egyptien, du Chaldéen, du Perse, de l'Etrusque, du Grec, et l'œil de Moïse lui-même qui croyait lire dans les signes de l'univers l'origine du monde,- mais tout cela dans un corps, tout cela dans son œil aveuglé, dans le fleuve noir de sa souffrance physique, avant qu'elle ne s'ouvre sur son au-delà: la vision des Alpes transfigurées, une nuit d'astre mort venue du fond de la mémoire millénaire, nous dira-t-il, d'on ne sait quel dieu extatique.

Le passé est bien cette présence que viendront couronner les faveurs du poème qui ressuscite ce qu'il nomme : “ L'odeur des livres, écrit D'Annunzio, était peu à peu vaincue par l'odeur des fleurs (…) écrit D'Annunzio dans Le Triomphe de la mort. “Les choses suggéraient au survivant une foule de souvenirs. De ces choses montait le chœur léger et murmurant qui l'enveloppait. De toutes part s'élevait les émanations du passé. On aurait dit que les choses émettaient des effluves d'une substance spirituelle qui les eût imprégnées (…) Est-ce que je m'exalte se demanda-t-il à l'aspect des images qui se succédaient en lui avec une rapidité prodigieuse, claires comme des visions, non pas obscurcies par une ombre funèbre, mais vivants d'une vie supérieure”.

Rien ne passe, tout revient. Chaque heure, là où elle se trouve est intacte, pure de son propre feu, dans une dimension révolue, mais toujours présente, de même que le sillon d'un disque, même lorsque l'aiguille de saphir y est passée, demeure avec sa musique gravée; de même la révolte annonciatrice de D'Annunzio nous fait signe, comme toute la beauté qui, dans son cours vif, est passé dans notre vie, comme tous les paysages qui nous accueillirent, cités emblématiques, pierres qui gardent la mémoire des pluies et des soleils, refuge de feuillages, jardins de la mer. Ce qui nous en sépare est un leurre, une sinistre fiction inventée par des esprits moroses qui se sont emparés du réel pour en faire une “réalité” profanée, réduite à l'abstraction et à la statistique, - autrement dit, à la restriction. A cette “science de la pénurie”, D'Annunzio, comme Jüger opposera la “science de l'abondance”, l'immmoriale sapience, la théodicée.

Lorsque tout conjure à nous contraindre à une vie inférieure, hypnotique, devant des écrans, où l'on ne sait plus guère si la distraction est travail où le travail parfaite distraction de l'essentiel, de la vraie vie sensible et intelligible, le songe d'Annunzien de la “vie supérieure”, qui fait échos à la “vie magnifique” qu'évoquait Ernst Jünger, redevient d'une lancinante actualité. Elle est exactement ce qui nous est ôté, mais dans ce manque, du coeur même de cet exil, brille, - comme l'iota de la lumière incréée au fonds de la pupille, l'appel du monde qui a été, arbitrairement, abstraitement, despotiquement, éloigné de nous, mais que la poésie, l'usage magique du Logos rapproche infiniment : “ sous le ciel prié avec une foi sauvage, sur la terre labourée avec une patience séculaire”. Faire chanter la vie, la faire vibrer, frémir, bourdonner comme les abeilles d'Aristée, la jeter toute entière dans la flamme qu'elle suscite, dans le volcan empédocléen ou sur la plage de Fiume, sous les tirs de ceux dont l'honneur eût été de n'être pas des ennemis; être nietzschéen, mais avec le bon conseil de L'Arétin et de Catulle, et la sagesse natale, et la fidélité aux morts avec lesquels toute âme généreuse poursuit la conversation par-delà l'apparaître et le disparaître, - telle fut la vocation, l'appel de celui que vous allez lire et relire, sa raison d'être à laquelle nous nous rendrons, sans rendre les armes, pour un “paradis à l'ombre des épées”, pour la grande paix du coeur retrouvée des hommes qui agissent et qui rêvent, sachant la fugacité de tout et qui n'obéissent qu'à la seule devise: “Penser comme si nous étions éternels et vivre comme à notre dernier jour”.

