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03/12/2021

Luc-Olivier d'Algange, Chant de l'Etoile polaire:

Luc-Olivier d’Algange

 

Le chant de l’Etoile polaire

 

Maudites, les apparences ?

Il fallait un jour en finir avec ce mensonge dont les conciles d'azur et d'or

assistaient au péril de nos royaumes...

Jadis, il m'en souvient, toute chose était dite en cet honneur.

La Gloire, et les certitudes philologiques, l'empire et la tristesse des conquérants salutaires...

Toute chose, oui, s'il m'en souvient, était ainsi dévouée à cette rive sablonneuse,

toute chose en vain

tout en bas de l'escalier de la nuit et des millénaires,

toute chose évanouie dans l'illusion de l'heure

dans cette flamme inextinguible

sous le regard le plus clair, le coursier le plus blanc,

telle cette Ode Olympique dont l'aube

encore peuplée d'astres mystérieusement

nous ôtait le sommeil.

Et nous demeurions ainsi les yeux ouverts,

nous demeurions

immobiles,

comme la descendante de l'ultime prodige

sur les degrés du temple taurique

- doucement elle feignit de s'endormir...

Or, tout cela revint

à ma mémoire comme une libation de la vive nature.

Tout cela m'enjoignait à comprendre la joie et la douleur

l'épreuve des enfers et la pieuse tristesse

d'un jour pluvieux,

l'automne...

Car il était dit

que nous devions douter de notre victoire,

douter du Chœur

et de cette saveur subtile de l'âme,

alors même que la beauté

en sa chantante terrestreïté,

devisait avec la Mer et nos tempes !

Et nous rêvions alors

d'un envol prodigieux, d'une race du libre ciel et de l'essor, car l'Ether,

l'Ether toujours

nous fut,

entre toutes,

l'éblouissante promesse...

Quelle légèreté alors nous saisissait dans le miroir

argenté des feuilles d'olivier,

et de quel promontoire auguste

nous entendions la voile frémir

et se défaire l'emprise des tristes générations !

Ainsi, la belle philosophie des hauteurs

s'offrit à nous comme une jeune fille.

Comme une nuit

portée dans le sein du jour le plus vaste,

notre âme

s'éveillait à l'entendement divin,- car longtemps silencieuse

elle fut,

comme des forêts, des steppes

dans le déclin crépusculaire d'invisibles civilisations...

Longtemps elle ne fut qu'une ombre dans l'Hadès, une

incertaine traversée

de l'Ombre dans une Ombre... Longtemps elle ne fut

qu'un murmure indistinct sur l'ardoise où agonise l'été.

Mais voici

qu'à travers l'immanence de la joie

l'immanence du Signe qui fulgure comme un diamant

sur l'eau ensoleillée

comme un feu clair dans le Jour

le plus vaste,

voici qu'advient la puissance nouvelle

issue d'une avant-région encore sans nom,

issue d'un nous-même dont nous ignorions

l'existence et le sens,

voici

comme une brûlure, une folie, une parfaite constellation,

la synthèse parfaite.

Toute chose ne débute-t-elle point, strophe céleste,

dans le prodige d'un voyage

dans les Jardins de la Mer

dont les roses tardives

sont les plus douces légendes

de l'Hellade rêvée ?

Que l'illusion soit

dans cette profondeur détruite !

Et qu'elle soit le recommencement.

Tant d'errances dans les villes et les siècles en seront redimées, tant d'espérances exaucées,

et le thème de l'ultime citation,

en majesté concise

dédiée à la patience du malheur

dont le sens désormais nous sera vain !

Notre grâce était si légère dans notre combat contre Chronos

que le ciel soudain

fut envahi

d'un turquoise d'une musique si belle

que des larmes coulaient sur tes joues

et les temps passés refleurissaient et se mariaient

à ces ombres si délicates que le ciel nous dispensait

comme si

dans le décret de cette heure fière

tout devait nous être donné

et au-delà,

car telle était la récompense de notre fuite amoureuse...

