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07/03/2013

Un article de Christopher Gérard

Propos réfractaires

de Luc-Olivier d'Algange.

Lecteur ébloui de Balzac dès l'âge de dix ans, Luc-Olivier d'Algange a retenu de ses multiples éveilleurs, parmi lesquels Raymond Abellio et Henry Montaigu, comme d'immenses lectures, de Platon à Nietzsche, qu'il faut "sauvegarder en soi, contre les ricaneurs, le sens de la tragédie et de la joie".

Dans son dernier opus, Propos réfractaires, un recueil de reflexions bien incorrectes, il exhorte ses lecteurs à résister à la mise-au-pas opérée par le Gros Animal, celui dont la technique d'asservissement consiste à "effrayer, épuiser, distraire". Adepte d'une pensée anagogique et initiatique, en un mot aristocratique, Luc-Olivier d'Algange entend préserver sa commanderie la plume à la main et continuer à célébrer l'ensorcelante beauté du monde, malgré la laideur qui s'étend - et il faut le louer de préciser: une laideur à quoi le monde ne se réduit jamais. Ce contre-moderne qui ne se complaît donc pas dans la déploration morose a le sens latin de la formule: "Un homme qui garde un secret est un vivant rempart contre l'infamie", ou encore celle-ci dans laquelle je ne puis que me reconnaître, surtout en ces temps de chasse à courre: " Nos meilleurs écrivains ont du cerf, du renard ou de sanglier - et comme ce dernier, ils vont seuls".

Propos réfractaires est donc un manifeste, celui des écrivains "hostiles aux voies ferrées", ceux qui se verraient plutôt du côté de Peter O'Toole, à faire dérailler les trains de l'armée ottomane ! Ce recueil sera lu comme une exhortation à maintenir, contre toute forme d'hébétude et d'anesthésie, les yeux ouverts sur le monde et à honorer tout ce que notre société, celle des Modernes, offense et bafoue. Dandysme vain ? Pose pseudo-aristocratique ? Nenni: l'homme d'Algange est un passionné, un rebelle à la massification comme aux formes nouvelles d'obscurantisme, un fidèle d'Aphrodite aux mille parfums. Un platonicien de l'ancienne France royale et chevaleresque comme jamais ceux de Perse ou de Cambridge. Un gnostique au sens hellénique qui appelle à la reconqête de notre souverainté intérieure, mais qui sait que " le Diable rit chaque fois qu'il parvient à opposer un corps et un esprit, et exulte chaque fois qu'il parvient à anéantir un esprit par le corps". Un impertinent qui soutient que le premier droit de l'homme est le droit au silence, un écrivain qui sait que "tracer des mots avec de l'encre du du papier est un acte prodigieux".

Luc-Olivier d'Algange ou le fol en Dionysos.  

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Extraits de Propos réfractaires, éditions Arma Artis

Il y a deux sortes d'écrivains: ceux qui se souviennent de l'éclat sacré du signe, du hiéroglyphe, de la rune, et qui savent qu'ils se livrent à un cérémonial magique dont l'écriture proprement dite  n'est qu'un moment, - et les autres, qui écrivent n'importe quoi, n'importe comment. Ceux qui savent que tracer un mot avec de l'encre sur du papier est un acte prodigieux, et ceux qui l'ignorent.

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Ecrire en poète, c'est combattre l'indéfini avec les armes de l'infini.

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Ce que l'on nomme l'invisible est, en réalité, visible à certains moment et aux pointes extrêmes.

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La société nous fait entrer dans la case d'un formulaire administratif, la civilisation nous en fait sortir en nous reliant à la diversité des influences. La société nous fait vivre dans un hic et nunc abstrait et carcéral, la civilisation dans une présence qui est un armorial, un vitrail. La société nous identifie; la civilisation nous éveille à  nos filiations spirituelles et nos appartenances métaphysiques. La société nous établit dans une singularité où nous sommes interchangeables, la civilisation nous différencie, nous distingue, nous hiérarchise dans le secret du temps et donne à la réalité transitoire les éclats de la légende.

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Il ne suffit pas de témoigner des principes, il faut encore combattre la tyrannie des écorces mortes. La négation de la négation est nécessaire aux temps où nous sommes. S'en dispenser serait se livrer, pieds et poings liés, à la parodie. Là où nous sommes, nous ne pouvons aller directement à la vérité et à l'unité. Ce fut l'illusion funuste des utopies. D'où, dans toutes les traditions, ces constants appels à l'humilité. Humus, la terre, empreinte visible d'un sceau invisible.

 

www.arma-artis.com

 

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