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03/03/2013

Journal désinvolte O3/03/2013

Quand bien même ne penserions-nous jamais à la postérité, il n'en demeure pas moins qu'une pensée écrite est sauvée du périssable de notre carcasse. Elle ne l'est pas lointainement, mais tout de suite. Ecrite, ou dite à quelqu'un qui s'en souviendra, une pensée instaure une autre temporalité, ou, plus exactement, elle révèle une profondeur du temps, une réverbération d'éternité. Cette éternité est toute vive, jeune et frémissante, une apogée de l'Eros, exercée par le Logos.

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Après avoir traversé un certains nombre de pays, en flâneur et contemplateur, et non en touriste; après avoir rencontré, en chair et en esprit, maintes personnes dans les milieux les plus divers, et m'être livré avec avec elles à des aventures et des activités diverses, parfois avouables, il reste que la lecture de certains livres me fut une belle et grande aventure, et je plains ceux qui sont passés à côté.

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Logique de la consommation: ne laisser aucun héritage, et, si possible, détruire tout héritage, y compris l'héritage naturel. Le discours bourdieusien contre les "héritiers" conduit à l'apologie du règne de la consommation. S'il n'est plus aucune supériorité héritée, il appartient à l'argent de donner à chacun sa place. L'héritage implique des devoirs. La fortune faite se croit tous les droits, jusqu'à la plus infâme goujaterie.

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A la "haine du secret" dont parlait René Guénon, s'ajoute la haine de la complexité, des espaces libres, éclairés ou ombreux. Notre inclination à la servitude volontaire répugne à tous les exercices que ces espaces rendent possibles. C'est ainsi que la servitude préfère vivre dans une société plutôt que dans un pays, peuplé de noms de pays, de libertés et de franchises héritées. Cependant, ne nous crispons pas sur notre dû. Laissons les formes s'évanouir, les richesses prendre d'autres formes. Notre fief, notre château tournoyant est là où nous sommes droits, - là où le temps profane entre en intersection avec le temps sacré.

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La raison d'être n'a rien de rationnel: elle est une immédiate épiphanie (étant entendu que le rationalisme fut toujours le principal ennemi de la logique)

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Musique d'ambiance, écrans, bruitages, bavardages, despotisme affectif et économique, architecture de masse, - laideur. Tout est matériellement mis en oeuvre pour éloigner les épiphanies ou les rendre indiscernables. Cet immense chantier quantitatif est vain. L'épiphanie est une qualité qui s'adresse à une qualité.

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Nouvelle censure: non plus brûler les livres ou les interdire, mais faire en sorte que nul ne puisse plus les comprendre. Tâche titanesque, que nous voyons à l'oeuvre, mais tout aussi vaine. Il suffit d'un seul pour faire la différence entre ce qui est et ce qui n'est pas.

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Preuve de l'irresponsabilité des politiques et les journalistes: ils instillent la peur, qui réduit les facultés intellectuelles et morales, favorise l'agressivité et réduit à vivre en bêtes traquées. Tout acte de bonté est presque toujours une victoire remportée sur la peur, de même que toute vilénie en est la défaite. L'adage est juste: la peur est contagieuse; elle s'en trouve être le principal moteur du grégarisme, des mouvements de foule. La meute des chiens qui ont peur est d'autant plus dangereuse que nous nous en laissons davantage effrayer. C'est en de telles circonstances qu'il faut éviter de fuir.

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Mais plus encore qu'à la bonté, la victoire sur la peur ouvre à la Surnature. Encore faut-il que cette victoire ne soit pas seulement une précipitation vers le danger (qui peut être, elle-même, poussée par la peur). Vaincre la peur, ce n'est pas se raidir, c'est apprivoiser tout ce qui se trouve autour de son objet ou de sa cause.

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Se mettre en danger, c'est parfois trouver la sente merveilleuse et incertaine qui nous sauve des pires dangers: ceux-là qui participent de nos habitudes, de notre confort, et de nos représentations sociales.

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Pour une âme civilisée par une tradition d'honneur, de fidélité et de bon goût, la crainte de la mort vient au second plan. Toute vie qui ne peut se sacrifier ne vaut d'être vécue. Il est probable que toute vie soit sacrifiée, toujours et pour chacun, y compris aux raisons les plus futiles, aux illusions les plus funestes. L'égocentrique sacrifie sa vie à son "moi", de façon aussi radicale que le patriote sacrifie sa vie à la Patrie, ou le poète, à son Oeuvre. La différence est dans la nature du feu sacrificiel, la beauté des flammes et le parfum des essences. Les vies sacrifiées à la cupidité puent et crapotent. D'autres flammes, plus hautes, éclairent et embaument. Quoiqu'il en soit, nous serons sacrifiés, mais nous revient la liberté souveraine de choisir notre sacrifice.

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Tout profaner pour éviter ce choix, c'est se précipiter dans le vide par crainte de l'abîme et choisir finalement "l'abîme de la nuit" contre "l'abîme du jour", pour reprendre la distinction de Raymond Abellio. La règle les ricaneurs, à cet égard, est aussi rigoureuse que celle de Saint Ignace de Loyola: ils obéïssent comme des cadavres à la mort qui est leur seul horizon. Ceux qui ricanent de tout vivent dans un monde d'une effrayante tristesse.

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La vie humaine, une alternance de combats et d'épiphanies: le reste est faux-semblant.

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Derniers livres parus:

Entretiens avec des Hommes remarquables (collectif), préface d'Alain de Benoist, éditions Alexipharmaque

Propos réfractaires, éditions Arma Artis

Lux umbra dei, éditions Arma Artis

www.alexipharmaque.net

www.arma-artis.com

 

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