Plaignons un instant ceux qui sont resté en arrière et oublions, sous l'arc immense du dernier jour du monde

tous les déchirements seront des retrouvailles

et songes, fumées, seront toutes les misères humaines.

C'est pourquoi, en cet instant qui nous emporte

en ce vaisseau

qui nous éloigne

de ce que nous étions

en cette seconde salvatrice,

cet élan vers l'Ether où nulle ombre défunte ne sourit,

j'ai osé refuser ,- et volent les fragments célestes dans l'urgence du Chant !

Et gloire à Eros qui donna le diapason à ces mélodies !

 

Mon histoire est l'histoire du monde,

ma mémoire est au-delà de moi.

J'ai souvenance

de plus vastes empires dans l'aube inconnue

et le destin des couleurs s'unissait à mon chagrin

de voir disparaître

la patiente et lente science

des nuages empourprés dont les métamorphoses

en dehors de moi-même

semblaient en vérité n'être plus

que l'inexplicable adoration de l'émoi le plus secret,

de l'émoi

le plus intime

et dont jamais, jamais je n'eusse deviné, ni espéré qu'un jour

il fût

ainsi offert à la théâtralité et l'évidence infinie du Ciel, véritable patrie...

Oui, je bénissais cette heure, ce firmament, ce chant

et la plus profonde pensée

qui jamais ne s'achève et chante en moi sans cesse

le regain de la puissance

de l'invisible et sainte puissance des mots

dont j'ignorais alors

qu'ils viendraient une aube au devant de la plénitude...

Car en ces temps-là

j'ignorais l'unisson et la différence,

j'ignorais l'histoire et même les voiles blanches des rituels,- ceux là mêmes

que nous allions inventer

en notre occidentale conjuration de l'Etoile Polaire,

notre société secrète des pensées et des transparences...

En ces temps-là, oui, j'ignorais tout, car les dieux ne m'avaient pas encore gratifié de splendeur.

Tout n'était que pressentiment...

Que personne

jugeant cette douleur de l'être où je subsistais

n'en vienne à dire le naufrage et la mélancolie

car elles sont encore des récompenses destinées

aux grandes audaces consacrées du lointain.

Que nul

ne vienne s'approprier cette déréliction

qui fut la mienne

et ce combat absurde où périssent les plus beaux dialogues !

Le Ciel s'abreuve à l'incertitude qui me hante.

Le Ciel connaît le sens de ces batailles et de ces bannières

dont je parlais jadis en d'autres poèmes orageux.

Ce que j'aime est d'une plus imprévisible douceur.

Tout ce que j'aime est dans cette fidélité à l'Instant

source créée et incréée

des millénaires qui dorment dans mes phrases

et que ton souffle éveille dans la consolante aube sororale,

Ides perdues et retrouvées.

 

Ma mémoire est un ciel d'été.

Elle est dans le bleu et la chair ensoleillée de l'amante

cette éternité conquise

à jamais,

dans la délicatesse des ombres et des baisers

dans la clarté de vitrail

de la seconde magicienne.

... Et les feuilles furent légères dans l'obscur abri

du crépuscule. C'était un labyrinthe

où je découvrais

le Sel et la Somme du Dieu sans nom. Quelle pure pensée

alors nous éblouissait

dont nous entendions la voix sur les rochers,

Quelle silencieuse et limpide fureur nous saisissait

et nous arrachait au pouvoir de la douleur

comme une sentence marine.

Fils du Ciel et du soleil,

l'audace était notre devise. Elle devançait nos rires

sur l'abîme et l'océan ardent

et cette joie d'être à soi-même la proie du plus secret désir des apparences,

du plus secret désir des transparences...

Cette ivresse était sans égale.

