27/08/2024
Chant de l'étoile polaire, poème
Luc-Olivier d’Algange
Chant de l’Etoile polaire
Maudites, les apparences ?
Il fallait un jour en finir avec ce mensonge dont les conciles d'azur et d'or
assistaient au péril de nos royaumes...
Jadis, il m'en souvient, toute chose était dite en cet honneur.
La Gloire, et les certitudes philologiques,
l'empire et la tristesse des conquérants salutaires...
Toute chose, oui, s'il m'en souvient, était ainsi dévouée à cette rive sablonneuse,
toute chose en vain
tout en bas de l'escalier de la nuit et des millénaires,
toute chose évanouie dans l'illusion de l'heure
dans cette flamme inextinguible
sous le regard le plus clair, le coursier le plus blanc,
telle cette Ode Olympique dont l'aube
encore peuplée d'astres mystérieusement
nous ôtait le sommeil.
Et nous demeurions ainsi les yeux ouverts,
nous demeurions
immobiles,
comme la descendante de l'ultime prodige
sur les degrés du temple taurique
- doucement elle feignit de s'endormir...
Or, tout cela revint
à ma mémoire comme une libation de la vive nature.
Tout cela m'enjoignait à comprendre la joie et la douleur
l'épreuve des enfers et la pieuse tristesse
d'un jour pluvieux,
l'automne...
Car il était dit
que nous devions douter de notre victoire,
douter du Chœur
et de cette saveur subtile de l'âme,
alors même que la beauté
en sa chantante terrestreïté,
devisait avec la Mer et nos tempes !
Et nous rêvions alors
d'un envol prodigieux, d'une race du libre ciel et de l'essor, car l'Ether,
l'Ether toujours
nous fut,
entre toutes,
l'éblouissante promesse...
Quelle légèreté alors nous saisissait dans le miroir
argenté des feuilles d'olivier,
et de quel promontoire auguste
nous entendions la voile frémir
et se défaire l'emprise des tristes générations !
Ainsi, la belle philosophie des hauteurs
s'offrit à nous comme une jeune fille.
Comme une nuit
portée dans le sein du jour le plus vaste,
notre âme
s'éveillait à l'entendement divin,- car longtemps silencieuse
elle fut,
comme des forêts, des steppes
dans le déclin crépusculaire d'invisibles civilisations...
Longtemps elle ne fut qu'une ombre dans l'Hadès, une
incertaine traversée
de l'Ombre dans une Ombre... Longtemps elle ne fut
qu'un murmure indistinct sur l'ardoise où agonise l'été.
Mais voici
qu'à travers l'immanence de la joie
l'immanence du Signe qui fulgure comme un diamant
sur l'eau ensoleillée
comme un feu clair dans le Jour
le plus vaste,
voici qu'advient la puissance nouvelle
issue d'une avant-région encore sans nom,
issue d'un nous-même dont nous ignorions
l'existence et le sens,
voici
comme une brûlure, une folie, une parfaite constellation,
la synthèse parfaite.
Toute chose ne débute-t-elle point, strophe céleste,
dans le prodige d'un voyage
dans les Jardins de la Mer
dont les roses tardives
sont les plus douces légendes
de l'Hellade rêvée ?
Que l'illusion soit
dans cette profondeur détruite !
Et qu'elle soit le recommencement.
Tant d'errances dans les villes et les siècles en seront rédimées,
tant d'espérances exaucées,
et le thème de l'ultime citation,
en majesté concise
dédiée à la patience du malheur
dont le sens désormais nous sera vain !
Notre grâce était si légère dans notre combat contre Chronos
que le ciel soudain
fut envahi
d'un turquoise d'une musique si belle
que des larmes coulaient sur tes joues
et les temps passés refleurissaient et se mariaient
à ces ombres si délicates que le ciel nous dispensait
comme si
dans le décret de cette heure fière
tout devait nous être donné
et au-delà,
car telle était la récompense de notre fuite amoureuse...
Plaignons un instant ceux qui sont resté en arrière et oublions,
sous l'arc immense du dernier jour du monde
tous les déchirements seront des retrouvailles
et songes, fumées, seront toutes les misères humaines.
C'est pourquoi, en cet instant qui nous emporte
en ce vaisseau
qui nous éloigne
de ce que nous étions
en cette seconde salvatrice,
cet élan vers l'Ether où nulle ombre défunte ne sourit,
j'ai osé refuser ,- et volent les fragments célestes dans l'urgence du Chant !
Et gloire à Eros qui donna le diapason à ces mélodies !
Mon histoire est l'histoire du monde,
ma mémoire est au-delà de moi.