L'éternité pour D'Annunzio, comme pour Nietzsche, n'est pas ailleurs que dans l'instant, et la pensée est la juste pesée de cet instant qui oscille doucement, amoureusement, entre le passé et l'avenir. Toute vie est toujours au bord de l'abîme. De le méconnaître ne nous empêche guère d'y tomber mais ternit, avilit les heures infiniment précieuses qui nous en séparent.

D'Annunzio nous parle en ami, et dans la gloire, l'enthousiasme, comme dans l'épreuve et le désarroi, ses phrases résistent à ces forces qui voudraient nous déposséder, et mieux encore, elles sont contre-attaques afin de reprendre l'estuaire d'où reviendront à nous “notre bien et notre beau”, si loin qu'ils paraissent être, en quelque lointaine Atlantide où ils semblent d'être perdus, scintillantes îles englouties et ressurgies à la faveur des mots qui les évoquent, là où nous sommes, dans les ténèbres de la nuit extrême ou dans les blondeurs du soleil du matin, hommes de désir, fragiles et fervents, entre les contrées de l'Aigle et le territoire du Serpent.

Luc-Olivier d'Algange 

 

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D'Annunzio, tra le terre dell'Aquila e il territorio del Serpente

 

Era inevitabile che il poeta che tanto lasciava trasparire nelle sue opere la visione di un paradiso terrestre - l'assoluto non nell'indefinito, ma in una splendente finitudine, incarnata, in un'anima che fa fremere il corpo e innalza lo spirito all'avventura e alla gloria - uscisse finalmente dal purgatorio in cui menti

meschine cercavano di imprigionarlo per sempre.

D'Annunzio è stato magnificamente tutto ciò che il nostro tempo ci prescrive di non essere più. Non c'è una sola delle sue virtù, o dei suoi vizi, che non sia bandita, e soprattutto le sue virtù, che devono essere prese qui nel senso originario, come una volta si parlava della virtù del condottiero.

La sua fama ai suoi tempi era immensa, ma pochi gli rimasero fedeli, tranne Montherlant e quell'altro condottiero, autore del più bel viaggio in Italia, André Suarès, che meglio di chiunque altro riuscì a capirlo, anche nella sua tenuta fiumana.

Del "Comandante" e del "Comediante" si è detto molto, della sua audacia e della sua genialità, della sua italianità, che non è poi così lontana dalla nostra francesità, incarnata da Cyrano de Bergerac, che non fu solo il corrusco personaggio del dramma di Edmond Rostand, ma anche, come talvolta si dimentica, il geniale autore del Voyage aux pays de la Lune et du Soleil, che eleva la prosa francese a uno dei suoi zenit più ardenti.

Sotto questi buoni auspici - che comprendono anche, tra i contemporanei, la magistrale biografia di Maurizio Serra e l'attiva fedeltà, nel cuore del Vittoriale degli Italiani, ultima dimora di d'Annunzio, di Giordano Bruno Guerri, autore di diversi libri dedicati al Vate - d'Annunzio ritorna ed è giunto il momento di ricordare il poeta che soprattutto è stato. I guastafeste, i Lugubri e i puritani hanno sogghignato amaramente, ma è nella loro natura non capire nulla di nulla e tenersi stretti alla linea difensiva della loro mediocrità; gli ideologi ci hanno messo in guardia contro lo spirito libero, ma è loro compito selezionare amministrativamente i buoni dai cattivi soggetti. Queste denigrazioni, tuttavia, trasudano invidia, che è il più stupido dei peccati, perché non c'è gioia in esso, per quanto fugace o colpevole.

