25/08/2024
Chant du serment, poème de Luc-Olivier d'Algange:
Luc-Olivier d'Algange
Chant du Serment
Jamais, non jamais, nous ne renoncerons à dire
ce qui nous enchante, à nommer
les Anges et les dieux
et cette jeunesse perpétuelle
qui se dit en nous- même avec la jeunesse du monde...
Les censeurs,
les puritains, je leur laisse leurs abstractions mesquines
leurs médisances, leurs travaux
pour aimer les paroles belles dites
pour le Songe et l'Extase et le Désir... Les paroles
belles et grandes,
les paroles anadyomènes
car elles viennent du Grand-Large
sur ce rivage,
élite fervente et rêveuse,
elles viennent,
de cette césure de l'horizon, entre le paradis et l'enfer,
elles viennent de cette source du temps...
Nulles jamais ne furent plus désirables
dans ce cercle du ciel qui écarte la multitude
Nulles jamais
ne furent plus emportées
que ces paroles dites dans le Songe, il m'en souvient;
j'errais dans ces richesses inconnues,
orchestres, arômes, torrents... J'errais
dans cette fastueuse incertitude, ces conjonctions imprévues,
cette mémoire à la tombée de la nuit;
et ces belles paroles s'attardaient dans l'admiration de leurs ombres
dans le ruisselant miroir de leurs chevelures dénouées, paroles
vivantes, belles
et légères
dont il m'appartient aujourd'hui de porter témoignage...
Il était dit que nous traverserions cette terre en Aède !
Ce fut la seule morale à notre goût !
La source du temps était ce silence
au-delà du bien et du mal,
et nous rêvions d'en divulguer le secret par nos chants, gloire promise...
Nous rêvions d'atteindre le secret de la source du temps, silence d'or
source de tous les chants,
aube des paroles grandes et belles dites dans le Songe
du Soleil, sous le feuillage étonné
et le battement du cœur qui ne renonce pas !
Soir qui ne s'achève pas,
autel où se pose l'oiseau du serment,
j'aimais cette couronne,
cet éternel destin de la lumière. La nuit
s'inclinait sur le frémissement d'ailes de mon anxiété,
enseignement d'une solitude donnée,
d'un égarement des maximes
et autres saintes prophéties,
elles s'obscurcissaient à mes yeux, s'éloignaient, funèbres dans l'exil,
les vents adverses, les plaintes...
Et l'amertume desséchait ces feuilles ardentes,
ces feuilles dolentes...
Que la belle parole des dieux
me fut alors cette impétueuse transparence
cette compagne aux confins des cieux,
cette ardente fidélité,
cette blancheur embrasée
dans la lumière du sens de toute chose, cette caresse...
Que la haute parole me fut cette aube inconnue,
cette promesse, que rien jamais
ne viendra dédire/
Est-il âme assez basse pour ne point oser nommer ces dieux qui nous sauvèrent ?
Est-il âme assez basse
pour dédire la hauteur du Soleil et de l'Azur... Ame assez basse
pour ne point célébrer avec les noms anciens
les dieux et les anges
qui vivent dans les secrets du désir et de la miséricorde ?
O noms anciens, météores
dans notre ciel,
météores
dans ce sommeil de la présence oublieuse de la brûlure immémoriale,
dieux
que nomme en moi
la splendeur naissante,
l'eau rieuse de la lumière qui l'éveille,
dieux que je nomme
avec une très-subversive ingénuité, avec une connaissance
des rythmes intérieurs de la vie des arbres, des pierres
avec une science ondoyante, dieux que je nomme par éclair,
messagers de ma vertu aurorale,-
ce fut mon grand dessein que de garder cette distance,
mon grand dessein
d'aimer ce vent de sel et d'allégresse
contre toutes les apparences et pour toute la vie,
dieux nommés
par moi éveillés,
race furibonde et sereine.
Divers est de monde que nous aimons,
excellentes ses lois,
treilles, femmes très-douces,
feu clair, sang qui chante sous les paupières...
Solitude sacrée d'un été sur la mer,
certitude adamantine...
Les dieux furent en moi
cette grandeur de la gratitude, cette ampleur de l'âme,
cette volonté pure comme un regard sur la mer,
cette vie universelle,
ce face-à-face !
J'aimais ce resplendissement dont ils fécondent la diversité du monde
j'aimais, éperdument cette immense roue des saisons,
des éléments,- et comment la dire
sans nommer les dieux ?
Au-delà de l'extrême des hauts
glaciers énigmatiques, ces clartés transversales,
l'air du pôle
l'Ether limpide et sauvage du premier jour
de notre sainte conjuration
furent nommés dans le secret de notre cœur
avec les nombres occultes des dieux,
leurs noms invisibles
neige et flamme,
leurs noms,
rythmes fondamentaux
battant dans notre veine jugulaire
s'épanouissant dans notre poitrine,
leurs noms
que nomment dans le secret du secret
les Sept Silences majestueux du Dire
dont la transparence est un torrent dans nos âmes...