J'ai souvenance
de plus vastes empires dans l'aube inconnue
et le destin des couleurs s'unissait à mon chagrin
de voir disparaître
la patiente et lente science
des nuages empourprés dont les métamorphoses
en dehors de moi-même
semblaient en vérité n'être plus
que l'inexplicable adoration de l'émoi le plus secret,
de l'émoi
le plus intime
et dont jamais, jamais je n'eusse deviné, ni espéré qu'un jour
il fût
ainsi offert à la théâtralité et l'évidence infinie du Ciel,
véritable patrie...
Oui, je bénissais cette heure, ce firmament, ce chant
et la plus profonde pensée
qui jamais ne s'achève et chante en moi sans cesse
le regain de la puissance
de l'invisible et sainte puissance des mots
dont j'ignorais alors
qu'ils viendraient une aube au devant de la plénitude...
Car en ces temps-là
j'ignorais l'unisson et la différence,
j'ignorais l'histoire et même les voiles blanches des rituels,- ceux là mêmes
que nous allions inventer
en notre occidentale conjuration de l'Etoile Polaire,
notre société secrète des pensées et des transparences...
En ces temps-là, oui, j'ignorais tout, car les dieux
ne m'avaient pas encore gratifié de splendeur.
Tout n'était que pressentiment...
Que personne
jugeant cette douleur de l'être où je subsistais
n'en vienne à dire le naufrage et la mélancolie
car elles sont encore des récompenses destinées
aux grandes audaces consacrées du lointain.
Que nul
ne vienne s'approprier cette déréliction
qui fut la mienne
et ce combat absurde où périssent les plus beaux dialogues !
Le Ciel s'abreuve à l'incertitude qui me hante.
Le Ciel connaît le sens de ces batailles et de ces bannières
dont je parlais jadis en d'autres poèmes orageux.
Ce que j'aime est d'une plus imprévisible douceur.
Tout ce que j'aime est dans cette fidélité à l'Instant
source créée et incréée
des millénaires qui dorment dans mes phrases
et que ton souffle éveille dans la consolante aube sororale,
Ides perdues et retrouvées.
Ma mémoire est un ciel d'été.
Elle est dans le bleu et la chair ensoleillée de l'amante
cette éternité conquise
à jamais,
dans la délicatesse des ombres et des baisers
dans la clarté de vitrail
de la seconde magicienne.
... Et les feuilles furent légères dans l'obscur abri
du crépuscule. C'était un labyrinthe
où je découvrais
le Sel et la Somme du Dieu sans nom. Quelle pure pensée
alors nous éblouissait
dont nous entendions la voix sur les rochers,
Quelle silencieuse et limpide fureur nous saisissait
et nous arrachait au pouvoir de la douleur
comme une sentence marine.
Fils du Ciel et du soleil,
l'audace était notre devise. Elle devançait nos rires
sur l'abîme et l'océan ardent
et cette joie d'être à soi-même la proie
du plus secret désir des apparences,
du plus secret désir des transparences...
Cette ivresse était sans égale.
Devant les portes consacrées et les forêts de l'aube pâle,
devinant le sens des cendres et des empreintes,
nous devancions le cri et l'enfer,
et de larges voiles se faisaient accueillantes à notre ferveur.
De larges voiles comme des Anges,
de larges voiles
sous un ciel plus sombre que la Mer...
Que la limpidité soit le Mystère, et l'allusion,
cette transparence offerte aux sens,
à la sagesse cardinale du désir qui sait
que toute chose donnée par amour
est inépuisable dans le Sens
et dans la profondeur des cieux et de la nuit...
Se peut-il que l'ignorance domine
au point de laisser déroutées et hostiles des âmes humaines
à l'approche du chant mystérieux ?
Que le souvenir du saphir des mers les plus lointaines
vienne à notre secours
- et la fraîcheur et les embruns,-
pour dire
que jamais le Sens n'est obscur car la ténèbre toujours
est dans le cœur délaissé des hommes...
Que le souvenir du scintillement du Sel alchimique
vole à notre secours
pour dire que jamais le Sens
n'est interdit
sinon par timidité ou paresse humaine.
Le Chant du poète
est la Gloire retrouvée, sa patience infinie,
retrouvée,
son image divine,
retrouvée,
son audace,
retrouvée,
et cette immense puissance bienheureuse,
ce soleil somptueux, retrouvé dans le cœur et l'être
que nous sommes
de toute éternité,
dans la présence.
Toute chose dérive d'une source unique,
et mes pensées et mes rêves...