Devant les portes consacrées et les forêts de l'aube pâle,

devinant le sens des cendres et des empreintes, nous devancions le cri et l'enfer,

et de larges voiles se faisaient accueillantes à notre ferveur. De larges voiles comme des Anges,

de larges voiles

sous un ciel plus sombre que la Mer...

 

Que la limpidité soit le Mystère, et l'allusion,

cette transparence offerte aux sens,

à la sagesse cardinale du désir qui sait

que toute chose donnée par amour

est inépuisable dans le Sens

et dans la profondeur des cieux et de la nuit...

Se peut-il que l'ignorance domine

au point de laisser déroutées et hostiles des âmes humaines

à l'approche du chant mystérieux ?

Que le souvenir du saphir des mers les plus lointaines vienne à notre secours

- et la fraîcheur et les embruns,-

pour dire

que jamais le Sens n'est obscur car la ténèbre toujours

est dans le cœur délaissé des hommes...

Que le souvenir du scintillement du Sel alchimique vole à notre secours

pour dire que jamais le Sens

n'est interdit

sinon par timidité ou paresse humaine.

Le Chant du poète

est la Gloire retrouvée, sa patience infinie,

retrouvée,

son image divine,

retrouvée,

son audace,

retrouvée,

et cette immense puissance bienheureuse, ce soleil somptueux, retrouvé dans le cœur et l'être

que nous sommes

de toute éternité,

dans la présence.

 

Toute chose dérive d'une source unique,

et mes pensées et mes rêves...

Comment ne pas voir

que nos rencontres étaient écrites

dans les registres de la lumière ?

L'amour de notre belle trinité amoureuse nous sauvait de l'insignifiance, de l'insensibilité et de l'Insensé

dont l'otage

était le monde.

Notre rencontre fut l'eau castalienne

pour notre soif que seule

comble une soif nouvelle...

Elle fut le rêve silencieux,

le rêve dont la profonde et douce et calme lumière lavande

abreuve

l'âme et l'esprit

tandis que le corps exulte entre tes bras.

Elle fut

ces larmes de bonheur dans tes yeux.

L'Etre cependant

fulgure dans la mathématique des transparences.

l'Etre,

dont l'exactitude s'émeut des plus lointaines litanies

dont l'adoration

dore le front d'un Christ Vainqueur...

L'Etre, qui n'est point

le Tout,

exige le divin qui le fonde,- de même que la raison

oublieuse du Verbe n'est plus qu'une pitoyable superstition.

Ainsi, il m'en souvient, d'amples considérations déployaient leurs arcs au-dessus de nos têtes...

Telle fut pour nous l'interprétation infinie du monde

cette impétuosité

du Sens ailé

cette conflagration céleste et silencieuse en nous

dont l'œuvre

s'attardait en notre souvenir,

avec la solennité acquise

de l'assouvissement et de la pensée, qui transparaît,

de la pensée

advenue dans la trace comme une promesse

d'accomplissement...

Telle fut pour nous la Saison divine

la Saison de l'heure adonnée au rivage

d'une plus haute légitimité,

la Saison amoureusement éperdue

sous le triomphe multicolore des Anges.

Telle fut pour nous l'Anadyomène

éternellement surgie des eaux pour nous ceindre

de sa clarté et de sa fougueuse juvénilité...

Ainsi débutait

l'épopée

heureuse de la Sagesse, l'aventure hauturière sous le Signe de la Conjuration de l'Etoile Polaire.

C'était un éloge de la vie et des plus hauts reflets de la vie,

un éloge des temporalités secrètes en nous

dont l'aube et le crépuscule divulguaient les splendeurs...

Bénies étaient les apparences dans le ciel d'été de ma mémoire.

La métaphysique du Jour

stylisait nos gestes en perfection.

Sous le ciel ordonné

notre destin était un empire,

et la beauté devineresse...

Pourquoi vivre dans la banale confusion

alors que la métaphysique du Jour

précisait le site de nos envols

écartant de nous

les malentendus et les équivoques,-

et nous offrant la désinvolture de surcroît .