Au-delà de ce froid, de cette blancheur
de ce silence,
nous entendîmes,
au-delà: cette strophe incendiée de soleil, cette scintillante mémoire à l'infini,
le chœur des mondes, l'immensité qui s'immobilise
dans la bataille sonore,
l'immensité saisie sous l'ouragan,
coursier d'une ivresse
plus rapide que la mort,
ainsi furent dans notre poème
les dieux,
ainsi furent
comme une espérance plus ancienne
les dieux
dont la ténacité nous sauve de n'être pas
dont la transparence merveilleusement nous éloigne
du monde qui n'est pas,-
les dieux aimés, chantés, loués, oubliés, présents,-
ainsi furent brûlants dans l'invisible citadelle de notre amour,
ainsi furent frisson, ainsi furent sommeil,
ainsi furent cadence
car nous savions entendre dans nos cœurs
les concordances mathématiques et musicales de leurs noms
nous savions ces infaillibles architectures,
hauteur et profondeur de l'Instant,
véritable demeure des dieux,
nous savions et nous acceptions l'empire que ces noms
- nombres et chants, couleurs et clartés,-
sur le destin exercent, et sur les jours, ces beaux jours
qui tournoient comme un ciel
sous le maillet de l'Etre et de la Puissance...
Nous consentions à cette grandeur
où nous nous perdions en nous- mêmes
car notre âme était ample de ces noms qui la nommaient,
notre âme était vive
de ces appels,
ces invocations
ces batailles, notre âme était ardente de ces attentes,
compagne fleurie de l'immensité des ciels,
compagne légère, notre âme s'enchantait à se dire
dans le sable sans fin des dieux,
écume, sel de l'enfance
âme fluente
âme qui regarde les dieux.
En ses Yeux s'ouvrait le mystère d'une aube profonde
un jardin profond, comme l'orgueil d'être
et de n'être pas, une promesse,
j'en rêvais comme d'une fortune sans espoir,
une hymne belle comme la voile carrée,
détachée
sur l'abîme bleu,
détachée, sur la victoire du bleu profond,
sur le triomphe des yeux de l'âme...
Et d'être ainsi contemplée
comme un mystère véridique et sans fin, les dieux
s'envolaient,
les dieux hantaient le ciel, et toute chose
en ce monde
palpitait de joie,
toute chose était saisie à la nuque, et nos mains suscitaient d'invisibles trésors.
Les heures devenaient spacieuses et royales,
les heures s'accordaient à cette neuve mythologie
des regards,
- car l'âme regardait les dieux !-
et notre joie sise dans l'Instant fut l'essor
notre joie d'être ou de n'être pas dans l'âme,
ce Silence; la joie
déployait ses ailes dans la spacieuse et royale présence de notre âme,
notre âme qui regardait les dieux...
A grandes gorgées
nous buvions la saveur secrète du ciel,
nous saisissions
les lyres de la pluie et du soleil,
et l'ombre lavande d'un dieu rare sur notre front
bénissait notre audace, bénissait notre peur
et notre audace,
comme une pure pensée, une corolle fraîche sur notre front
encore brûlant de la guerre sainte qui nous sauva...
Sainte paix, sérénité d'azur et de feuilles, vous êtes notre mérite.
- Car ici il n'est point de hasard et les couronnes sont conquises
sur l'orée tremblante du Jour
- l'ai-je assez dit ?-
Point de hasard mais en toute chose aimée le retour
de l'unité de l'Etre
car tout se tient,
le haut
et le bas.
Tout se tient dans le rêve premier,
dans la belle philosophie lyrique d'Hermès-Thoth,
tout
se tient et tout s'éveille selon nos intentions les mieux accordées à la joie
au plaisir qui donne
aux portes éblouissantes de l'été nocturne
tout se tient,
la ténèbre et la clarté,
dans cette aube divine de l'âme où les regards se perdent et se retrouvent
en l'impétueuse douceur de l'empire du monde !
La promptitude fut notre triomphe, notre puissance.
Des cendres d'une vie profanée
notre âme ressuscita
cette fleur, cette flamme
création d'une aube d'orgueil brûlant
d'une aube sonore et profonde et lointaine
dans le Songe du Chœur !
Rougeoyante dans la poitrine de l'espace que disperse la beauté de temps,
bleuïssante dans le temple de l'Ode
que dissémine
la mélancolie de l'heure
toute chose en vérité divine,
toute chose me fut prière.
Ma prière fut cette alliance entre le monde et moi,
cet échange tournoyant, et je répondais à l'appel du monde en le nommant,
dans le visible et dans l'invisible,
nommant
le Sens qu'à mesure j'y devinais
en devenant transparent à moi-même
Ainsi m'éveillais je
au cœur du sommeil
et rêvais je dans la plus haute lucidité conquise.
J'étais paisible dans ma violence
et ardent, vif, joyeux dans l'ensommeillement délicieux
dans les bras de l'amante prédestinée
dont les yeux s'ouvraient sur le clair abîme...
Sagesse du jour, temple de saphir,
le monde se transfigurait en moi dans le silence des mots,
le monde, j'en devinais le Sens,
dans la lumière que rien ne saisit
mais que toute chose
voile et révèle,
j'en devinais le Sens
dans ce clair abîme de tes Yeux
les prunelles divulguaient le secret de la nuit la plus noire en moi,
ténèbres désespérantes...
Toutes ces choses éparses, objets, idées, actes, décrets, peuples,
renaissaient dans une plus pure essence,
s'enchantaient soudain
d'être en proie d'une telle légèreté
et d'une telle densité
que nous pouvions soudain rire de cette divine transfiguration...
Esprit qui sauve, rire d'or, rire des dieux,
science olympienne formée dans le cristal des cieux,-
et c'est un rire cristallin que je cueillais sur tes lèvres, mon amante...
Ainsi les dieux résonnaient infiniment en moi dans l'immémoriale perfection de ma prière.
Ainsi les dieux, dans l'abîme, dans la prunelle,
dans l'aube, dans le saphir, dans l'amante,
les dieux naissaient de ma prière
et ce paysage du monde devient un paysage de notre âme.
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