Gloria e lusso, con le preoccupazioni però di un uomo perennemente indebitato, ma con un senso di disinvoltura e di brio, la più grande gloria letteraria del suo tempo, una ricchezza di presenze femminili, il tutto gettato nella bilancia del rischio e dell'audacia, - D'Annunzio riprende la famosa frase di Pompeo, citata da Plutarco: "Navigare è necessario, ma non è necessario vivere"- c'era senza dubbio qualcosa in essa che torceva le viscere di coloro che hanno strangolato i loro sogni prima del tempo!
Che una vita del genere sia stata possibile, e amata, dovrebbe tuttavia farci riflettere sui poteri della poesia stessa, poteri magici che vanno molto indietro nel tempo, ai Misteri di Delfi e di Epidauro, a Empedocle e ai primi sogni orfici, e ancora più indietro, alla comunione immemorabile dell'uomo con la terra d'Abruzzo, con il cielo, con il mare. Per D'Annunzio la poesia non è una rappresentazione ma una presenza reale, un'estensione della natura e del mondo, che emana da esso e ne testimonia il segreto, quel fuoco centrale dell'essere che, senza l'intercessione del poeta, rimarrebbe misconosciuto - "una terra senza leggende condannata a morire di freddo", per dirla con Patrice de la Tour du Pin.

D'Annunzio è stato spesso criticato per essere un poeta di sole sensazioni, e preferibilmente di sensazioni forti, ma questo non tiene conto del fatto che la sensazione, quando una poesia se ne impadronisce e la canta, non è solo sensazione, così come la vita non è solo vita, ma un segno, un annuncio: quello del proprio nome: "La vita era bella per quello che vivevo e perché mi aveva creato come l'immagine velata dell'Angelo del mio nome".

Per D'Annunzio la vita è un segno e un intersegno, un'analogia creativa; la voce che lascia in noi è simile a quella da cui è nata, i suoi oggetti più precisi, più familiari, vengono dalla notte dei tempi, come la cicala talismanica amata dai Félibres¹, che per tanti versi erano vicini a D'Annunzio, la cicala "nera ma coperta di una peluria cinerea che brillava come una veste di seta".

Per D'Annunzio, il rifiuto di un'esistenza piatta, sottomessa e utilitaristica non è solo una posa, o addirittura un'etica - che sarebbe già onorevole - ma, più profondamente, una metafisica sperimentale. Chiunque pensi di sacrificare la propria vita in battaglia giudica un'idea superiore alla vita, non come un'astrazione, ma come la sua avanguardia.

Per D'Annunzio la vita non è solo vita, la ragione non è solo ragione, la patria non è solo patria, ma sono tutte impronte di una verità superiore, divina, che è compito del poeta sperimentare e lodare. Non c'è nulla di anemico o di vacillante in questo idealismo, è potenza in azione, non priva di quel superiore pragmatismo che caratterizza l'eroe omerico, - e poi, non è forse tutta la vita un sacrificio, quel "fuoco misto ad aromi” di cui parlava Eraclito? Meglio le fiamme alte e crepitanti di profumi che il fuoco fetido e puzzolente della sicurezza e della comodità. Il dono ricevuto alla nascita è immenso, indicibilmente immenso.

L'intento di D'Annunzio fu, durante tutta la sua vita fervida ed inquieta, di non esserne indegno. La spedizione fiumana succeduta al Notturno ricorda il viaggio degli Argonauti. Prima di questa avventura, che evoca la conquista del Vello d'Oro, il Notturno, nel suo paradosso temporale, è una prefigurazione. Per riconquistare ed elevare la bellezza conquistata al di là della bellezza perduta, bisogna essere stati lasciati, abbandonati sulle rive della notte; bisogna essere stati quasi sconfitti, traditi; la propria legittimità deve essere stata calpestata e negata.

In alcune circostanze, che poi appartengono al Mito, il destino individuale si unisce a quello collettivo. Il ricordo diventa allora presagio. L'onore reso agli eroi del passato nel Notturno preannuncia, attraverso l' "Angelo del nome", coloro che si solleveranno contro la "vittoria mutilata".

Ogni vita pienamente vissuta è mitologica. Per D'Annunzio, i miti non sono i testimoni di un'antica civiltà scomparsa, ma le chiavi per decifrare il proprio destino, proprio come lo erano per un greco contemporaneo di Omero o Empedocle. Lungi, molto lungi dall'essere semplici ornamenti metaforici di un letterato, sono la sostanza viva delle sue azioni e dei suoi pensieri.