Comment ne pas voir
que nos rencontres étaient écrites
dans les registres de la lumière ?
L'amour de notre belle trinité amoureuse
nous sauvait de l'insignifiance, de l'insensibilité et de l'Insensé
dont l'otage
était le monde.
Notre rencontre fut l'eau castalienne
pour notre soif que seule
comble une soif nouvelle...
Elle fut le rêve silencieux,
le rêve dont la profonde et douce et calme lumière lavande
abreuve
l'âme et l'esprit
tandis que le corps exulte entre tes bras.
Elle fut
ces larmes de bonheur dans tes yeux.
L'Etre cependant
fulgure dans la mathématique des transparences.
l'Etre,
dont l'exactitude s'émeut des plus lointaines litanies
dont l'adoration
dore le front d'un Christ Vainqueur...
L'Etre, qui n'est point
le Tout,
exige le divin qui le fonde,- de même que la raison
oublieuse du Verbe n'est plus qu'une pitoyable superstition.
Ainsi, il m'en souvient, d'amples considérations
déployaient leurs arcs au-dessus de nos têtes...
Telle fut pour nous l'interprétation infinie du monde
cette impétuosité
du Sens ailé
cette conflagration céleste et silencieuse en nous
dont l'œuvre
s'attardait en notre souvenir,
avec la solennité acquise
de l'assouvissement et de la pensée, qui transparaît,
de la pensée
advenue dans la trace comme une promesse
d'accomplissement...
Telle fut pour nous la Saison divine
la Saison de l'heure adonnée au rivage
d'une plus haute légitimité,
la Saison amoureusement éperdue
sous le triomphe multicolore des Anges.
Telle fut pour nous l'Anadyomène
éternellement surgie des eaux pour nous ceindre
de sa clarté et de sa fougueuse juvénilité...
Ainsi débutait
l'épopée
heureuse de la Sagesse, l'aventure hauturière
sous le Signe de la Conjuration de l'Etoile Polaire.
C'était un éloge de la vie et des plus hauts reflets de la vie,
un éloge des temporalités secrètes en nous
dont l'aube et le crépuscule divulguaient les splendeurs...
Bénies étaient les apparences dans le ciel d'été de ma mémoire.
La métaphysique du Jour
stylisait nos gestes en perfection.
Sous le ciel ordonné
notre destin était un empire,
et la beauté devineresse...
Pourquoi vivre dans la banale confusion
alors que la métaphysique du Jour
précisait le site de nos envols
écartant de nous
les malentendus et les équivoques,-
et nous offrant la désinvolture de surcroît .
Celui
qui parle
au vif de l'instant
sauve ce qui est dit et ce qui n'est point dit,
en un seul geste
dans la subtile justice de la métaphysique du Jour.
Qu'elles osent l'azur attique
de la pure pensée...
Qu'elles y reviennent, avec leurs danses
comme dans un temple d'enfantement:
ce furent
les germinations de la Saison divine. Il fallait bien
que nous fussions vengés de connaître ce premier don
cette première cadence véhémente
dont la limite était un front de lumière.
Il fallait bien que nous eussions secoué le poids
des attentes vaines,
oublieuses,
pour que sans armes visibles
l'on nous jugeât dignes d'accéder aux présages,-
ce serait, disaient les devineresses,
ce serait sur une autre terre
et sous un autre ciel...
Ecumes, Muses, printemps, vertus, vols dans l'aube éternelle.
Ecoutez cette rumeur de mes jours,
comme des ondes...
Telle fut pour nous la Saison divine,
en ce septentrion léger d'une traversée,
d'une saveur,
soudain, prés des fontaines de Thèbes
là où la pureté ressemble
à tes chevilles fines...
Telle fut pour nous
le belle espérance romaine,
la folie solaire
dans le cercle de plus en plus vaste
dont elle honore la beauté
sonore.
Offertes nous furent
tant de richesses inconnues, tant de vigueurs.
Les Cités
étaient lentes sous nos regards
et nous connaissions
le signe de la justice infinie
et le trident marin.
Qu'elle fût touchée, par la mystérieuse parabole des reflets
qu'elle fût nommée,
je devinais
cette éblouissante théurgie...
Son nom
s'éveillait à l'angle des apparences,
dans la ligne brisée
de la transparence,
entre l'ordre du monde et son abîme,
entre le rêve et le sommeil...
Là, je pressentais une feuille frémissante
et le royal accord
de nos contrées et de nos âmes.
Au bord de cette Mer, le sable
est la blonde pensée des dieux...
Infinie si l'on songe
et salvatrice
et mortelle si l'on
compte.
