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13/11/2025

Une porte sur le Jardin, in memoriam Victor Nguyen:

 

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Une porte sur le jardin

 

« C’est alors qu’apparut la consolation divine des vers »

Charle Maurras

 

In memoriam Victor Nguyen

 

Pourquoi relire La Musique intérieure de Charles Maurras ? Sans doute, déjà, pour contredire tous les sophismes et fausses raisons qui voudraient nous en dissuader, - et qui suffisent à prouver que ces pages, rédigées il y a un siècle, demeurent d'une actualité permanente, - comme le sont les bons souvenirs et les serments de l'enfance. Ce « Grand Temps » de l'enfance, même s'il se situe en amont, - dans une relation encore intime avec les dons et les vertus impérissables, « image mobile de l'éternité » selon la formule de Platon, - ne sera pas étranger à l'Histoire qui viendra. Il y a en toute vie humaine pleinement vécue, une succession d'âges semblables à ceux qui ordonnent notre civilisation. A l'enfance chevaleresque, libre et médiévale, succédera la Renaissance, autrement dit l'adolescence aventureuse et philologique ; puis l'âge adulte, classique, qui prendra la juste mesure de l'inné et de l'acquis, - et enfin l'âge moderne, cette décrépitude où tout semble vouloir se défaire dans une lamentable cacocratie, telle que nous la voyons aujourd'hui, ostensible, arrogante et ridicule. Quelle admirable et nécessaire leçon alors que ce recours aux premiers dons ! Mieux encore est d'apprendre, par le poète intercesseur, que recevoir ne suffit point, et qu'il faut encore consentir et célébrer. La littérature, avant qu'elle ne devînt, par décret de la mode, un dévergondage victimaire, fut souvent une célébration des temps héroïques ou heureux. La Musique intérieure nous en fait souvenir : « Quand on demande ce que c’est que le bonheur — action ? passion ? ou l’un et l’autre ? —, il faut bien répondre que l’homme est un complexe animal. Tour à tour, il accueille avec de semblables transports le sentiment aigu de la nature des choses, la vue sereine des essences, pourvu qu’elles soient belles et dignes de désir, enfin l’essai hardi d’une puissance qui soumette l’idée du monde et de la vie à son idée propre, qui la lie à son cœur et à sa pensée pour la transfigurer tôt ou tard dans sa flamme… De tous ces biens, quand il y pense, l’homme voudrait ne faire qu’un. Les amoureux s’y essayent de temps à autre. Le poète y songe toujours. »

 

Etre moderne, c'est naître d'avance déshérité, non seulement par l'inconséquence de la génération précédente, et la main crochue de l'Etat subordonné à l'Economie, mais aussi, et surtout, dans nos souvenirs. Aux comptines se sont substitués les « tubes » radiophoniques, aux saveurs et paysages, les écrans ; rien de tout cela n'est assez fécond pour faire pousser un bel arbre et faire bruire les feuillages de la mémoire. Nous sommes livrés aux surfaces, à la platitude et ce que nous croyons être nous-mêmes, individus déracinés, n'est qu'un écho de la confusion des temps. Ce qui nous manque, et nous précipite dans l'affairisme le plus vain, est l'espace intérieur où toute chose chante et toute présence enchante. Nous, Modernes voulus modernes, croyons vivre hic et nunc, dans le mépris du « vieux monde » alors que nous vivons précisément dans un monde où il n'y a plus d'Ici ni de Maintenant. La présence réelle fait défaut. D'où l'importance du rappel : « Poésie est Théologie, affirme Boccace dans son commentaire de la Divine Comédie. Ontologie serait peut-être le vrai nom, car la Poésie porte surtout vers les racines de la connaissance de l’Être. Le savent bien tous ceux qui, sans boire la coupe, en ont reconnu le parfum ! »

 

Tout recommencera donc par les évidences les plus plus vastes et les plus fines. Un devoir nous incombe, qui est une joie : nous offrir à la recouvrance de ce que nous savions déjà mais dont l'accès nous était interdit par quelque noire magie, - ce que Villiers de L'Isle-Adam, nommait « l'hypnotisme du Progrès ». Mais en ces pages, soudain, une porte s'ouvre sur un jardin. Tout platonicien, de science ou d'intuition, sait qu'un jardin, une forêt, une mer, sont la réverbération, ou le reflet, du Jardin, de la Forêt ou de la Mer immémoriaux. L'enfance dispose de cette chance magnifique de faire une cosmogonie, voire une théodicée, de tout ce qui l'émerveille : « Aussi loin que j’y peux descendre, seul désormais, sans le secours des mémoires qui sont éteintes, je vois de longs jours filés d’or que l’hiver même éclaire d’un soleil luysant, cler et beau  que nul printemps ne me ramène. Des saveurs, des parfums, des contacts de toutes les choses se dégage l’esprit de la surabondance accordé au jeune désir. L’événement et le souhait, la réalité et le rêve se tiennent et se suivent par des liens délicats qui ne rompent jamais ; tout a son sens, son lustre. Ah ! comme dit le Grec optimiste, il était bon et doux de voir la lumière ! » 