È un modo mitologico di vedere il mondo, di farne parte, e un modo raziocinante, borghese, nel senso flaubertiano di "uno che pensa basso". D'Annunzio, che era allo stesso tempo un contadino abruzzese e un esteta alla maniera di Des Esseintes, non avrebbe lasciato che il pensiero calcolatore e pianificatore ordinasse la sua vita; si sarebbe unito agli dei, alle loro leggende e ai loro misteri.
Potremmo vedere questo semplicemente come il fascino di un grande spettacolo, una sfida ai tempi, se l'opera di Jung, per esempio, non ci avesse insegnato che i miti sono la nostra trama segreta, la filigrana della spiaggia bianca su cui scriviamo i nostri giorni e le nostre notti, le radici della nostra coscienza che le astrazioni del mondo moderno vorrebbero recidere.

Tutto ciò che è avventuroso nella vita di D'Annunzio appare quindi come una serie di atti rituali volti a liberare la parte mitologica, orfica, e a dargli quella luminosità, quella verità la cui bellezza brilla, come il sole del mattino sulla superficie dell'acqua.

Il grande pericolo non è quello che pensiamo noi, ma, come diceva Ernst Jünger, quello di "lasciare che la vita ci diventi quotidiana" - non perché le cose più semplici non bastino alla nostra gioia, ma proprio perché nell'astrazione moderna rischiano di diventare irraggiungibili. E così D'Annunzio non si stancava di cantare il fogliame, la pioggia, gli animali, i sapori, le stagioni, le fatiche e le lotte dei suoi simili, "il miele che la bocca strappa alla cera ostinata", la felice diversità delle apparenze e, naturalmente, le donne che abbracciava o solo desiderava.

La sua preoccupazione nasce da una constatazione alla quale non si rassegnerà mai: la gente, soprattutto quella del suo tempo, si sta perdendo una vita magnifica. Tutto viene offerto e nulla viene preso. Per qualche oscuro incantesimo - che pone una sfida alla razionalità - il magnifico dono di Dio viene costantemente rifiutato nelle circostanze più minute e in quelle più grandiose.

Il suo immenso poema Laus Vitae - di un'altezza, di un vigore e di un'ispirazione paragonabili alle Cinq grandes odes di Claudel o agli Amers di Saint-John Perse - è questo controincantesimo, questa operazione teurgica la cui vocazione è, attraverso la lode, liberare la vita dalla sua triste prigionia, innalzarla all'altezza ideale del canto, e rendere così il suo lettore contemporaneo di Virgilio, di Dante e del più grande futuro, quello delle "albe vediche", secondo la citazione che Nietzsche scrisse in esergo alla sua Gaia Scienza.

Questo contro-incantesimo ricorda il “contro-mondo” di Stephan George che, peraltro, tradusse D'Annunzio e lo pubblicò nella sua antologia dei poeti emblematici del suo tempo. Questo contro-incantesimo e questo contro-mondo in questi tempi di standardizzazione globale sono ancora più necessari di quanto lo fossero ai tempi di Stefan George e D'Annunzio. Ciò che temevano questi poeti altezzosi sta accadendo a noi con una forza livellatrice senza precedenti. Da qui l’importanza di seguire i loro consigli e di ignorare i giudizi parziali di chi li considera obsoleti o pericolosi.

Pericolosi, certo, ma per i guardiani, gli uomini senza volto, i Lugubri. Pericolosi, certo, per i discorsi che ci ingiungono la servitù volontaria, per l'umanità che si accontenta di essere "QR coded" o ridotta al ruolo di topi da laboratorio, la cui unica ambizione, in un labirinto assurdo, è trovare la leva che attiva la distribuzione del cibo, il famoso "potere d'acquisto".

Nella notte, D'Annunzio ricorda l'asse, l'arcano di tutti i soli. Questa notte non è una pura e semplice assenza di luce. È popolata da fosfeni, reminiscenze e prefigurazioni. Questo tuffo nel bulbo oculare, in una rete di nervi, in un cervello, in un corpo, è straordinariamente preciso: fa esattamente ciò che ogni scrittore dovrebbe fare: scrivere a partire dall'essere fisico e metafisico.

