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21/07/2022

Luc-Olivier d'Algange, Chant de le voile latine:

 

 

 

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Luc-Olivier d’Algange

 

Le Chant de la voile latine

 

 

L'automne flambe, sa légende douce nous éblouit.

De quel songe ce silence d'être?

Nous sommes dans l'attente comme sur une mer. Nos compagnons

nomment ces lueurs, ces désastres avec la patience des tragiques.

L'aube

se devine dans notre sillage rapide... La gloire s'embrase dans la défaite !

Rien n'est dit. La mémoire est plus grande. Ce destin futur est vertigineux

et cependant nous gagne la paix de l'âme. Tout s'apaise dans cette flambée d'automne,

dans ces arcanes où s'indiquent une omniscience, un oubli identiques.

Toute chose s'accroît dans notre sérénité comme s'inclinent les feuilles sur des fleuves orientaux,

comme les Mystères d'Eleusis fondent à la dernière ardeur

cette mélancolie de l'âme qui se renie et trouve sur l'envers de la feuille

la lueur de l'Orient et la forme précise de l'être !

 

Rien n'importe que cette puissance qui chante l'être à sa naissance !

Rien n'importe que ces traits de bonheur et d'ivresse… L'air frissonne

de ces étoiles et rochers muets. Les lointains scintillent.

La nuit redit

avec le murmure de l'eau la douce flambée de l'automne et l'exemption.

Ce qui nous sauve nous porte au-delà (et l'heure ancienne brille sur la courbe

de l'aile du souvenir de l'hirondelle que l'automne engloutit mais garde

dans la mémoire, flambe et bruit dans sa mémoire, comme un âtre d'éternité.)

J'en témoigne: ce furent des jours de beauté.

 

La gratitude me domine. C'est à peine si elle me laisse dire le combat

dont resplendissent les arts, les épreuves que la terre oppose aux esprits de l'air.

La strophe parfaite me domine. Des Anges se nomment

dans les feuillages de mes mots. Les étymologies bruissent comme d'inviolables forêts. Ce monde est grand. Ce monde est la rhétorique de Dieu.

Dans le mot qui achève une pensée, c'est tout l'azur attique

qui se verse dans mon âme en récompense ! Je souris à l'immense frondaison.

Je devine ce qui revient, ce qui chante sous le joug de l'immanence,

ce qui me délivre dans une douceur lointaine !

Je devine ce qui s'écrit avec reconnaissance. Un dialogue s'ébauche.

Les Anges et les dieux répondent.

Le répons flambe jusqu'au royaume des cieux !

L'automne flambe dans les feuilles, s'adonne aux teintes de feu, à l'infaillible

et vermeille teinte de la puissance que l'ombre d'un Aède conjugue

d'enseignements sacrés, de forces généreuses, héroïques, lorsque le monde défaille

et qu'il nous faut retrouver par un pacte fraternel ce ciel, cette mer et ces dieux,

enfin accordés à notre gratitude,

à notre reconnaissance qui presse sur nos lèvres l'aurore !

 

Que nous importe que règnent alentour un vacarme d'insignifiance.

Notre silence rayonne, il annonce, c'est à lui que l'offrande revient.

Le silence est au cœur de l'automne comme une flamme, le silence

fonde l'éminente confession des flammes où s'éveille l'étendue, les trônes

de blancheur d'un Temps que l'âme reconnaît.

Honneur à cette reconnaissance !

Car l'aurore est un fruit que le silence de l'attente mûrit pour nos lèvres.

Sa saveur flambe en nous, science auguste, vérité bruissante. Elle tient

sa sagesse de l'or oriental qu'un fleuve élève entre la lumière et la nuit.

 

La pierre supporte le poids le plus léger. Son âme est crucifiée sous la pluie.

Elle chante l'horizon de ses branches de cendre.

La pierre est une aérienne rosée.

Toi seule, avec l'innocence des sources qui labourent la nuit

reviendras comme l'ordre le plus vaste dans l'âme de la pierre.