 

Il n'est sans doute rien de plus universel que l'enracinement, rien qui ne révèle mieux, selon la formule de Maurras, « l 'humanité essentielle » dont la civilisation française lui semble une preuve particulièrement heureuse. Pour le comprendre, il ne faut se vouloir juge, évaluateur ou comptable des vices et des vertus. Il ne faut pas mesurer les civilisations entre elles, comme si nous étions au-dessus d'elles dans quelque module spatial ; il faut entendre, de la nôtre, de là où nous sommes réellement, dans cet espace géo-poétique, et surtout dans cette langue, la musique intérieure, le secret du poème, divine consolation : « Sur ces confins légers des nuits et des matins où tout semble renaître, était-il déplacé de désirer plutôt des vers qui fussent, eux aussi, en voie de naître et de grandir, des vers à prendre et à reprendre, à user, à rouler, semblables aux galets qu’arrondissent les mers chantantes ?.

 

Charles Maurras, certes, a beaucoup parlé de la raison, mais ce ne fut guère la raison ratiocinante, la raison redondante, qui tombe comme une chape de plomb sur le secret conseil des Muses. La raison, fut, dans ce qu'il nous légua de plus libre, de moins subordonné à l'actualité confuse de son temps, d'abord une raison d'être, - expression française au suprême et presque intraduisible. Quant-à-la « raison » prônée par les Révolutionnaires, qui en voulurent faire une « déesse » alors qu'ils n'en firent qu'une idole, la raison des « rationalistes », nous avons vu qu'elle tranchait au lieu d'unir – et jusqu'à la tête de Lavoisier qui tomba au prétexte, la citation vaut son pesant de fanatisme, que « La République n'a pas besoin de savants » . L'actuelle collusion des néo-robespierristes avec le fanatisme exotique le plus obtus du monde le confirme, nihil novi sub sole.

 

Ne plus entendre la musique intérieure, soit qu'elle fût recouverte par le vacarme de l'époque, soit qu'elle fût niée, par fallacieuse repentance, dans le secret des cœurs, ne sera pas sans conséquences. Cette mélodie intime qui suit son cours, comme le Lignon de l'Astrée, entre ce que nous pensons et les phrases servantes qui viendront, comme elles peuvent, prouver notre fidélité, tient en elle la plus grande part de notre avenir, ou, du moins de l'espérance de notre avenir, - de sa possibilité. Nous reviendrons ainsi à La Musique intérieure par la conscience d'un enjeu qui dépasse largement la politique de celui qui devait proclamer «la politique d'abord » - les conséquences du désastre, les causes politiques, en effet, dépassant désormais l'aire où elles se manifestaient alors.

 

Perdre la musique intérieure, ce n'est plus seulement perdre la possibilité de la politique, rendre son retour impossible dans un monde impolitique gouverné par l'économie et la technique , c'est effacer sa raison d'être et même la raison d'être en soi qui nous fait être là et non ailleurs, bien vivants, avec selon la formule de Giono, « le chant du monde « . L'immensité du désastre requiert la riposte la plus intime, tel un iota de lumière incréée, étincelle dans la pupille, susceptible de toute recréer en regardant de nouveau le monde avec attention. C'est de ne plus rien voir ni entendre du monde, de rester là, derrière nos écrans, que nous sommes tués et que l'Ennemi remporte sa sinistre victoire.

 

Pour retrouver la musique intérieure, la rejoindre, y trouver l'accalmie de l'âme, qui est la promesse la force, sans doute faut-il faire silence, se taire, retrouver l'attente. Ne point se hâter ne signifie pas reporter ad infinitum, procrastiner, mais se rassembler, en soi-même d'abord, pour un nouvel assaut. Les forces déliées par le calme sont les moins incertaines, elles ont saveur et sapience d'enfance, pureté du feu, mots qui, par leurs étymologies, révèlent leurs actes, l'arbre et ses fruits ; et c'est bien la racine que la musique intérieure célèbre, « source sacrée » : « La joie est l’état qui déborde. Elle extravase, elle transmigre. Large ou bornée, brève ou durable, elle ne tient jamais dans son enceinte pure ; elle rayonne à proportion des puissances de son foyer. L’être y jaillit de soi, pour être mieux lui-même : ce n’est pas autrement que, retenu et précipité, emporté et fixé, il accède à sa plénitude. Allumée au bûcher natal, nourrie du feu qui l’engendra, Psyché prétend sans honte à la couche des dieux parce qu’elle peut dire à ses père et mère s’ils s’en étonnent : — Fîtes-vous autre chose que de m’élancer d’où vous retombiez ? »

