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03/05/2013

Journal désinvolte, 3.05.2013

Les Modernes, certes, sont zélés, mais surtout pour faire leurs achats. Pour le reste, une sorte de cafouillement qui présage la fin.

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A quel point tout est joué, parodie; les tenues, la publicité, panoplies identificatrices, - mais pour des identités qui ne correspondent plus à rien, sinon aux besoins du Marché.

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Les hommes filent doux, prévisibles jusque dans leurs déliquances. Sur les rails: mot d'ordre constitutif de notre temps. Au bout des rails, la mort et le vague souvenir d'un paysage à peine entrevu, dédaigné. "Descendre du train en marche" disait Cocteau. Au risque d'être un peu contusionné, l'herbe fraîche, les arbres, les saisons, les bêtes, valent mieux que la banquette étroite qui nous hâte vers une fin dépourvue de sens, purement statistique.

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Moins de confort, plus de beauté ! Cette phrase ne s'écrit pas par bravade, ou pour faire joli. J'ai vécu les pires périodes de ma vie dans un tout-confort plat, et les plus belles, les plus foisonnantes, les plus inspirées dans un inconfort resplendissant de beauté. Ce qui reste dans l'âme de ces périodes disparates suffit à témoigner.

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Le Titan moderne n'ignore pas la séduction de la beauté qui met son règne en danger. Aussi bien, il la massacre ou cherche à la rendre incompréhensible, ou, plus exactement, inexpérimentable. La beauté n'est pas seulement un spectacle, une chose photographiable, mais une expérience, - et, plus profondément encore, une relation.

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Quelle est votre relation à la beauté ? Si elle n'est qu'évaluation, elle vous échappe. La beauté est saisissement, épiphanie, conversion du regard, transfiguration, apocalypse, ou rien: image publicitaire.

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Les publicitaires nous le disent: " Vivez vos rêves". C'est-à-dire, achetez une voiture.  Si vivre le rêve, c'est acheter une voiture, tirons le trait, et attendons l'humanité prochaine.

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Les grandes pensées sont des graines emprisonnées par le gel. Le dégel serait prodigieux, d'une infinie profusion de feuillages fous, de fleurs inimaginées, de senteurs. Nous irons à l'Esprit, selon la formule, et le secret conseil de Rimbaud, dans le faste et les ivresses violentes et légères.

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Nous sommes entrés collectivement dans l'ère des insectes, nous reconquerrons notre humanité un à un, par transmission directe, musicale et charnelle.

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Commentaires

Un article absolument remarquable. Luc-Olivier d'Algange toujours aux aguets, vigilent, nous sort de notre torpeur, pour nous rappeler que le monde dans lequel nous vivons, et ô combien décérébré, abâtardie. La Beauté, l'Art peuvent nous en sortir, ils sont là, il ne tient qu'a nous de nous en saisir pour nous élever, et retrouver ces hauts moments de civilisation. Soyons ces " fils de Roi " dont parle Gobineau. Et finissons avec Rimbaud

" Jadis, si je me souviens bien, ma vie était un festin où s'ouvraient tous les cœurs, où tous les vins coulaient. Un soir j'ai assis la Beauté sur mes genoux."

Écrit par : Pascal Pineau | 03/05/2013

A lire Laurence Sterne, "Vie et opinions de Tristram Shandy", et tant d'autres, plus anciens (je cite Sterne pour un peu de publicité...), il se trouve toujours un passage, et parfois même plus encore, une note d'ensemble monte et couvre le récit tout entier nous faisant entendre que du monde, il y a toujours eu à se méfier. Certes, la massification, le grossissement prodigieux du troupeau, et avec lui l'hyperbole de l'excitation, l'effondrement qui l'accompagne et l'inexorable sidération qui éteint les regards sont pour ainsi dire nouveaux (j'entends par là qu'ils ont une manière publicitaire de l'être). Il ne faut pourtant y voir qu'un degré toujours plus haut de ce qui concerna l'humanité dès que nous fûmes assez pour ne plus connaître nos noms et, qu'avec une stupéfiante intelligence, les hominidés sont devenus les hommes. Reste que cette promotion ne nous fait pas moins mammifères et qu'à la raison, ce genre a toujours préféré le grégaire, la chaleur de l'étable, le sein nourricier, l'accumulation, l'économie thésaurisante, la souille... Les grands anciens, leurs dignes suiveurs ont tôt vu qu'il fallait livrer une guerre et, sages, ont compris que celle-ci serait interne. C'est, je l'emprunte à F.M. Alexander, une constante universelle, enfin un des rares repères sur lequel on puisse compter et dire, sans coup férir, ceux-là sont des hommes. Descendre du train en marche, disait Cocteau, bien évidemment, et savoir que nous sommes les cheminots.

Écrit par : della Spiaggia, Angelo | 04/05/2013

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