Toi seule, d'aurore en aurore portant le secret fleuri de la pierre

tourneras dans le jour comme l'horizon. Nous sommes dans la mémoire

et le ciel sur nous pèse comme un rêve... La pierre ne s'offense point

de la légèreté infinie de l'air, ni des mille édifices immenses

qui, du haut de la profondeur des cieux, accablent nos cœurs. La pierre

nous laisse à nos méditations, nos tragédies; nos ombres sur la neige

la dissimulent.

Telle fut aussi notre nuit, notre œuvre de feu. Les forces

De l'Idée conquièrent des empires, et notre bonheur taciturne demeure

à cette ressemblance. Nous qui sommes légers

supportons le poids le plus lourd, nous qui sommes libres sommes

blessés par le joug le plus dur. Légère est la nostalgie inépuisable.

Léger est le doute lorsqu'il se dépossède de son ombre. Légères

ces journées hautes et bleues que la forme de la coupe nomme

dans l'illusion des heures, des prières: miroir de nature. Légère

est cette parole saisie sur les lèvres par le silence plus grand, son effleurement...

 

La pierre supporte le poids le plus léger, non par contraste mais par essence,

alors que le ciel si haut nous courbe vers la terre avec le temps. Nos

lampes s'allument dans l'encolure du Soleil. Paisible est le moment.

Il brûle une ode perpétuelle où apparaît l'immense. Et l'immobilité

nous donne à croire et à songer que cette ample ordonnance,

qui nous environne, est peut-être une pierre transparente ! Qui sait ?

Se peut-il que nos batailles soient immobiles et toutes tracées les voies

de nos aventures ? Et nos sillages sur les mers seraient telles les volutes de l'agathe prises dans cette éternité qui supporte le poids le plus léger ?

Etranges rivages de la pensée !

Dans quel métal attentif le tonnerre est-il emprisonné ?

Au cœur de quelle perle infaillible nos voix énoncent-elles une vérité ?

Tout concorde à cette limite... Nos philosophies polissent les roches.

Nos entendements sont les âges légers où se reposent les courants profonds.

Rien n'égale cette vie ruineuse, ce chœur infini, ce passage de la terre.

La pierre supporte le poids le plus léger et nous attendons l'assentiment divin.

 

Que soit aussi légère notre gratitude. L'amphithéâtre rougeoyant de l'automne

Sera l'âtre de la pierre mélodieuse.

Plus lointaine que nos regards, notre vision !

Du cœur du monde tout se déploie, nos pensées ardent à la pointe angélique:

ce foyer du monde est sans pourquoi, notre science prime le soleil

qui tourne dans nos pensées comme des jours périlleux. Quels autres mondes

seront dits dont je ne sais rien ? Qui revient dans cette inquiétude du matin

avec cet aujourd'hui en miroir de nous-mêmes dont nous aurons tout oublié ?

 

Fraîcheur sur notre front est notre légère gratitude ! Le jour est enclos

dans cette pierre. Son signe de feu est crucifié sur le ciel. L'éther flambe

dans sa rosée tel un hommage silencieux de la grandeur. J'en témoigne.

Dans la beauté, dans la résonance d'aurore en aurore de cette flambée douce

à s'évanouir dans les bras de la puissance du monde comme une suprême

volonté d'harmonie ! Ces temples, ces cathédrales, ces palais, ces jardins

devancent l'orgueil humain d'une gratitude légère... La vision est plus lointaine.

Les regards s'attardent sur la pierre, s'abandonnent aux feuillages, aux nervures

si vertes sur la feuille déjà rougissante, mais la vision est au-delà.

Ce que je vois précède et laisse à mon regard les fastes du chemin parcouru.

Son sillage est le monde. Ce monde que mes regards édifient dans la limpidité

de ce jour d'automne est un sillage qui bouge, scintille et retombe

dans l'éloignement de l'invisible vaisseau de ma vision.