 

Par le Mystère d'Ulysse, ensuite, nous saurons que rien n'est dit, que le règne des Prétendants n'a qu'un temps, et que nous reviendrons, de si loin, avec l'expérience, la traversée du danger, entre les dieux favorables et hostiles, par devers les fascinations funestes et les déroutes ; nous reviendrons, purement et simplement, dans notre pays d'enfance, peut-être méconnaissables (sauf d'Argos) dans un pays lui-même méconnaissable, mais dans une résolution renforcée par les épreuves et les errances. C'est dans l'enfance, dans la musique intérieure de l'enfance que nous aurons trouvé le courage de contrebattre le monde qui n'existe – dans toutes ses propositions, diatribes,- que pour répandre la peur. Nous retournerons d'où nous venons, naturellement et surnaturellement, nous reviendrons vers la source sacrée de notre mémoire, vers cette « simple dignité des êtres et des choses » tant cruellement oubliée ; nous y reviendrons après le terrible et ravissant périple, le cœur de bronze et les sens affinés. Le monde est une épreuve, et nos défaites, à nos victoire confondues, formeront quelque invisible couronne, ombre changeante sur nos fronts au bord d'une rivière française, dans le silence de toutes les musiques tues ou espérées : « Ferai-je le dénombrement de ces héros, que je voudrais suivre aux Enfers ? Rapporterais-je leurs discours, leurs chants et leurs plaintes ? Pas mal de strophes en existent, trop peu au point pour être écrites. Si vive que soit la passion de toucher au but dès que le désir se ranime, nulle hâte ne m’éperonne, il semble que nos morts sacrés, les seuls à qui je sois redevable de la pieuse offrande intermittente, surtout nos orateurs, nos philosophes, nos poètes, veuillent me tenir compte du long et fidèle essor de ma volonté : ils me laissent conduire le poème à loisir. Il pourrira sur pied ou bien, « comme mûrit le fruit » parviendra au terme tout seul. Mieux vaudrait le quitter inachevé, comme ce triste monde, que de le finir autrement qu’il ne se voit et qu’il ne se veut ».

 

Luc-Olivier d'Algange

 

Victor Nguyen, à l'honneur, et pour l'honneur de l'esprit, dans ce livre, Victor Nguyen sur le chemin de Paradis, qui vient de paraître aux éditions Alcor, au ressouvenir, du côté d'Antinéa, et de la France latine.

Présentation de l'éditeur

"ALCOR ou la passion d’un éditeur Marseillais.

Petite étoile nichée dans la constellation de la Grande Ourse, nous l’avons adoptée pour donner son nom à notre maison d’édition.

Son nom, d’origine arabe signifie le Cavalier.

Elle servait jadis de test d’acuité visuelle pour les archers de Genghis Khan et de Charles Quint.

Alcor est aussi la clé du mystère du trésor des rois de France de Maurice Leblanc dans le roman « La comtesse de Cagliostro »

Le contenu de notre catalogue s’inscrit d’une manière large dans une perspective que nous appellerons traditionnelle : Esotérisme Chrétien, Alchimie, Tradition, Métiers, Histoire et Poésie…

Nous proposons soit des rééditions de précieux ouvrages anciens mais également des publications d’auteurs contemporains, avec comme souci permanent la recherche de la qualité des textes et de l’édition."

 

Quatrième de couverture:

Plus de quarante ans après la publication de l’ouvrage Aux origines de l’Action française, intelligence et politique à l’aube du XXe siècle, salué comme un chef d’œuvre par une critique quasi unanime, il peut paraître singulier de revenir sur ce qui l’a précédé, et tenter de suivre le regard porté par Victor sur la société française de son temps dans son ensemble. Le livre est unique et posthume alors que l’auteur avait publié des dizaines d’articles sur Maistre, Mistral, Vico, Dimier cofondateur de l’Action Française, Barrès, Péladan ou Guénon notamment. Toutes aussi singulières sont les circonstances de sa parution, il s’agit d’une thèse de Doctorat d’Etat refusée parce que hors délai. Pierre Chaunu a donné dans sa préface le récit qui a coûté la vie à l’auteur, son témoignage vient en tête du présent travail. Dès 1970 Victor avait créé dans le cadre de l’Université de Nanterre la revue Anthinéa en compagnie d’Elisabeth de Pusy La Fayette, Pierre Guiral, son directeur de thèse et Pierre Chaunu qui y avaient collaboré.

Il était également le fondateur des colloques Maurras dans le cadre du Centre Maurras qu’il anima de 1968 à 1976 avec Georges Souville. Politica Hermética avec Jean-Pierre Brach et Jean-Pierre Laurant enfin clôt le voyage en 1987, une naissance posthume également.

 

 

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