Celui

qui parle

au vif de l'instant

sauve ce qui est dit et ce qui n'est point dit,

en un seul geste

dans la subtile justice de la métaphysique du Jour.

 

Qu'elles osent l'azur attique

de la pure pensée...

Qu'elles y reviennent, avec leurs danses

comme dans un temple d'enfantement:

ce furent

les germinations de la Saison divine. Il fallait bien

que nous fussions vengés de connaître ce premier don

cette première cadence véhémente

dont la limite était un front de lumière.

Il fallait bien que nous eussions secoué le poids

des attentes vaines,

oublieuses,

pour que sans armes visibles

l'on nous jugeât dignes d'accéder aux présages,-

ce serait, disaient les devineresses,

ce serait sur une autre terre

et sous un autre ciel...

Ecumes, Muses, printemps, vertus, vols dans l'aube éternelle.

Ecoutez cette rumeur de mes jours,

comme des ondes...

Telle fut pour nous la Saison divine,

en ce septentrion léger d'une traversée,

d'une saveur,

soudain, prés des fontaines de Thèbes

là où la pureté ressemble

à tes chevilles fines...

Telle fut pour nous

le belle espérance romaine,

la folie solaire

dans le cercle de plus en plus vaste

dont elle honore la beauté

sonore.

Offertes nous furent

tant de richesses inconnues, tant de vigueurs.

Les Cités

étaient lentes sous nos regards

et nous connaissions

le signe de la justice infinie

et le trident marin.

Qu'elle fût touchée, par la mystérieuse parabole des reflets

qu'elle fût nommée,

je devinais

cette éblouissante théurgie...

Son nom

s'éveillait à l'angle des apparences,

dans la ligne brisée

de la transparence,

entre l'ordre du monde et son abîme,

entre le rêve et le sommeil...

Là, je pressentais une feuille frémissante

et le royal accord

de nos contrées et de nos âmes.

 

Au bord de cette Mer, le sable

est la blonde pensée des dieux...

Infinie si l'on songe

et salvatrice

et mortelle si l'on

compte.

En ces temps-là, nous nous laissions griser

par les scintillements de l'eau et de la lumière.

Le crépuscule était

une immense promesse.

Notre allégresse précédait les événements du récit.

Notre âme

était forte de sa vision

et notre compréhension de la bataille.

Quel souvenir de ciel

austral étendait alors

ses ailes sur nos refuges,

nos ancêtres ?

Et de quel autre souvenir cette âme humaine fut détruite ?

Etait-ce d'un seul refus la croyance cruelle ou bien

dans l'exactitude d'un compas géant

la rosace d'un univers

dont les architectes seraient

la nécessité et le hasard ?

Pieux mensonge !

Toute chose dément cette triste habitude

et même notre honte à nous y résigner

et notre nostalgie d'une certitude plus haute

et la branche de laurier dans l'azur profond

et l'immobilité vibrante

de la pierre: toute chose dément...

Toute chose devine

et j'en détiens la connaissance mélodieuse.

 

Mais nous connûmes aussi de sombres clameurs,

les déchirements,

le soliloque de l'effroi...

Instants irrespirables,

haines, mélancolies,

à l'intérieur de ces ténèbres en tentation

où toute chose

ressemble à une confuse prostitution,

à une misère machinale,

sous les affreuses évaluations du Règne de la Quantité...

Les temps modernes avaient cette allure qui ne pardonne

et quand bien même

nous n'eussions rien connus d'autre

l'imperfection

était visible

spectre visible

outrance banale

où toute chose n'est qu'un autel de la vengeance,

une idole du ressentiment.

Fuir ! C'était la seule éclatante destinée !

Aller vers les cieux verts et les feuilles brillantes

et les chevaleries

irréelles d'une gloire oubliée...

Fuir cet inavouable rétablissement de Chronos et cette triste et banale barbarie...