 

Légère sur le front, en vérité, car toute vérité est réminiscence !

Ai-je aimé ce mouvement, cette matière ! Ces souffles qui peuplent mon sang

d'une force nouvelle ! Ai-je bien dit la merveille des mers, des pâturages

et l'apparition diurne de la voile des astres, des volontés surhumaines ?

Je n'aime que les passions qui resplendissent, les sérénités violentes, les ferveurs

sèches et claires ! Ai-je nommé la ductilité, l'embrun, le sel, et l'or du fruit

qui s'épanouit sur la langue ? Ai-je dit l'hédonisme et la tempête ? Tout

cela n'est rien sans l'être immobile, sans l'éclat vertical du Principe foudroyant.

La nécessité et le hasard, pauvres mensonges de l'inscience… Ai-je dit

ce qui emporte pour ne point aimer ce qui demeure ? Quelle vanité ce serait !

Ce jour d'automne est un promontoire. Les jours anciens protègent

leurs régions d'équinoxe, les ciels s'approfondissent et se transfigurent

de grondements et d'éclairs, les accalmies elles-mêmes sont frissonnantes !

Comment l'âme ne s'allégerait-elle pas ! Ce qui ondoie me révèle

la mathématique des voiles: mes regards. Ai-je nommé ce qui précise

pour bêtement haïr ce qui vague ? La voile est latine et le chant

pythagoricien à la plus haute seconde du tumulte.

Sa pointe est le cœur de l'Ode qui tournoie.

 

Illicites nos phrases dans l'impétuosité !

Que nous haïssent les adeptes du rabougrissement !

La grandeur est notre amie, jusque dans l'infime nervure !

L'arc-en-ciel qu'emprisonne la goutte de rosée suffit à notre ciel

comme un pont entre les mondes ! La nature et la Surnature

ruissellent l'une dans l'autre ... Illicites nos visions ! Elles devancent

le cours d'un fleuve invisible qui recueille dans sa mémoire (car il n'est rien

de moins oublieux qu'un fleuve) l'image exacte de tous les feuillages

Qui se penchèrent ! Illicites nos joies et nos songes ! Accordés aux saisons divines.

Nous puisons le sens de l'obéissance aux profondeurs et aux hauteurs.

Qu'elles sourdent, les profondeurs ! Et les Hauteurs, qu'elles brillent

d'un Septentrion rayonnant de structures ! J'accompagne le sens

de cette sagesse furibonde avec la rapidité

des hirondelles

qui tranchent l'espace en gemmes prophétiques !

Quel dieu nomme cette justice ?

Quel dieu se nomme à travers cette disposition exacte ?

Quel dieu, en nous, se résout comme une ultime démonstration ?

La tempête s'ordonne à la mathématique d'un songe sans rivage !

Nous parviendrons à l'infini, non comme au sentiment de ce qui nous outrepasse

mais par l'exactitude mathématique d'un entendement tourné vers le Haut !

 

Qu'elles brillent, hautes dans les nues superposées, qu'elles chantent

jusqu'à l'inaudible accomplissement de l'art ! Elles témoigneront du Profond

comme d'un triomphe en nous de l'inlassable. Ces roches furent nos autels

et nos paupières fermées l'ampleur du crépuscule de l'aurore ! Tout se tient

dans une louange secrète ! Ce monde je le déploie dans mon refus

comme un silence grandissant, ce monde, je le hausse dans la gloire

de mon refus avec la persistance d'un repentir sans objet.

Ces prairies en fleurs

dans le soir qui tombe, qu'elles soient en-deçà ou au-delà de mes paupières,

je les aime. D'un égal amour du voyage et de l'immobilité, d'un égal

amour de la hauteur et de la profondeur, je consacre cette seconde où

je ferme les yeux pour attendre le monde.

 

Luc-Olivier d’Algange

 

 

Extrait de Le Chant de l’Ame du monde, éditions Arma Artis

 

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