Questa era la regola d'oro dei più grandi scrittori, Proust, Faulkner, Conrad, Artaud, Jünger e, naturalmente, Nietzsche, che D'Annunzio considerava giustamente non come una guida ("Sono restio a seguire quanto a guidare", dice in Zarathustra) ma come un fratello ferito. Dopo tutti gli studi che da allora sono stati dedicati al Solitario d'Engadina, potremmo considerare D'Annunzio un nietzschiano approssimativo, ma resta il fatto che la sua vita fu senza dubbio quella che Nietzsche avrebbe amato: mediterranea, solare, bellicosa, guidata da una volontà di potenza che non confuse mai con le procrastinazioni e le servitù del potere.

Quando divenne signore di Fiume, lo fece come Vate piuttosto che come dittatore, se non altro per promuovere l'esercizio della libertà da parte di tutti. La Costituzione di Fiume, redatta da Alceste de Ambris, era vicina all'ideale libertario e, in Europa, all'avanguardia di tutte le libertà conquistate sul puritanesimo e sullo spirito borghese.

Nella vita, e in politica in particolare, bisogna scegliere ciò che serviamo, essendo l'individualismo assoluto un'illusione, o almeno un orizzonte irraggiungibile, tranne che in un'opera giovanile di Julius Evola. Le più grandi dispute ideologiche si giocano intorno alla nozione di individuo, con alcuni che sostengono un individualismo astratto e intercambiabile e altri che sostengono varie forme di collettivismo. Ma il genio di D'Annunzio sfugge subito a questa alternativa che somiglia moltissimo ad una trappola.

Fiume è stato, ma nella logica dell'intera opera, - un tentativo di allentare la presa, di aprire una possibilità di essere che non sia esclusivamente soggetta agli interessi dei notabili o di uno Stato ipertrofizzato sotto il solo regno dell'economia e della tecnica. Questa possibilità di essere definisce una nozione di individuo estranea al regno della quantità che ci assoggetta alle statistiche.
Per D'Annunzio, l'individuo è incarnato; è, nello spirito, nell'anima e nel corpo, una cosa insostituibile, indivisa, forgiata o scolpita da quelle influenze che sono la sua lingua, il suo paesaggio preferito, i suoi amori, la sua immaginazione in movimento, la sua fedeltà alle ore più profonde e felici, la sua preghiera più segreta. Ogni individuo si differenzia dall'altro proprio per l'organizzazione variabile delle sue influenze, attraverso le quali è comunque legato agli altri, legato ma non aggregato.

Il genio di D'Annunzio fu dunque quello di inventare un impulso comune fondato sul rifiuto del gregarismo. Le grandi libertà che la Costituzione di Fiume concede ai singoli sono destinate non a un edonismo di massa, ma alla liberazione dei poteri, quelli stessi che giacciono, nei ricordi, nei presentimenti, nelle mitologie vive nelle profondità del Notturno.

Fiume, certo, è stata schiacciata dalla forza meccanica delle persone serie, ma la sua esemplarità resta. Gli uomini hanno altri destini possibili oltre a essere insetti, ingranaggi di un meccanismo sociale. Tutto ciò che vibra e canta, l'irriducibile singolarità di ogni persona dove concordano la molteplicità delle sue influenze, resta di fronte a noi stessi e di fronte al nulla, tragico e gioioso insieme. Tragico proprio perché insostituibile, e gioioso perché la sua fiamma insostituibile illumina le nostre diversità, i nostri amici e il nostro comune fervore. Contro la società anonima, D'Annunzio ci dà quella del "nome che annuncia" Contro il pensiero calcolatore, quello del Dono, - "Io ho quel che ho donato". Contro la servitù volontaria, un orizzonte omerico e virgiliano: la poesia prima di tutto.