En ces temps-là, nous nous laissions griser
par les scintillements de l'eau et de la lumière.
Le crépuscule était
une immense promesse.
Notre allégresse précédait les événements du récit.
Notre âme
était forte de sa vision
et notre compréhension de la bataille.
Quel souvenir de ciel
austral étendait alors
ses ailes sur nos refuges,
nos ancêtres ?
Et de quel autre souvenir cette âme humaine fut détruite ?
Etait-ce d'un seul refus la croyance cruelle ou bien
dans l'exactitude d'un compas géant
la rosace d'un univers
dont les architectes seraient
la nécessité et le hasard ?
Pieux mensonge !
Toute chose dément cette triste habitude
et même notre honte à nous y résigner
et notre nostalgie d'une certitude plus haute
et la branche de laurier dans l'azur profond
et l'immobilité vibrante
de la pierre: toute chose dément...
Toute chose devine
et j'en détiens la connaissance mélodieuse.
Mais nous connûmes aussi de sombres clameurs,
les déchirements,
le soliloque de l'effroi...
Instants irrespirables,
haines, mélancolies,
à l'intérieur de ces ténèbres en tentation
où toute chose
ressemble à une confuse prostitution,
à une misère machinale,
sous les affreuses évaluations du Règne de la Quantité...
Les temps modernes avaient cette allure qui ne pardonne
et quand bien même
nous n'eussions rien connus d'autre
l'imperfection
était visible
spectre visible
outrance banale
où toute chose n'est qu'un autel de la vengeance,
une idole du ressentiment.
Fuir ! C'était la seule éclatante destinée !
Aller vers les cieux verts et les feuilles brillantes
et les chevaleries
irréelles d'une gloire oubliée...
Fuir cet inavouable rétablissement de Chronos
et cette triste et banale barbarie...
Ainsi notre sillage inventait
une subtile civilisation de lueurs et de caresses
entre nos regards et nos corps
ainsi l'instant méditait
en nous la victoire de cette exquise énigme
qui portait
en nous
ce nom de la Conjuration de l'Etoile polaire.
L'Instant
dont jadis nous écrivîmes le Sacre
portait en nous ce nom
qui nous unissait,
ce nom qui nous destinait
aux plus vertigineuses et calmes ivresses,
Isis voilée et dévoilée...
Et que de monstres frappés d'inconsistance !
Que de belles victoires sur le front du resplendissement,
la large absence farouche de quelle vie antérieure !
Etait-ce
un zénith moins pur,
un bec d'azur
dans la présence majeure ?
Notre audace devenait pensive
et Sphinx dans le péril...
Et dans le grand théâtre des châtaigniers
dans l'ample dramaturgie de ces phrases,
nous inventions le tourment délicieux d'une liberté
injustifiable...
Le Soir évanouissait en nous un trône transfiguré
par les nombres somptueux de la Mer.
Et pourtant
de ces folies
il ne resta
que la haute abstraction du Ciel, et la louange angélique.
Car nous savions que la souffrance,
était une fausse nudité de l'être,
et Virgile riait avec ses épreuves claires
dans ce jour pluvieux que nous traversions sans y croire
dans cet effondrement du monde
que nous subissions sans y croire,
sombres clameurs,
déchirements,
soliloques de l'effroi... Pieux mensonges !
Il était dit que nous ne nous laisserions point encombrer
de ces écorces mortes...
La messagère était trop belle
en sa présence perpétuelle,
la séduction de sa bouche et de sa hanche,
car l'éternité est dans cette heure qui ressemble
à la grande distance du bonheur
et du malheur
telle qu'elle nous touche dans le silence de notre enfance
dans ce silence d'aigue-marine
qui prédit à notre première espérance
le ciel nocturne et pur
où chante l'écume prodigieuse des astres...
Vous qui étiez de la jeunesse perdue l'éloge et le conseil,
cette mémoire
dont l'accueil
eût tari mes paroles
vous seules, vêtues de l'Aube
profonde comme la contemplation,
n'ai-je aimé que votre réalité passive ?
Quel esseulement
et quelle fierté navrée se courbait
sous la funèbre incertitude...
Vous étiez, il m'en souvient, douce de lassitude apprise
avant que ne surgisse
l'autre merveille !
Un char brillant hors de la brume
vous regardait
et vous n'osiez dire,
vous n'osiez acclamer
cette étincelante finitude...
Jadis l'Inanimé effarouchait
l'Esprit,- mais notre course fut
plus rapide !
Plutôt que l'ombre, c'était la vie,
la cathédrale sonore de notre amour !
