Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

07/02/2013

Journal désinvolte de Luc-Olivier d'Algange, 07/02/2013

Pour vivre simplement la beauté d'une heure, pour déjouer la propagande nihiliste, il faut une intelligence extraordinairement affutée. Pour déjouer la peur: le sens des nuances et des gradations. Quitte à passer pour un esthète, un joueur, un dandy, un superficiel... Le pire histrion est celui qui se présente lui-même comme un être "authentique", naturel, "simple et sincère". Ces gens là sont sur tous les écrans, à nous enduire de leurs vaniteuses bonnes intentions, dans leurs bavardages filmés, entre la maquilleuse et la passage à la caisse. Ecologistes pacifistes, "mutins de Panurge" selon la formule de Philippe Muray. Si l'on coupe le son on entend quand même leurs phrases, toujours les mêmes. Si l'on ose les contredire par l'usage courtois de la raison, aussitôt la riposte: le chantage à l'émotion.

*

Les Modernes peuvent se complaire dans une culture "trash" ou "porno-chic", ils restent d'effroyables moralisateurs, puritains, vindicatifs, inquisitoriaux, persuadés d'incarner le Bien contre les méchants élitistes raisonneurs, héritiers de la culture européenne antique ou médiévale. Mentalités crispées, sur la défensive contre ce qui pourrait les délier, leur rendre la juste mesure et, "la simple dignité des êtres et des choses".

*

Chez les libres-penseurs associés, qui s'en font une idéologie, la raison devient une superstition servie par une cléricature hargneuse et jalouse. La pensée libre est une pensée solitaire. Mais un homme seul peut être l'héritier excellent d'une tradition, la porter à travers le temps, en fines pointes. La vérité vibrante et musicienne, l'étincelante beauté, la bonté qui bruit et obombre, comme un feuillage sur le front, incombe à chacun.

*

L'esprit prophétique dit la présence du souffle qui anime la phrase au moment où nous l'écrivons. En ce sens, il abolit le temps en une résolution qui justifie le "tout est écrit". Encore faut-il l'écrire; et notre libre-arbitre, qui se forme à notre dessein, demeure souverain, comme le sera, comme l'est déjà, au-delà du temps, la phrase que nous écrivons. Le libre-arbitre et le "tout est écrit" n'entrent en contradiction que dans une conception linéaire et usuraire du temps, parfaitement étrangère tant à la pensée traditionnelle qu'aux dernières avancées de la Physique. Cette conception linéaire n'est plus accréditée que par les banques et le "Gros Animal" qui voudraient nous voir travailler pour notre plan de retraite: illusion largement entamée.

*

Ayant fondé toute morale sur l'utilitarisme, et celui-ci s'effondrant dans son propre triomphe, nos contemporains seront sauvés par la persistance d'anciennes grammaires, ou bien deviendront fous, hébétés ou fanatiques. La langue française fut longtemps cet ultime recours d'un ordre léger contre la pesanteur confuse, une façon de se détacher, d'échapper à la glu. Que peut une langue pour un esprit ?

17:36 | Lien permanent | Commentaires (0) | |  Facebook

Les commentaires sont fermés.