Ricordiamo la bibliografia di Cocteau, che divideva le sue opere in poesia romanzesca, poesia teatrale, poesia saggistica, ecc. Il metodo sarebbe stato altrettanto pertinente per D'Annunzio, se non fosse che sarebbe stato necessario aggiungere la poesia d'azione. Il Notturno è una meditazione sull'azione, basata certo sul ricordo ma anche, come abbiamo visto, sulla prefigurazione, sull'annuncio. "La poesia non darà più il ritmo all'azione, ma le starà davanti", scriveva Rimbaud. La poesia precede l'azione, l'azione non è più ciò che si canta dopo, ma il canto di cui l'azione sarà la punta di diamante, - e questa stessa azione varrà solo per l'intensità della poesia che risveglia, per sempre, come una fiamma che nulla, nemmeno la sconfitta storica, potrà spegnere.

Sulla carta su cui D'Annunzio scrisse le sue lodi, le sue gioie, la sua malinconia, il suo coraggio, appariva questa filigrana: "Per non dormire", non dormire, anche e soprattutto nella notte fosforescente, anche e soprattutto nel cuore del Sogno. Come spiegare che colui che passava per un poeta decadente, un Des Esseintes preso dalla vertigine delle sinestesie, sapesse conquistare con tanta felicità il cuore degli Arditi - che non erano particolarmente delicati studiosi di camere da letto o di salotti? Questo perché ha fornito la prova (secondo la formula di Cocteau “la prova del nove delle nove Muse”) che la poesia, come Hamann sapeva, è effettivamente il linguaggio originario dell'umanità.

Di questo richiamo, nonostante l'apparente fallimento di Fiume, resta il ringiovanimento dell'anima, la sua inalterata possibilità. Questa grana, del colore del cinabro che, a contatto con il piombo, trasmuta, attraverso un effetto della luce solare interna, la materia opaca. Il segreto del sole è nella notte, e il segreto della notte è nel sole nero alchemico.

Nessuno meglio dell'opera di D'Annunzio mostra che il ricorso al passato, alla memoria più lontana, è al principio dello slancio, della forza di andare, di conquistare. La nostalgia è una cosa poco compresa. Si crede sia una perdita di potere, è la sua risorsa, il suo viatico. Si presume che il nostalgico si abbandoni a immagini del passato, mentre in realtà le sta inventando. Come quei filosofi, pittori e scultori del Rinascimento che si rivolsero al mondo antico per fondare meglio il loro pensiero e la loro arte e dar loro audacia inaspettata, D'Annunzio lavora con questo doppio sguardo, questo virtuosismo bifronte.

Per fare della sua lingua la prua della nave che si muove verso il futuro, D'Annunzio sa che deve tornare alla verità del Logos, alla sua verità eliaca, imperiale, virgiliana - la verità che ci dirà che vola, che va oltre il Grande Capo, "oltre ogni miseria, oltre questa vita, oltre noi stessi".

Et remotissima prope. Attraverso il Logos, le cose più lontane diventeranno le più vicine a noi. Nel sole nero del Notturno, D'Annunzio riscopre, ci racconta, la saggezza degli indiani, degli egizi, dei caldei, dei persiani, degli etruschi, dei greci, e l'occhio stesso di Mosè, che credeva di leggere l'origine del mondo nei segni dell'universo - ma tutto questo in un corpo, tutto questo nel suo occhio cieco, nel fiume nero della sua sofferenza fisica, prima che si si aprisse sulla sua vita ultraterrena: la visione delle Alpi trasfigurate, una notte d’una stella morta che viene dal profondo della memoria millenaria", ci dirà, "da chissà quale dio estatico".

Il passato è infatti questa presenza che sarà coronata dai favori della poesia che risveglia ciò che chiama: "L'odore dei libri fu a poco a poco sopraffatto dall'odore dei fiori" scrive D'Annunzio ne Il trionfo della morte: "Le cose suggerivano al sopravvissuto una schiera di ricordi. Da queste cose si levava il coro leggero e mormorante che lo avvolgeva. Le emanazioni del passato salivano da ogni parte. Era come se le cose emettessero gli effluvi di una sostanza spirituale che le aveva impregnate (...) Mi sto esaltando?" si chiedeva alla vista delle immagini che si susseguivano nella sua mente con prodigiosa rapidità, chiare come visioni, non offuscate da un'ombra funerea, ma vive di una vita superiore.

