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16/04/2013

Ezra Pound.

Rappel

Ezra Pound

 

A l'occasion de la parution de Comment lire, manifeste pour la lecture, aux éditions Pierre-Guillaume de Roux

 

"Nous qui avons franchi le Léthé"

 

Les contempteurs d'Ezra Pound qui tentent, avec une mauvaise foi plus ou moins notoire, de réduire son oeuvre à l'idéologie, non moins que certains épigones qui la réduisent à un "travail d'intertextualité", passent, mais c'est leur rôle, à côté de la réalité magnifique des Cantos en tant qu'aruspices. Ces mots sur la page, disposés en vol d'oiseaux, exigent un envol de la pensée, - un envol, c'est-à-dire une conversion herméneutique qui, par-delà les écueils de l'analyse, nous portera jusqu'aux espaces ardents du déchiffrement.

Les Cantos sont, dans l'histoire de la poésie mondiale, un événement unique. Rien n'y ressemble de près ou de loin. Tout au plus pouvons-nous laisser se réverbérer en nous les ors fluants de la prosodie virgilienne, un art odysséen de la navigation et le dessein récapitulatif et prophétique de la Divine Comédie. L'oeuvre ne choisit pas entre l'ampleur et l'intensité, entre l'horizontalité et la verticalité.

La vastitude des Cantos loge des formes brèves, des aphorismes qui s'ouvrent allusivement sur d'autres vastitudes. Ezra Pound est, avec Pessoa et Saint-John Perse, l'un des très-rares poètes modernes à ne dédaigner ni le mythe ni le réel. Les hommes, dans le poème, tracent les figures de leurs destinées entre les choses et les dieux. De surprenantes collisions s'opèrent, les temporalités se rencontrent et se traversent selon leurs propriétés et leurs signes. Cette apparente confusion est le véritable "ordre" de la pensée. Il importe, en effet, de laisser au devenir et l'histoire leur plasticité, et aux figures éternelles, leur éternité.

Entre le mercure historial et le souffre de la flambée de l'esprit, le poète cristallise le sel de la sapide sapience. Le savoir est saveur. Le "gai savoir" de Pound, relié aux arts poétiques romans, allège le monde. Ce monde si lourd, ce savoir si pesant, ce plomb des choses mortes et insues, la prosodie d'Ezra Pound les relance, les laisse voltiger dans les hauteurs et il nous livre, nous lecteurs, à ces prodigieux mouvements météorologiques.

Les Cantos frappent d'inconsistance une grande part de la poésie moderne, subjective, minimaliste ou sentimentale, cette part qui voulut rompre le pacte métaphysique unissant le Poète à la Mesure et la pensée humaine à la diversité du monde. Le monde existe car nous pouvons le réciter, et cette récitation nous fait franchir le Léthé, pour d'autres recommencements. (...)

                                                                                     Luc-Olivier d'Algange

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