Vous qui étiez le soleil d'hiver, l'humeur tragique,
la précipitation
des illustres blancheurs, des ancêtres et des alliances,
de ce flot assombri que d'autres que moi choisirent !
Tout cela fut-t-il autre chose
qu'une capricieuse beauté
à moins que l'encre et le sang n'eussent le même emblème ?
Et quelle excellence nous bénissait
quelles allégories ? Où donc
débutait ce monde qui nous abandonnait ainsi sans remord ?
Où donc débutait l'enfance de cette jeunesse sans nom, où donc
le vain repos ?
Où donc le fanatisme des mers ingouvernables, les gestes d'Ossian ?
Tout doit-il encore une fois retourner dans la nuit ?
Devons nous, une fois encore, nous perdre dans ce face-à-face ?
O vous qui étiez l'éternité immanente, le message
et le témoignage
du sommeil et des yeux ouverts dans le sommeil ?
Vous qui étiez la réprimande et la tragédie,-
aujourd'hui notre conjuration
nous éloigne de vous
car nous sommes l'instant, le miroir,
où brille l'éclat du dieu dorique de la lumière...
Et de ce Songe que fut le monde en son bonheur,
et de ce Songe singulier comme un vœu
exaucé
avant toute formulation, nous étions les devins
de même que nous fûmes princes pour nos amantes...
Alors les constructions florales de l'été
rayonnaient
dans l'intemporel...
Le Songe gardait en lui ces légendes
comme des semences
et nos mains
dansaient dans les mosaïques de l'air
comme des voyelles, des oiseaux
dont l'extrême courtoisie céleste s'emparait
de nos erreurs passées...
Car tout cela était déjà loin de nous
dans cette extrême proximité
où toute chose brûle
dans la distance infinie de l'immédiat.
Ainsi,
nous exercions notre raison à comprendre
l'euphorie,
l'eau tranquille, et cet éros cosmogonique
dont les apparences dévoilaient la corolle... C'étaient
des images sauvées,
un orient où l'illusion s'abandonnait
au ravissement du Jour
et la maxime de l'Instant nous éblouissait...
Et de ce Songe que fut le monde en son bonheur,
l'équilibre fut l'atteinte du Jeu,
sa figure de splendeur
surgie dans l'audace souveraine d'une ronce,
ultime logique d'une histoire sainte encore inconnue...
Ce Songe, en vérité,
hantait
le signe du dauphin,
scintillante perfection volant
dans le bleu du ciel et de la mer
Les dieux seuls connaissent les rougeoyantes
feuilles
du Songe
cette immense Atlantide
abandonnée à l'emphase
de la destruction. Mais qui donc disait:
« La destruction est un rêve »-
quel écho de nos propres paroles
dans la lente connaissance de soi-même
où tout commence et recommence.
Et nul ne saurait en contester la classique pudeur !
Les dieux seuls
connaissent l'automne du Songe.
Les dieux seuls peuvent parler de destruction et de fin,
d'achèvement
et de disparition.
Aux hommes qui ne vivent qu'un instant,
qu'un battement de paupière
il est prescrit
de connaître l'éternité vivante,
la présence auguste d'Atlantis,
sa beauté,
dans la seconde qui nous ravit.
Toute notre existence est
dans cette certitude parcourue de pluies et de clartés,
dans cette certitude
dont le cours, l'embouchure et la source témoignent
de l'illimitée
prière du désir
et ses métamorphoses
dont l'ultime ivresse me rédime.
O sainte simplicité du message,- ce que je veux dire s'éveille dans la légèreté:
les dieux seuls connaissent la mort parfois.
Le pur espace est le deuil où le semblable
va à la rencontre du semblable...
Mais autour de nous et du monde
ce sont d'éternelles tragédies et les paroles du bonheur
et le sens dont l'ardeur nous unit
dans l'interprétation infinie de la naissance de l'être...
Que peuvent les dieux contre notre ignorance altérée,
contre la recherche infinie qui nous porte
au-devant
des empires de la terre et du ciel
de la mer
et du feu.
Les dieux seuls connaissent le crépuscule.
A nous
l'aube fleurie
où la frémissante attente s'accorde
à l'accomplissement des gestes,
à l'éclairement du monde sous les savantes caresses et les baisers
qui s'attardent
en ces belles impudeurs de chevelures et de lèvres,-
et l'aube du visage humain
reconnaît l'éternité qui le songe
dans un tumulte ondoyant.
Extrait de Le Chant de l’Ame du monde, éditions Arma Artis.
23:30 | Lien permanent | Commentaires (0) | | Facebook
Les commentaires sont fermés.