Ainsi notre sillage inventait

une subtile civilisation de lueurs et de caresses

entre nos regards et nos corps

ainsi l'instant méditait

en nous la victoire de cette exquise énigme bleuïssante

qui portait

en nous

ce nom de la Conjuration de l'Etoile polaire.

L'Instant

dont jadis nous écrivîmes le Sacre

portait en nous ce nom

qui nous unissait,

ce nom qui nous destinait

aux plus vertigineuses et calmes ivresses, Isis voilée et dévoilée...

 

Et que de monstres frappés d'inconsistance !

Que de belles victoires sur le front du resplendissement,

la large absence farouche de quelle vie antérieure !

Etait-ce

un zénith moins pur,

un bec d'azur

dans la présence majeure ?

Notre audace devenait pensive

et Sphinx dans le péril...

Et dans le grand théâtre des châtaigniers

dans l'ample dramaturgie de ces phrases,

nous inventions le tourment délicieux d'une liberté

injustifiable...

Le Soir évanouissait en nous un trône transfiguré par les nombres somptueux de la Mer.

Et pourtant

de ces folies

il ne resta

que la haute abstraction du Ciel, et la louange angélique.

Car nous savions que la souffrance, en vérité, était une fausse nudité de l'être,

et Virgile riait avec ses épreuves claires

dans ce jour pluvieux que nous traversions sans y croire dans cet effondrement du monde

que nous subissions sans y croire,

sombres clameurs,

déchirements,

soliloques de l'effroi... Pieux mensonges !

Il était dit que nous ne nous laisserions point encombrer de ces écorces mortes...

La messagère était trop belle

en sa présence perpétuelle,

la séduction de sa bouche et de sa hanche,

car l'éternité est dans cette heure qui ressemble

à la grande distance du bonheur

et du malheur

telle qu'elle nous touche dans le silence de notre enfance

dans ce silence d'aigue-marine

qui prédit à notre première espérance

le ciel nocturne et pur

où chante l'écume prodigieuse des astres...

 

Vous qui étiez de la jeunesse perdue l'éloge et le conseil,

cette mémoire

dont l'accueil

eût tari mes paroles

vous seules, vêtues de l'Aube

profonde comme la contemplation,

n'ai-je aimé que votre réalité passive ?

Quel esseulement

et quelle fierté navrée se courbait

sous la funèbre incertitude...

Vous étiez, il m'en souvient, douce de lassitude apprise

avant que ne surgisse

l'autre merveille !

Un char brillant hors de la brume

vous regardait

et vous n'osiez dire,

vous n'osiez acclamer

cette étincelante finitude...

Jadis l'Inanimé effarouchait

l'Esprit,- mais notre course fut

plus rapide !

Plutôt que l'ombre, c'était la vie,

la cathédrale sonore de notre amour !

 

Vous qui étiez le soleil d'hiver, l'humeur tragique,

la précipitation

des illustres blancheurs, des ancêtres et des alliances,

de ce flot assombri que d'autres que moi choisirent !

Tout cela me fut-t-il autre chose

qu'une capricieuse beauté

à moins que l'encre et le sang n'eussent le même emblème ?

Et quelle excellence nous bénissait

quelles allégories ? Où donc

débutait ce monde qui nous abandonnait ainsi sans remord ?

Où donc débutait l'enfance de cette jeunesse sans nom, où donc

le vain repos ?

Où donc le fanatisme des mers ingouvernables, les gestes d'Ossian ?

Tout doit-il encore une fois retourner dans la nuit ?

Devons-nous, une fois encore, nous perdre dans ce face-à-face ?

 

O vous qui étiez l'éternité immanente, le message

et le témoignage

du sommeil et des yeux ouverts dans le sommeil ?

Vous qui étiez la réprimande et la tragédie,- aujourd'hui notre conjuration

nous éloigne de vous

car nous sommes l'instant, le miroir,

où brille l'éclat du dieu dorique de la lumière...