Niente passa, tutto ritorna. Ogni ora, ovunque sia, è intatta, pura del proprio fuoco, in una dimensione passata, ma sempre presente, così come il solco di un disco, anche quando l’ago di zaffiro lo ha attraversato, rimane con la sua musica incisa; allo stesso modo ci interpella la rivolta annunciatrice di D'Annunzio, come tutta la bellezza che, nel suo vivace corso, è passata nella nostra vita, come tutti i paesaggi che ci hanno accolto, città emblematiche, pietre che custodiscono la memoria delle piogge e dei soli, rifugi di foglie, giardini dal mare. Ciò che ci separa da loro è un'illusione, una finzione sinistra inventata da menti cupe che si sono impadronite della realtà per farne una realtà dissacrata, ridotta ad astrazione e statistica, - in altre parole, alla restrizione. A questa "scienza della scarsità", D'Annunzio, come Jünger, opporrà la "scienza dell'abbondanza", la sapienza immemorabile, la teodicea.

Quando tutto cospira per costringerci a una vita inferiore, ipnotica, davanti agli schermi, dove non sappiamo quasi più se la distrazione è lavoro o se il lavoro è una perfetta distrazione dall'essenziale, dalla vera vita sensibile e intelligibile, il sogno dannunziano della vita superiore, che riecheggia la vita magnifica evocata da Ernst Jünger, torna ad essere di struggente attualità. È proprio ciò che ci viene tolto, ma in questa mancanza, nel cuore stesso di questo esilio, risplende - come un briciolo di luce increata in fondo alla pupilla - l'appello del mondo che è stato arbitrariamente, astrattamente, dispoticamente allontanato da noi, ma che la poesia, l'uso magico del Logos, avvicina infinitamente: "sotto il cielo pregato con fede selvaggia, sulla terra arata con pazienza secolare".

Far cantare la vita, farla vibrare, fremere, ronzare come le api di Aristeo, gettarla tutta nella fiamma che suscita, nel vulcano empedocleo o sulla spiaggia di Fiume, sotto il fuoco di coloro il cui onore sarebbe stato quello di non essere nemici; essere nicciano, ma con i buoni consigli dell'Aretino e di Catullo, e la saggezza innata, e la fedeltà ai morti con cui ogni anima generosa persegue il dialogo oltre l'apparire e lo scomparire, - tale era la vocazione, il richiamo di colui che noi leggeremo e rileggeremo, la sua ragione d'essere alla quale ci arrenderemo, senza rinunciare alle armi, per un “paradiso all'ombra delle spade”, per la grande pace del cuore ritrovata dagli uomini che agiscono e sognano, conoscendo la caducità di ogni cosa e che obbediscono soltanto al motto: “Pensa come se fossimo eterni e vivi come nel nostro ultimo giorno”.

Per D'Annunzio, come per Nietzsche, l'eternità si trova solo nell'attimo, e il pensiero è la giusta pesatura di questo attimo che oscilla dolcemente, amorevolmente, tra il passato e il futuro. Tutta la vita è sempre sull'orlo dell'abisso. Ignorarlo difficilmente ci impedisce di caderci dentro, ma offusca e degrada le ore infinitamente preziose che ci separano da esso.

D'Annunzio ci parla da amico, e nella gloria e nell'entusiasmo, come nella prova e nello sgomento, le sue frasi resistono a quelle forze che vorrebbero spodestarci, e meglio ancora, sono contrattacchi per reclamare l'estuario da cui torneremo a noi stessi, per dirla con Rimbaud, "il nostro bene e il nostro bello", per quanto lontane appaiano, in qualche remota Atlantide dove sembrano perdute, scintillanti isole sommerse e restituite sopra l’orizzonte grazie alle parole che le evocano, dove noi siamo, nel buio della notte estrema o nel biondo del sole mattutino, uomini del desiderio, fragili e ferventi, tra le terre dell'Aquila e il territorio del Serpente.

 

Luc-Olivier d'Algange

(traduction d'Aldo Righetti )

 

 

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