08/07/2013
Réfractaire au contrôle, intempestiva sapientia 8/07/2013
Le monde a été confié, dans ses "autorités", ses pouvoirs et sa gestion, à des gens qui s'ennuient comme des rats morts (et que leurs propres indélicatesses ne parviennent plus même à distraire). Ne nous étonnons pas qu'ils fabriquent un monde à leur image. Même à l'esbrouffe, il n'arrivent plus à nous faire croire que leur position n'est pas la position cardinale de l'ennui le plus sombre, le plus sinistre et le plus néfaste, - l'annihilation la plus radicale de toutes les ressources de l'âme.
Secs, non comme le désert ou le bois mort, - mais comme ces matières plastiques indégradables qu'ils affectionnent, imperméables aux influences du cosmos et de leur tradition. Que reste-t-il à leurs ambitions après le saccage de la langue, l'acculturation des masses, l'urbanisme en tant que manifeste de la laideur ? Il leur reste à parachever la société de contrôle et de surveillance, qui succède aux sociétés disciplinaires; ce qu'ils font à grands pas, servis par les technologies qui ont été inventé à cette fin. Que fait la commère qui s'ennuie dans son village (désormais planétaire): elle surveille.
Le sans-vie épie la vie des autres,- petite tête durcie, rétractée dans ses compétences, logiciel-cafard.
La bonne nouvelle, c'est que ces gens, qui participent des rouages, ont déserté le monde; qui donc nous appartient, du plus sensible (qu'ils ne perçoivent pas) au plus intelligible (qu'ils ne peuvent comprendre).
Jamais ils ne recevront le salut d'un bon coeur ou d'une belle intelligence, ni le salut d'un arbre ou d'un ciel,- et moins encore le salut d'un dieu.
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Ce bonheur extraordinaire qui nous saisissait lorsque nous arrivions à Nîmes, aux premiers beaux jours... Le premier soleil sur les paupières fermées, les rumeurs de la ville au matin sur la place aux Herbes, le double-café éveillant les sens après le voyage en train du petit matin, les allées arborées encore vers les Jardins de la Fontaine, tout en hauteur... Et du temple de Diane, où quelque mystère d'eau, de pierre et de lumière n'avait cessé de s'accomplir depuis plus de deux milles ans, nous poursuivons notre montée vers la tour Magne, en saluant, après les dieux antiques, et selon une logique parfaite, la France du Roi-Soleil, tremblante et pâle sous le haut et vrai et puissant soleil qui se déversait, à midi, sur nos fronts et levait, tout autour de nous, des senteurs végétales et, sur le chemin, le bref et aveuglant éclat d'un morceau de verre.
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Les heures heureuses sont les moments d'une procession dont, parfois, nous ne devinons ni l'origine, ni la fin. C'est un sentiment de nostalgie qui nous saisit, non du passé, mais de l'éternité. L'heure heureuse est augurale; son miroitement renvoie dans le monde l'image d'une plénitude entrevue.
D'où cette inimitié immémoriale, ce combat spirituel, qui oppose les hommes de la réminiscence aux hommes de la planification. Aux uns, l'efflorescence de la profondeur des temps, la lumière des siècles; aux autres la soumission à l'avenir, c'est-à-dire à ce qui n'existe pas et auquel ils se préparent en faisant cesser d'exister ce qui existe, heure par heure, éclosion après éclosion. Le monde moderne est ce rouleau-compresseur, cette nappe de goudron. Heureux les hommes qui n'interrogent l'avenir, et n'en répondent, qu'avec des entrailles d'animaux ou des baguettes d'achillée.
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Les hommes qui s'ennuient, on pourrait dire que c'est tant pis pour eux, sinon que, par surcroît, ils deviennent hargneux et activistes dans leurs sphères respectives et dévouent leurs travaux à l'enlaidissement du monde.
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Mode hostile à ceux qui aiment la beauté, mais providentiel, en les obligeant à la chercher, à la créer, à travers des épreuves, comme une source vive, un Graal.
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Derniers livres parus:
Lectures pour Frédéric II, éditions Alexipharmaque
Propos réfractaires, éditions Arma Artis
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Commentaires
Superbe comme toujours! Sagesse intempestive qui nous fait ardemment désirer reposer dans la réminiscence, le temps d'un éclair, bien sûr, d'une illumination qui demeure, dans le secret d'un Pays intérieur sans contours, et qui éclot , fulgurante et délicate
Écrit par : Ariel | 09/07/2013
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