 

Et de ce Songe que fut le monde en son bonheur,

et de ce Songe singulier comme un vœu

exaucé

avant toute formulation, nous étions les devins

de même que nous fûmes princes pour nos amantes...

Alors les constructions florales de l'été

rayonnaient

dans l'intemporel...

Le Songe gardait en lui ces légendes

comme des semences

et nos mains

dansaient dans les mosaïques de l'air

comme des voyelles, des oiseaux

dont l'extrême courtoisie céleste s'emparait

de nos erreurs passées...

Car tout cela était déjà loin de nous

dans cette extrême proximité

où toute chose brûle

dans la distance infinie de l'immédiat.

Ainsi,

nous exercions notre raison à comprendre

l'euphorie,

l'eau tranquille, et cet éros cosmogonique

dont les apparences dévoilaient la corolle... C'étaient

des images sauvées,

un orient où l'illusion s'abandonnait

au ravissement du Jour

et la maxime de l'Instant nous éblouissait...

Et de ce Songe que fut le monde en son bonheur,

l'équilibre fut l'atteinte du Jeu,

sa figure de splendeur

surgie dans l'audace souveraine d'une ronce,

ultime logique d'une histoire sainte encore inconnue...

Ce Songe, en vérité,

hantait

le signe du dauphin,

scintillante perfection volant

dans le bleu du ciel et de la mer

 

Les dieux seuls connaissent les rougeoyantes

feuilles

du Songe

cette immense Atlantide

abandonnée à l'emphase

de la destruction. Mais qui donc disait:

«  La destruction est un rêve »-

quel écho de nos propres paroles

dans la lente connaissance de soi-même où tout commence et recommence.

Et nul ne saurait en contester la classique pudeur !

Les dieux seuls

connaissent l'automne du Songe.

Les dieux seuls peuvent parler de destruction et de fin,

d'achèvement

et de disparition.

Aux hommes qui ne vivent qu'un instant,

qu'un battement de paupière

il est prescrit

de connaître l'éternité vivante,

la présence auguste d'Atlantis,

sa beauté,

dans la seconde qui nous ravit.

Toute notre existence est

dans cette certitude parcourue de pluies et de clartés,

dans cette certitude

dont le cours, l'embouchure et la source témoignent

de l'illimitée

prière du désir

et ses métamorphoses

dont l'ultime ivresse me rédime.

O sainte simplicité du message,- ce que je veux dire s'éveille dans la légèreté:

les dieux seuls connaissent la mort parfois.

Le pur espace est le deuil où le semblable va à la rencontre du semblable...

Mais autour de nous et du monde

ce sont d'éternelles tragédies et les paroles du bonheur

et le sens dont l'ardeur nous unit

dans l'interprétation infinie de la naissance de l'être...

Que peuvent les dieux contre notre ignorance altérée,

contre la recherche infinie qui nous porte

au-devant

des empires de la terre et du ciel

de la mer

et du feu.

Les dieux seuls connaissent le crépuscule.

A nous

l'aube fleurie

où la frémissante attente s'accorde

à l'accomplissement des gestes, à l'éclairement du monde sous les savantes caresses et les baisers

qui s'attardent

en ces belles impudeurs de chevelures et de lèvres,-

et l'aube du visage humain

reconnaît l'éternité qui le songe

dans un tumulte ondoyant. 

 

Extrait de Le Chant de l’Ame du monde, éditions Arma Artis.

 

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Commentaires

Longue lente langue de terre
En dépliement des outres rassemblées
Sur le cairn
Où déposer menue
Ma petite pierre de considération
Cher Luc-Olivier d'Algange.

Écrit par : Gaël GERARD | 04/12/2021

Magnifique envolée lyrique qui parfois me fait penser à la prose poétique et cosmique de Paul

Claudel. Grand Souffle !

Écrit par : Silvaine Arabo | 04/12/2021

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